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Sainte Justice, priez pour nous…

jeudi 26 mars 2015, par Jean-Baptiste Kiya

De la justice par Jacques Langlois, éditions Libertaires.

C’est une question de balance : plus les instances judiciaires sont opaques, plus le justiciable se doit d’être clair et communiquant, et utiliser les réseaux sociaux, même si cela ne correspond pas aux tendances profondes de son caractère qui l’inclinent au retirement : ce n’est que de cette manière-là que seront mis en relief les manquements de la justice française.
En mettant sur le tapis, presque de manière impudique, les éléments de la procédure que vous estimez aberrants, vous montrerez que vous croyez davantage en la communauté qu’en dissimulant, comme le fait la justice qui montre qu’elle ne croit qu’en une communauté de quelques-uns ; d’autant plus fortement que les indices convergent : une justice sans journaliste est une justice vendue. Autant dire, tout le civil.

Il est erroné de dire, comme on a pu le lire partout, que Jacques Vergès a introduit le « vice de procédure » dans le déroulement de la justice pour la vider de sa substance. Il n’a simplement fait que retourner le miroir. Le vice de procédure, la justice l’employait bien avant. Et elle était utilisée par les gens de la justice eux-mêmes. Il suffit qu’on estime que vous dérangez ; mettons, vous êtes avec raison chroniqueur anti judiciaire, alors les pièces se perdent, elles ne sont pas arrivées à temps, quand votre avocat n’a pas opéré un tri sévère dans le dossier, en l’expurgeant. Cette fois, c’est le coup du dossier qui glisse de la table du juge pour finir dans la poubelle. Oups, on n’a pas fait exprès. D’ailleurs, on ne sait pas qui l’a poussé. Le juge s’est endormi, son coude a ripé, et voilà, à ce moment-là la technicienne de surface est arrivée. La bonne a fait un excès de zèle – vous la connaissez !- une sacrée chasseuse de poussière. La faute à qui ? – mais on n’en sait rien !… À votre précédente avocate qui n’a pas transmis les documents qu’il fallait au bon moment, au greffier qui n’a pas produit les bonnes écritures, au stagiaire qui a renversé le café dessus ! On a trop bien rangé votre dossier, on ne l’a pas retrouvé… On ne peut pas savoir ! Je ne sais pas : La faute au vent, la faute à Pas-de-chance… La fenêtre du juge s’est ouverte, la bourrasque Haliba est passée, le votre dossier n’était pas fermée, voilà !

Oui, mais quand même : vous avez déboursé 3 224 euros et 97 centimes TTC en 7 mensualités par chèques ; tout ça, ce n’est pas rien : ils sont là, vous ne les avez pas inventés ; il les a touchés, votre avocat ! Vous vous êtes serrés la ceinture, vous n’avez plus de carte bleue, vous ne partez pas en vacances, vous tardez à réparer votre bagnole, (votre avocat, lui, était aux Bahamas), tout ça, c’est bien du réel ! Alors, il s’agite, l’avocat : On va s’y remettre… Trouve des accents napoléoniens : S’IL FAUT ASSIGNER LE VENT, NOUS ASSIGNERONS LE VENT ! Doigt pointé au plafond, plonge dans le jugement que nous n’avez pas encore lu, paraphrase. Blablabla. Mensonge par omission. À l’idée de dépenser autant, pour un résultat aussi nul, devant cette agitation vaine, vous faites un geste de ras-le-bol de la main. Il vous a mis en boîte. Vous êtes écœuré. Il vous raccompagne à la porte, accort, en verve, sans vous laisser un seul instant réfléchir : « Vous avez lu des livres sur la psychologie positive ? C’est très bien tout ça, si, si, je vous assure… Il y a eu séminaire pour l’anniversaire de l’université du Tampon. Du plus-plus-plus (rire) ! Oui, c’est ça ; au plaisir. » Et la porte se referme derrière vous.

Comme vous vous y êtes engagé, vous faites un chèque machinalement au secrétariat. Signification. En blanc naturellement, car à La Réunion, c’est 105 euros, mais à Mayotte on ne sait pas. Clôturons au plus tôt. Ce n’était pas à vous de régler, mais à la partie adverse… C’est curieux, on vous a déjà fait le coup avant, mais vous ne voyez rien, vous avez les yeux bouchés.
Alors le lendemain, vous vous dites : Ah, non, c’est assez d’avoir dépensé pour rien pour un avocat, je ne vais pas en plus… Vous courez à la banque faire opposition au chèque. La banquière : « Vous avez perdu votre chèque ? – Non, je l’ai laissé en blanc au cabinet de mon avocat. Je ne souhaite pas qu’il soit encaissé. – Vous ne l’avez donc pas perdu, je ne peux pas faire opposition. – Vous préférez que je mente alors ? J’aurais très bien pu vous dire que je l’avais perdu, vous n’en auriez jamais rien su. – Vous auriez dû en parler à votre avocat… – C’est fait, je lui ai demandé de détruire le chèque ; tenez les courriels. Je n’ai pas de réponse. Il s’est peut-être dépêché de le remplir et de l’envoyer, comme si de rien n’était. – En mentant, vous encourez des sanctions au pénal. – Ça ne me dérange pas ! Si c’est une question de mot : Je ne l’ ‘ai pas perdu’, mais il ‘est perdu’ pour moi, ce qui revient au même… Mais ne vous inquiétez pas, que je m’empresse d’ajouter, c’est moi qui préviendrai le Procureur. » Et du coup, je rédige devant elle la lettre : « Je, soussigné, certifie avoir perdu le chèque n°7134777, patati-patata ». Le lendemain, deuxième couche, elle reçoit la lettre en A.R. Son rôle n’est pas de protéger ses clients de la geôle : c’est d’être banquière, d’appliquer le règlement : elle a la lettre, elle fait opposition – point. Elle est couverte. Le reste, je m’en charge.

Surlendemain, envoi d’un courriel pour dire à mon avocat que, malgré les dépenses, je voulais faire appel. Tout en précisant, avant, que je souhaitais d’abord déposer plainte pour escroquerie. Depuis, pas de réponse. Plus personne. L’avocat est parti en vacances avec mon chèque en blanc (que la banquière a laissé filer, naturellement). C’est la France : les gros bouffent les petits.

À ma banquière.


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