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par le Dr Raymond Vergès

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De la calomnie, de la stigmatisation et de leurs effets.

lundi 28 juin 2010

Retour sur la campagne de désinformation et de mensonges autour de la MCUR. Reconnaissons tout d’abord son efficacité. Elle a su utiliser les vieilles armes de la propagande totalitaire. D’abord, se concentrer sur un nom, une famille, en faire le nom par lequel le “mal” arrive. Ainsi le nom de “Françoise Vergès” est devenu un objet sur lequel tous les fantasmes pouvaient se greffer. Son salaire : mirobolant. Son travail : inexistant. Ses compétences : parfois oui, parfois non, mais toujours sans pertinence. Pour faire du projet MCUR un projet sans vie, sans objectifs et sans existence, il fallait l’associer à une seule personne, « fifille de » qui ne faisait rien, voyageait partout, gagnait un salaire insensé (En quelques années, le fameux salaire a fluctué entre 40.000 et 14.000 euros). C’était n’importe quoi mais bon, le délateur en chef qui sévit à zinfos974 a suivi l’affaire de près jusqu’en avril 2010 quand les services de la nouvelle mandature ont, en toute illégalité, rendu public le dit salaire. Ce qui a relancé aussitôt des pages de commentaires sur les forums pas des gens qui semblent particulièrement obsédés par cette “Françoise Vergès”.

Une fois la cible “Françoise Vergès” en place, plus besoin de lire une seule ligne des documents MCUR ou de s’intéresser aux actions de préfiguration. Plus besoin de parler des Zarboutan Nout Kiltir — Lo Rwa Kaf, Firmin Viry, Granmoun Baba, Granmoun Bébé, Granmoun Lélé… — d’aller les interroger, de s’intéresser à leurs vies. Plus besoin de s’intéresser aux réalisations dans les écoles : 200 classes, des milliers d’élèves et des centaines de productions.
Plus besoin de s’intéresser aux publications, ni surtout de les lire !
Plus besoin de se demander ce que signifiait la collecte des objets du temps présent : on pouvait se moquer des « savates deux doigts » en oubliant que ce sont les chaussures portées par la plupart de nos grands parents et qui témoignent, autant que les beaux meubles des grandes maisons, de vies dignes d’êtres valorisées.
Plus besoin de s’intéresser (ni d’en rendre compte largement) aux conférences données par de grands spécialistes venus du monde entier parler de l’Inde, de la Chine, de l’Afrique, de l’Europe : on trouvait deux historiens qui avaient lu en diagonale le programme scientifique et culturel de la MCUR et qui avaient trouvé des « erreurs ». Ou alors, on demandait à des conférenciers interloqués ce qu’ils pensaient de “Françoise Vergès”.
Plus besoin de parler des partenariats avec des festivals, des associations, des événements locaux, on disait « la MCUR prend tout ».
Plus besoin de se demander ce que signifiait la culture immatérielle, on disait « Ils rejettent les archives ».
Plus besoin d’interviewer les parrains et de s’interroger : mais qu’est-ce qui avait pris ces gens de renommée internationale de s’être mis dans cette affaire menée par « fifille » ?
Plus besoin d’interviewer les membres du Conseil scientifique.
Plus besoin de revenir sur la genèse du projet, sur les réunions de 200 quand des personnalités comme Monseigneur Aubry, des associatifs de longue date comme à Ghislaine Bessières, des professeurs comme Prosper Ève, Live Yu Sion ou Sudel Fuma, avaient travaillé ensemble aux objectifs de la MCUR.
Rien de tout cela. Il fallait soigneusement dissimuler tout ce travail et se concentrer sur un membre de « cette famille de dictateur qui a fait tant de mal à La Réunion », pour reprendre une formule très utilisée pendant tous ces mois dans les nombreux commentaires trouvés sur clicanoo, Zinfos974, etc. Ainsi, la hargne, la frustration, l’envie, et la jalousie pouvaient se fixer sur une personne et faire oublier que c’étaient les objectifs de la MCUR qui étaient visés.

La stigmatisation de la “famille Vergès” est une arme ancienne dans la campagne idéologique de la droite coloniale. Déjà, dire « la famille » permet de réduire des personnalités à un tas, vieille arme de propagande. La stigmatisation a commencé avec Raymond Vergès, accusé d’avoir assassiné une de ses épouses, de l’avoir coupée en morceaux, d’avoir volé… Elle s’est poursuivie avec Paul Vergès, accusé d’être « métis », d’être « Jaune », donc manquant de loyauté à la France (relire le “JIR” et les autres journaux des années 1960), d’être vendu à Moscou (ou Pékin, on ne savait plus très bien) et qui voulait « vendre » l’île à « ses maîtres ». La Droite réunionnaise manifestait en refusant de devenir des « moujiks ». Bon, c’était l’hystérie de la Guerre froide, et on disait n’importe quoi, mais ce n’est pas un hasard si l’argument du métissage fut si souvent utilisé.
Si aujourd’hui, on vante « l’île métisse », ce ne fut pas toujours le cas. C’est en fait très récent. La société coloniale esclavagiste et post-esclavagiste rejetait le métissage. La stigmatisation se continue avec Pierre Vergès et Françoise Vergès. Laurent Vergès étant mort, il bénéficie d’un traitement de faveur. Il est devenu quelqu’un qui était « aimé », de « gentil ». S’il était vivant, on pense qu’il aurait lui aussi été diffamé, insulté, disqualifié. Car il est très important de disqualifier « les Vergès », d’en faire un « système », de fantasmer sur leur fortune (pendant ce temps là, les vraies fortunes sont tranquilles), de mettre en cause soit leur authentique réunionnité, soit leur attachement à la France (Que Paul Vergès ait été l’un des très rares jeunes Réunionnais à rejoindre la France Libre est alors oublié.) On délire sec sur eux, on croit qu’ils se réunissent tous les soirs pour comploter sur l’avenir de l’île, on parle de « mythe de la famille » (Quelle absurdité ! On pourrait tellement dire la même chose de n’importe quelle famille), on fait de la psychanalyse de trottoir…
Des gens qui n’ont aucune compétence de psychologue, qui n’ont jamais rencontré un des membres de la dite « famille », bavassent sans cesse. Il y « l’épouse effacée », la « fille cachée », le frère… Enfin, on peut dire que ça les occupe. Mais derrière tous ces mensonges, ces fantasmes, ce dont il est question c’est de cibler des personnes, de les disqualifier, de les exclure de La Réunion.
Pour nous, les réponses à cette campagne ont manqué de force et de fermeté. Comme si on ne voyait pas que s’insérait doucement et entement dans la tête de gens, l’idée qu’après tout, « pas de fumée sans feu », qu’il devait y avoir du vrai.
Tout le monde s’y est mis, même un certain Defaud, passé de l’indépendantisme au fédéralisme pour finir à Europe-Écologie (Attention : on a le droit d’évoluer ! mais parfois, cela sent l’opportunisme), qui s’est fait expert en matière de musée… “Françoise Vergès”, est devenu un écran sur lequel toutes les frustrations pouvaient s’accrocher (la haine et la hargne ont besoin d’objet sur lequel s’accrocher, ça ne peut pas flotter tout seul). Pendant ce temps-là, le camp des assimilés réactionnaires pouvait préparer en toute tranquillité l’arrêt de la MCUR.

Collectif La Fournaise


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