Témoignages - Journal fondé le 5 mai 1944
par le Dr Raymond Vergès

Cliquez et soutenez la candidature des Chagossiens au Prix Nobel de la Paix

Accueil > Développement > Quel avenir

L’OMC : arbitraire et non démocratique

Comment fonctionne l’Organisation mondiale du commerce

mercredi 14 décembre 2005


L’OMC est-elle une organisation démocratique ? Défend-elle l’intérêt général ? Les États y sont-ils représentés de manière égale ? Démonstration selon un article paru dans le journal “Globo” de l’association OXFAM.


Il y a quelques années, par souci pour la santé, les États-membres de l’Union européenne ont interdit l’usage des hormones de croissance dans l’élevage des bœufs et donc l’importation de bœufs traités de la sorte. Les États-Unis (EU) ont déposé plainte à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le tribunal de l’OMC appelé l’Organe de règlement des différends (ORD), ne reconnaît pas le principe de précaution. Il condamne donc les pays d’Europe qui refusent d’importer du bœuf traité. L’Europe paie chaque année une amende, et en plus, les EU ont reçu le feu vert pour pratiquer le “droit de rétorsion”, c’est-à-dire, dans ce cas-ci, le droit de taxer à 100% 60 produits en provenance d’Europe inscrits sur une liste que les EU peuvent modifier régulièrement.
L’accord sur l’agriculture de l’OMC interdit de subventionner les exportations de coton, ce que les EU ont néanmoins continué à faire massivement.
Après avoir vainement tenté, par la négociation, que cet accord soit respecté, le Brésil, avec l’appui des pays africains producteurs de coton, a introduit une plainte à l’ORD. Ils ont obtenu satisfaction. Mais les USA font la sourde oreille. Quelques milliers de fermiers américains comptent plus que plusieurs millions de fermiers africains.

Une justice indépendante ?

Telle est la justice à la manière de l’OMC. Mais peut-on parler de justice ?
1. Une des garanties pour empêcher l’arbitraire, c’est la séparation des pouvoirs. Or, l’OMC concentre en son sein des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires. Elle est juge et partie.
2. Les États sont transformés en avocats obligés des acteurs économiques privés. Car ils sont seuls à pouvoir introduire une plainte. L’exemple le plus spectaculaire a été fourni par le Canada. Suite au refus de l’Europe d’importer de l’amiante pour des raisons de santé publique, il a défendu les intérêts des producteurs d’amiante et a obtenu gain de cause à l’ORD.
3. L’ORD est un mécanisme qui de fait est largement réservé aux pays industrialisés. On voit en effet peu de pays en développement, dépendants politiquement, financièrement et économiquement de leur ancienne métropole, introduire des actions contre celle-ci. Les mesures de rétorsion prévues comme sanctions sont hors de la portée des pays en développement. Par contre, elles peuvent être gravement dommageables si elles sont utilisées contre ces pays par les pays industrialisés.
4. Les experts appelés à juger en première instance ne sont pas des magistrats. Ils sont désignés au cas par cas, ce qui est contraire au principe de l’inamovibilité des personnes appelées à juger.
5. Les débats de l’ORD se déroulent à huis-clos, ce qui est contraire au principe universel selon lequel la justice doit être rendue en public. Des experts sans légitimité démocratique peuvent remettre en cause la souveraineté d’un État et exiger l’abrogation de normes nationales voire locales dans le domaine, par exemple, des droits humains, de la santé, de l’environnement, des services, au motif qu’elles constituent des "obstacles au commerce".

Des décisions non démocratiques

Comme la justice, les procédures appliquées pour prendre des décisions à l’OMC sont loin d’être démocratiques. Les décisions s’y prennent par consensus, c’est-à-dire avec l’accord de tous.
Mais c’est le consensus des présents. Les pays non représentés lors d’une décision sont considérés comme ayant donné leur accord. Or, il y a chaque jour une dizaine de réunions à Genève. Une vingtaine de pays n’y ont même pas de représentation diplomatique. Près de 80 autres délégations ne disposent pas d’un personnel qualifié en nombre suffisant pour assurer leur présence dans toutes les réunions.
De plus, les États-Unis et l’Union européenne ont systématiquement recours à la pratique des réunions informelles : il s’agit de réunions où se retrouvent les pays riches qui impriment leur orientation à l’organisation, auxquelles s’associent des partenaires de circonstances (principalement l’Inde et le Brésil). On y prend des décisions qui sont ensuite présentées comme étant à prendre ou à laisser. Des pays membres de l’OMC se sont vus interdire d’y participer. Quinze pays du Sud ont avancé des propositions pour rendre l’OMC plus transparente et permettre la participation de tous ses membres. Ils ont demandé que les décisions adoptées lors des réunions informelles ne soient en aucun cas considérées comme faisant partie du processus formel de décision. Ils ont proposé une série de réformes techniques pour associer tous les États-membres à toutes les négociations.
Toutes ces propositions ont été rejetées par l’Union européenne et les États-Unis.

Raoul Marc Jennar,
Chercheur à OXFAM-Solidarité


Un message, un commentaire ?

signaler contenu

Messages


Facebook Twitter Linkedin Google plus