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par le Dr Raymond Vergès

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Pour que la mort tragique du cycliste Serge Fontaine ne soit pas inutile…

lundi 30 janvier 2012

Ce samedi 28 janvier, du côté de Basse-Vallée, dans le Sud de l’île, un de nos compatriotes, amateur lui aussi de sorties à vélo en groupe, a trouvé la mort. Il a été renversé par un automobiliste. Ce dernier n’était pas sous l’emprise de l’alcool. C’est, donnera-t-il comme explication aux gendarmes, pour éviter un piéton qu’il a été obligé de faire un écart. Il ne roulait, semble-t-il, pas vite. Il a la soixantaine et aura désormais à vivre avec ce drame chevillé à la conscience.

Le cycliste, Serge Fontaine, que nous sommes nombreux à connaître ou à avoir un jour rencontré, était quelqu’un de prudent et d’expérimenté. Face à une voiture conduite par quelqu’un qui n’avait semble-t-il pas l’allure d’un fou du volant, il a cependant trouvé la mort : celle qui est de trop et qui est injuste, une mort qui fait monter en nous une sourde colère qui seule peut contenir notre réel chagrin. Car ceux qui connaissaient Serge Fontaine appréciaient pleinement ce garçon qui animait avec Jean-François Auber, Frédéric Foucque et d’autres encore leur Club des Gonflés de la Petite Reine. Serge était père de famille dont une petite de deux ans. Il avait 57 ans.

Deux autres de ses camarades auraient pu connaître le même sort que lui. Accrochés eux aussi par la voiture, ils n’ont été que légèrement blessés. On est passé à deux doigts d’une tragédie encore plus insoutenable.

Passé le moment de la douleur que chacun, à des degrés divers, ressent toujours dans une telle circonstance, passé donc le temps des émotions que nous pouvons vivre les poings fermés et le visage crispé pour ne pas avoir envie de tout arrêter ou pour ne pas exploser d’une bien compréhensible colère, peut-être nous faudra-t-il sereinement nous demander ce qu’il nous faut absolument prévoir pour qu’un autre amoureux de la « petite reine » ne se retrouve encore face à une voiture qui, même si son conducteur n’est pas ivre et s’il ne roule pas à tombeau ouvert, lui laissera peu de chance de survivre dans le possible choc frontal.

A vélo, le port du casque, nécessaire, indispensable, ne suffit pas. A vélo, de bons freins, nécessaires, indispensables eux aussi, ne suffisent pas non plus. A vélo, un sens toujours en éveil de la prudence, nécessaire, indispensable, n’est pas suffisant. Serge, comme ses camarades de sortie, portait le casque. Il avait de bons freins et son sens de la prudence était suffisamment en éveil pour qu’il ait le réflexe, au moment du drame, de crier « Attention ! » à ceux qui, dont son épouse, le suivaient à vélo.

Peut-être, pour que la mort de Serge Fontaine nous rappelle que, lorsque nous pédalons sur des routes qui ne sont pas réservées aux seuls cyclistes, nous sommes vulnérables en cas de choc contre un véhicule à moteur, nous faudrait-il systématiser la présence d’une ou de deux voitures qui précèdent nos pelotons. Nous le faisons déjà, je le sais. N’oublions pas tout simplement de toujours le faire. Faisons-en une règle, tout le temps que le projet de doter notre île de voies cyclables en quantité significative ne sera pas devenu une réalité.

Et ici, je me garderais de montrer qui que ce soit du doigt. L’idée de faire de La Réunion une « île cyclable » ne date même pas de 20 ans. Tout le monde sait qui l’a lancée, en étroite relation avec les associations concernées de notre région. Je n’ai pas oublié les réunions de travail que nous avons pu avoir autour du Comité Réunionnais de Promotion du Vélo, le CRPV, que préside notre ami Philippe De Cotte et au sein duquel militent, entre autres, des gens comme Yvon Lucas, Lucien Biedinger, Daniel Omer Hoareau, Michel Bénard. Nous savons que, dans notre civilisation du tout automobile, l’idée de la promotion du vélo se heurte à plusieurs types de difficultés, la principale étant la force des habitudes ainsi que les idées reçues et souvent entretenues selon lesquelles l’usage du vélo est dangereux. Et puis, il y a la crainte qu’ont nos élus de créer les conditions pour changer habitudes et idées reçues.

Peu doit nous importer que l’actuel ministre chargé des Transports, Monsieur Thierry Mariani, choisisse la dernière ligne droite qui nous sépare des toutes prochaines élections présidentielles pour présenter (c’était le 26 janvier dernier à Paris) « les mesures phares du premier Plan national vélo » . Ce qui importe, c’est que les annonces gouvernementales reprises aujourd’hui sont le fruit des conclusions auxquelles, depuis quelque temps déjà, sont arrivées les associations qui, au niveau des Cités, des Départements et des Régions de toute la France, toutes opinions politiques confondues, ont multiplié les rencontres régionales ou nationales et marqué des points, insuffisants certes, mais des points quand même qui sont en train de tracer des sillons. A La Réunion, nous avons apporté notre part à la réflexion générale.

Nous aurons l’occasion de revenir sur ce qui, pour demain, s’imposera à nos maires, à nos Conseils départementaux et régionaux et au gouvernement.

Aujourd’hui, saluons notre compatriote Serge Fontaine et formulons le vœu que sa mort tragique amène nos responsables à s’interroger sur la vraie modernité de demain. Cette modernité qui, en termes de santé, de réduction des pollutions atmosphériques et sonores, cette modernité qui, en termes de gestion de nos espaces urbains, des budgets des ménages et de la dépense publique, finira bien par s’imposer dans nos politiques d’aménagement urbain.

Raymond Lauret


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