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par le Dr Raymond Vergès

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Quand l’intuition féminine est beaucoup plus qu’un « visa pour foncer »…

lundi 7 mars 2011

Ces jours-ci, une grosse — grosse mais minable — polémique a été initiée par un responsable politique saint-pierrois parti battre la campagne des cantonales à Saint-Joseph. Le moins qu’on puisse dire, c’est que David Lorion, c’est de lui qu’il s’agit, a bien besoin, dans certaines circonstances et comme chacun d’entre nous, de savoir maîtriser son vocabulaire. J’ai une fois ou deux été témoin que l’agrégé de Géographie qu’il est en est bien capable. Alors, pourquoi pas chaque fois qu’il parle en public, même devant des inconditionnels ? Ladite polémique n’a évidemment pas manqué d’être aussitôt soulignée par certains journalistes. Normal, puisqu’un journaliste est là… disons… pour rapporter. Normal aussi que la personne insultée — il s’agit de Patrick Lebreton, maire de Saint-Joseph et également député PS de La Réunion — réagisse en informant l’opinion publique et le responsable UMP que plainte pour insultes publiques va être déposée. Aussitôt, se rendant compte qu’il est sorti des limites de l’argumentaire voire même de la polémique politicienne, sans doute aussi sermonné par Michel Fontaine, le maire de Saint-Pierre qui était semble-t-il présent, David Lorion s’excuse. Il s’excuse sans nuance. Et il va même tresser des compliments à Patrick Lebreton, qualifié « d’ami qui défend bien sa commune » !
Je me considère comme assez bien placé dans mon Parti communiste réunionnais pour — contrairement à ce qu’a écrit Yves Montrouge, furax que Lorion semble insinuer qu’il aurait menti — me féliciter qu’un responsable politique se rende compte qu’il a dépassé les bornes et qu’il cherche (très, très, très maladroitement, je vous l’accorde !) en quels termes présenter de bien difficiles excuses à un adversaire. Ma conclusion : que Patrick Lebreton, beau joueur, fasse faire à nos tribunaux l’économie d’un procès qui n’a plus de raison d’être. L’opinion et le bon sens le plus élémentaire ont tranché. D’autant plus que, dans les deux cantons de Saint-Joseph, ce ne sont pas les candidats que David Lorion et l’UMP sont venus soutenir qui risquent de l’emporter dans deux semaines ! Allez, Patrick, va pour le bon geste. Ça sera payant…
Ça sera payant et ça n’a pas de lien avec ce qui va suivre.
Vendredi dernier 4 mars, avec d’autres, j’étais venu témoigner, devant un gros parterre de Portoises et de Portois de naissance ou d’adoption, des conditions dans lesquelles j’eus à apporter ma modeste contribution à la belle aventure que permit la victoire de la liste de Paul Vergès aux municipales du 21 mars 1971 au Port. J’avais été invité à parler notamment de la politique sportive que nous mîmes en chantier avec cet OMS que présida avec grand talent et avec humilité mon ami Albert Mourvaye. Un Albert Mourvaye auquel il était normal que j’associe son épouse Marie dont l’intuition féminine fut plus d’une fois beaucoup plus qu’un « visa pour foncer ». Un Albert Mourvaye qui sut fédérer des personnes comme Evenor Boucher, Jean-Claude Chabriat, Mickaël Rosalie, Annick Gruchet, Gisèle Maillot ou encore Émile Péria-Simbin pour n’en citer que six d’une longue liste…
Vendredi donc, je causais gymnastique et forcement de Patrick et Éric Casimir dont nul dans notre île n’a le droit d’ignorer ce qu’ils ont apporté, avec d’autres Réunionnais et d’autres Réunionnaises comme Elvire Téza, à la gym française, jusqu’aux compétitions internationales les plus connues, Jeux olympiques compris. J’ai envie, dans ce cadre de mon propos d’aujourd’hui, de vous raconter une anecdote que me rapporta un jour Maurice Casimir, le père de nos deux champions.
L’OMS du Port avait offert à Maurice et à son épouse billets d’avion et séjour à Paris pour assister à un meeting de gym organisé à Bercy par la FFG, quelque temps après une grosse « compèt » quelque part dans le monde, « comtèt » au cours de laquelle Patrick, alors capitaine de l’équipe de France, avait été étincelant. À son retour, tout en nous remerciant pour ce « cadeau au prix inestimable et qu’il n’oubliera jamais », Maurice nous confia que, dans le beau gymnase de Bercy plein à craquer, tout bouleversé par ce qu’il vivait comme un immense privilège, il avait dit à sa femme : « Regarde… Parmi ces dizaines et ces dizaines de gymnastes de toutes les conditions venus des plus grandes nations sportives du monde, il y a un seul noir… ». Et pour Maurice, la présence totalement naturelle et au milieu de ce foisonnement de sportifs de très haut niveau venus de toute la planète, pour Maurice donc, la présence totalement naturelle de ce jeune réunionnais, né dans un quartier pauvre d’un petit pays situé au cœur de l’océan Indien, avait un sens profond. Car c’était notre identité réunionnaise bâtie sur la rencontre de peuples d’origines diverses qui s’affirmait ainsi dans l’Excellence universelle. Et c’était son fils qui était le porte-drapeau de cette évidence. Maurice poursuivit : « Ma femme m’avait dit qu’elle l’avait remarqué elle aussi et que cela la remplissait d’émotion, en tant que mère et en tant que fille de bidonville de La Réunion… ».
Viennent alors sous ma plume ces lignes d’un évêque africain écrites pour être méditées par chacun d’entre nous, où que nous vivions : « Sois patient avec notre peuple. Ne nous crois pas arriérés parce que nous ne suivons pas ton rythme. Sois patient avec nos symboles. Ne nous crois pas ignorants parce que nous ne savons pas lire tes mots. Reste avec nous et chante la beauté de la vie que tu partages avec nous. Reste avec nous et accepte que nous puissions te donner quelque chose. Accompagne-nous sur la route : ni devant, ni derrière. Cherche avec nous… ».

Raymond Lauret


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