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par le Dr Raymond Vergès

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Le “Pôle sanitaire Ouest” : 6 millions d’euros séparent les deux meilleures offres…

lundi 23 avril 2012

L’Ouest de notre île a besoin d’un grand hôpital. Un hôpital qui soit grand, moderne et qui s’inscrive dans la logique des problèmes de santé d’une micro-région qui aura à prendre une part conséquente dans la croissance que va connaître la population réunionnaise dans les toutes prochaines années. C’est là une évidence. Un tel établissement, c’est une autre évidence, a forcément un prix. Un prix sur lequel il ne s’agit surtout pas de vouloir faire de ces économies qui ne feraient qu’aboutir à relativiser dangereusement son efficacité. Car il est bon que la santé des populations soit une préoccupation de tous.

Pour la carte d’un “Pôle sanitaire Ouest”, ces données ont, semble-t-il, bien été prises en compte pour établir le cahier des charges et des prescriptions spéciales. Et le budget estimatif auquel les prévisions de dépenses ont abouti avoisine les 100 millions d’euros.

Bien dans leurs rôles respectifs, les initiateurs du projet et les responsables politiques concernés se sont mobilisés face au Ministère de la Santé qui, depuis Paris, aurait bien aimé — « rigueur budgétaire » oblige ? — que l’on rogne ici et là et que l’on en fasse pour beaucoup moins. Ce qui aurait été le contraire du bon projet pour un prix maîtrisé.

Le concours a été lancé, et la semaine dernière, le jury mis en place autour du Directeur de l’Hôpital Gabriel Martin a examiné les 5 propositions enregistrées : celles de deux groupements italiens (avec pour mandataire respectif les sociétés INSO et IMPRESA PIZZAROTTI), celle de l’entreprise métropolitaine DEMATHIEU & BARD et celles de deux entreprises bien implantées dans notre île, SBTPC et GTOI.

Très rapidement, les offres des deux entités italiennes ont été écartées, la première (évaluée à 86 millions 902.982,00 d’euros) pour insuffisances caractérisées, la seconde pour, entre autres, un prix considéré comme dépassant largement la limite imposée (113 millions 090.874,00 d’euros). Restaient donc, par ordre alphabétique, DEMATHIEU & BARD, GTOI et SBTPC. Avec, pour coûts respectifs : 96 millions 931.064,00 d’euros, 97 millions 657.635,00 d’euros et 90 millions 985.000,00 d’euros.

Ces trois entreprises se sont bien évidemment entourées de divers partenaires compétents, notamment en équipe d’architecture. Ce qui est normal, un hôpital étant avant tout un bâtiment relativement complexe. Ces entreprises n’ignorent pas non plus que « l’image architecturale » pèse pour 7% dans les critères que le jury aura à examiner. Et, sans surprise, les trois projets s’intègrent parfaitement au cadre fortement boisé du “Grand-Pourpier” qui accueille déjà l’Établissement public de santé mentale de La Réunion (EPSMR), ainsi qu’au paysage et à son arrière-pays de la Plaine Saint-Paul et de Sans Souci. A n’en pas douter, leurs architectes respectifs sont des hommes et des femmes expérimentés et bien formés.

Que tel membre du jury hautement spécialisé dans le domaine du « rendu architectural » soit amené à considérer que tel projet a un petit plus qui charme davantage l’œil, cela n’a rien d’inhabituel. Sauf que ce genre d’opinion, tout à fait respectable, ne devrait pas primer sur les autres aspects de chacun des dossiers et, plus particulièrement pour la collectivité, sur le prix le plus avantageux d’une construction sur laquelle on aurait, évidemment, toutes les garanties quant aux critères techniques.
Il m’est bien des fois arrivé, dans une période de ma vie où j’ai eu à participer, souvent en les présidant, à des séances de Commissions d’appels d’offres (CAO), d’être placé devant des offres financièrement les moins élevées, mais dans lesquelles le dossier technique était considéré par ceux qui ont charge d’en analyser le contenu comme un peu moins bon que celui de leurs concurrents. Souvent, et souvent à l’unanimité, nous avons fait le choix de privilégier le critère prix, à condition, bien entendu, que l’offre en question était aussi sur le plan technique de qualité satisfaisante. Cette position était alors comprise. Et je ne manque jamais de faire remarquer à nombre de mes interlocuteurs que lorsque nous roulons sur la route des Tamarins, nous ne faisons pas de différences entre, d’une part, telle portion de ce remarquable ouvrage qui a pu être confiée à une entreprise locale qualifiée de “petite” et, d’autre part, celles qui l’ont été à de grandes multinationales.

Dans le cas du concours organisé pour choisir la société qui aura à réaliser le “Pôle sanitaire Ouest”, nous sommes devant des offres de qualités comparables. Bien sûr, il est toujours possible de noter que, sur tels ou tels points, il puisse apparaître telles ou telles différences. Ne tombons cependant pas dans les travers qui sont monnaie courante chez certains : une insuffisance se corrige toujours. Il y en a même qui peuvent être compensées par d’autres points particulièrement bien soignés du dossier. Et pour revenir au « rendu architectural », reconnaissons que nous sommes là dans le subjectif.

S’il est un point sur lequel, pour parler familièrement, il n’y a pas photo, c’est le prix. Ici, nous ne sommes pas dans l’imaginatif. C’est ce qu’il convient de retenir quant au “Pôle sanitaire Ouest”.

Six millions d’euros (5 millions 946.000,00 plus exactement) séparent les deux offres les moins chères. De plus, celle des deux qui est financièrement la plus avantageuse pour la puissance publique propose un délai de réalisation de 49 mois contre 53 mois pour sa concurrente.

Nous n’avons pas ici à faire état de ce que laisse entendre la rumeur. Une rumeur qui, dit-on, ne serait pas si vague que cela. Au point qu’il est question de recours qui serai(en)t déposé(s) devant les instances habilitées à examiner tous vices de forme ou toutes positions abusives adoptées, sciemment ou pas, par certains.

Non, notre souci tient plus en ce que l’opinion publique ne comprendrait pas que l’on prenne le risque de nous entendre dire par le Ministère de tutelle que l’État ne suivra pas, dès lors que l’on a privilégié la solution la plus onéreuse bien que le projet le moins cher présentait toutes les garanties que demande un hôpital. Car, selon “Le Quotidien” de samedi, « le marché pour la construction du futur hôpital de Cambaie a été attribué, pour un montant d’environ 100 millions d’euros » alors que, dans le même temps, toujours selon notre confrère, « le plan de financement, lui, prête toujours à interrogation… » .

Car, quel qu’il soit, le Président que les Français se donneront dans maintenant quinze jours pourrait très logiquement considérer qu’il ne peut commencer son mandat à la tête de notre République en cautionnant un tel dépassement.

Raymond Lauret


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