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par le Dr Raymond Vergès

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Avec Marc Nasseau, il y eut le bon et l’émouvant. Avec les fameux 120.000 euros de subventions, il y eut le mauvais et le détestable…

lundi 13 décembre 2010

On dit volontiers du Sport qu’il est à l’image de notre société et qu’il ne déroge pas à la règle qui veut que le bon cohabite parfois avec le mauvais et l’émouvant avec le détestable. Deux évènements ont, ces jours derniers, illustré parfaitement ce dicton.
Le bon et l’émouvant, tout d’abord.
Samedi, en fin d’après midi, le Stade de Champ Fleuri vivait de beaux moments d’athlétisme dont le plus émouvant fut sans conteste le passage de relais qu’entreprit le Maire de la Ville, Gilbert Annette , devant un parterre d’invités, tous proches du regretté Marc Nasseau, décédé il y a un peu plus de quatre mois maintenant.

Marc Nasseau a laissé, tant dans le milieu de l’athlétisme que de celui du football dionysiens, le souvenir d’un entraineur sportif passionné et exigeant, méticuleux et fin psychologue. Ces qualités, ensemencées sur le terreau d’un caractère parfois explosif qui ne tardait jamais à retrouver, pour s’imposer à ses jeunes protégés, sa nature de pédagogue, ont permis à Nasseau de jouer un rôle remarqué à l’O.M.S. de Saint-Denis.
J’ai bien connu Marc. C’est ainsi que nous avions, avec plusieurs dizaines d’autres, porté les couleurs de l’équipe UNSS de La Réunion en 1963, pour des rencontres d’Athlétisme, de Basket et de Volley à Tamatave. Et croyez moi, un voyage par bateau et un séjour à l’étranger, devant des stades pleins comme nous n’en avions jamais vu ni connu dans notre île, ça ne peut laisser que de grands et beaux souvenirs ! Vous pouvez l’imaginer : il naquit une belle amitié, faite de coups de gueules et de poignées de mains échangées, une belle amitié bâtie sur des idées avancées pour être discutées avant d’être lancées dans l’opinion. Une amitié qui permit que soient plus tard jetées, avec un CROMS dynamique, les bases d’une vraie politique sportive pour notre île.

Le 7 Août dernier, dans l’hommage que nous lui rendions ici même, m’adressant à notre ami au delà de la mort qui nous l’avait enlevé, j’avais écrit : « Et tant pis si, de là où tu te trouves aujourd’hui, tu penses qu’on fait trop. Saches que nous sommes quelques uns et quelques unes à nous dire que la Municipalité trouvera bien un bout de stade – ou un stade entier, pourquoi pas ? – pour y fixer ton nom. Ce ne serait que juste reconnaissance pour ce que tu laisses comme exemple ». Le même jour, dans la même page de "Témoignages", Ericka Bareigts , Adjointe au Maire de Saint-Denis nous déclarait ceci : « Sans hésiter, j’abonde dans l’idée qu’une structure sportive de la capitale devrait s’honorer de porter le nom d’un autodidacte de cette dimension. Avec mon collègue Alain Couderc, j’en parlerai au bureau municipal, en association avec les gens du quartier de la Source, là où il fut un militant associatif respecté ».
Ce cri du cœur d’Ericka Bareigts qui valait engagement de ses pairs n’est pas resté une vide promesse. Samedi après-midi donc, Gilbert Annette pouvait proclamer que le Stade d’Athlétisme de Champ Fleuri portera désormais le nom de Marc Nasseau.
Ainsi, celui dont Madame Faivre Joséphine Marie-Andrée Denise , sa petite sœur qui habite depuis peu en Australie, nous rappela « le très grand cœur » et dont elle sut nous dire « qu’il est parti trop tôt, comme une bougie dans la nuit », aura toujours le regard posé et porté sur tous ceux et toutes celles, jeunes et moins jeunes, champions ou simplement sportifs, garçons ou filles, qui viendront fouler la piste et les ateliers spécialisés du magnifique espace dont la notoriété lui a été confiée par l’autorité municipale locale.

Le mauvais et le détestable, maintenant.
Les élus de l’Alliance au Conseil Régional ont, la semaine dernière, dénoncé avec raison le vote par la Commission Permanente de ce dernier d’une subvention de 120.000 euros au Club de golf de l’Etang-Salé. Cette subvention vient s’ajouter à quelques 40.000 euros déjà consentis par l’IRT à la même association.
Il ne s’agit pas ici de s’en prendre à une discipline sportive. Le golf est une activité tout autant respectable que n’importe quelle autre . Et s’il est bien connu qu’il passe, avec raison, pour être pratiqué en quasi exclusivité par la couche aisée de notre société, il nous appartient de tout faire pour qu’il accessible à tous. La question qui nous est ici posée est en vérité des plus simples : à quel jeu jouent la majorité actuelle du Conseil Régional et son président quand, passant outre l’avis très réservé – pour ne pas dire négatif - de l’élue déléguée au Sport, Madame Faveur-Lacroix , ils décident de prendre dans le budget du développement économique les lourdes sommes qui sont en cause ?
En procédant de la sorte, ils font un bras d’honneur au Sport en général et à l’élue concernée en particulier, signifiant à cette dernière que l’on a finalement rien à cirer des principes que le Mouvement sportif et elle-même pourraient nourrir quant à une opinion saine et partagée sur ce qui relève du devoir de nos collectivités de financer. Car, dans le budget du Tournoi de Golf en question, il y a des dépenses de plusieurs dizaines de milliers d’euros qui appartiennent à l’apparat, au bling-bling pour parler comme le Président Sarkozy : les réceptions notamment. Les réceptions et encore les réceptions.

En justifiant leur position imposée à leur collègue chargée des Sports, la majorité et le président du Conseil Régional n’ont pas l’air de se rendre compte qu’ils s’exposent à voir l’ensemble des autres Ligues et Comités sportifs se précipiter dans la brèche ainsi ouverte par un club, fusse avec la bénédiction de la Ligue à laquelle il appartient.
Car une question à triple volet brûle bien des lèvres : combien de golfeurs compte notre île ? Pour combien de footballeurs, de handballeurs, d’athlètes, de nageurs, de basketteurs pour ne citer que ceux là ? Si tous les autres se mettaient à demander des subventions pour des opérations qu’il est toujours aisé de qualifier de promotionnelles pour le tourisme réunionnais, le leur refusera-t-on ?
Dans le domaine du Sport, la semaine écoulée a vu le bon cohabiter avec le mauvais. Nous avions le devoir de dénoncer la légèreté et le n’importe quoi de ceux qui font comme si les coffres sont pleins jusqu’à déborder. Il nous plaisait de féliciter la ville de Saint-Denis et ses élus pour l’initiative intelligente qu’ils ont prise en honorant Marc Nasseau de la plus grande des façons.
Voilà qui est fait. Ainsi va le Sport.

Raymond Lauret


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