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par le Dr Raymond Vergès

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Quand un coup de gueule de Jean-Hugues Ratenon rejoint quelques interrogations des gens de la maison du football réunionnais…

lundi 5 décembre 2011

Le salutaire coup de gueule (qui est aussi un appel à notre révolte à tous) que Jean-Hugues Ratenon lance en ce moment contre l’indécente habitude que nombre de nos élus ont prise depuis quelque temps de se rendre à Paris quand s’y tient le marché… pardon, le Congrès des Maires (au même moment où « le Beaujolais nouveau » sort pour être proposé à la vente), ce grand coup de gueule dont personne n’a osé dire à ce jour qu’il relève d’une petite démagogie inspirée par l’esprit de l’Abbé Pierre, ce coup de gueule dont nous sommes quelques-uns à espérer qu’il sera entendu et qu’il remettra de l’ordre dans ce qu’il est convenu d’appeler les institutions citoyennes de base que sont nos municipalités, ce coup de gueule de Jean-Hugues Ratenon et le problème de fonds (dans les deux sens du terme) qu’il pose ainsi est à rapprocher des interrogations qui alimentent certaines conversations dans les milieux du football réunionnais.

Bien sûr, que 218 privilégiés aillent « bat’ carré » à Paris au frais des contribuables parce que, à quelques encablures des fêtes de fin d’année, s’y tient un certain congrès, cela n’a rien à voir avec le boulot, bien réel lui, qu’ont à se « taper » toute l’année, périodes de fêtes comprises, les centaines de bénévoles d’un sport aussi populaire et porteur de valeurs que le foot. Ce n’est cependant pas parce que la nuance doit être fortement soulignée à l’avantage de ce dernier que nous ne devons pas en parler. Car…

Car notre foot est en train de franchir la ligne jaune qui marque des limites qu’il ne doit pas dépasser. Nos clubs — certains d’entre eux en tout cas — sont dans des situations de sorties de route qui mènent leurs dirigeants à l’inévitable sollicitation des budgets communaux et donc à de dangereuses pressions sur des maires qui auraient la faiblesse de subir celles-ci. Car si, en brave homme qu’on le supplie d’être, « Monsieur le Maire » consent à la rallonge pour une association, que pourraient bien penser (et faire à tout moment !) les dirigeants des autres entités de la ville, qu’elles soient sportives ou autres ? Et Yves Ethève, le Président de la Ligue réunionnaise de Football , voyait juste lorsqu’il rappelait publiquement, il y a peu de temps encore, que l’ensemble desdits budgets connaissent actuellement de grosses contraintes et qu’il importe que chacun sache que la solution à nos dépassements de dépenses n’est plus dans une subvention municipale en augmentation. L’heure, cela ne se dit pas suffisamment, est aux économies et à la fin de certaines folies.

Cette fatalité n’avait pas échappé à la Fédération française de Football qui, en toute logique, a imposé il y a quelque temps déjà qu’une Commission départementale de contrôle de gestion (CDCG) soit mise en place à côté de chaque ligue. Comme son nom l’indique, cette Commission est chargée de porter un regard sur la gestion des clubs. Elle contrôle donc les comptes et elle dit s’il y a ou non des risques, voire déjà des effets de dérapage qui pourraient être préjudiciables à tel ou tel club. Elle remplit ainsi une mission d’éclairage du tableau de bord de chaque association tout en participant, ce qui n’est pas le moindre de ses mérites, à l’équilibre général de toute une compétition. Inévitablement, elle est animée par des spécialistes de la gestion, c’est-à-dire des experts comptables et des magistrats. Ce qui, il faut le souligner, est une bonne chose.

La CDCG de La Réunion vient de rendre ses conclusions sur l’état des finances d’un certain nombre de nos clubs. Elle a également fait des suggestions quant à des mesures à prendre à l’encontre de ceux qui présentent des situations financières pour le moins alarmantes. C’était il y a quelques jours seulement.

Il n’entre pas dans nos intentions de porter un jugement sur ces conclusions et sur les mesures suggérées. Ni de commenter la décision que notre ami Jacky Amanville, un des vice-présidents de la LRF, a jugé nécessaire de prendre en l’absence de son président, mais sans doute après l’avoir consulté téléphoniquement : le retrait de l’ensemble des sanctions annoncées, et cela jusqu’à ce que l’institution LRF se prononce. Les bénévoles de la CDCG vont-ils apprécier ? La LRF va-t-elle expliquer à ses mandants qu’il faut savoir raison garder ?

Sachons bien que, pour l’opinion publique, il importe que nos édiles mettent un terme à la gabegie de la participation massive des élus réunionnais au Congrès des Maires chaque année à Paris. Parce qu’il ne s’y passe rien qui la justifie et parce que ce qui s’apparente à une ballade coute très cher à l’ensemble des contribuables.

De même, il s’impose que l’ensemble de ceux qui ont vocation à faire émerger et vivre une bonne politique sportive dans chacune de nos communes et dans l’ensemble du Département osent se mêler de ce qui les regarde.

Nous ne devons pas ignorer que la situation catastrophique de l’emploi dans notre île explique que bon nombre de nos jeunes n’ont pas d’autres issues que de mettre en avant leurs qualités et parfois leurs talents de footballeurs. Et pas seulement les footballeurs. C’est trop souvent la seule voie que beaucoup de nos jeunes ont pour tenter de trouver un salaire et, parfois, dans la foulée, un emploi. Et c’est tout à l’honneur de nos dirigeants de sociétés sportives de tenter ici de se substituer, par la force des choses, à la carence publique et notamment à celle de l’État dans un domaine essentiel pour l’équilibre de notre société : du travail et un salaire pour chacun.

Pour autant, doit-on créer les conditions pour que nos dirigeants (bénévoles pour la quasi-totalité d’entre eux, faut-il le rappeler ?) soient face à des demandes de salaires ou d’indemnités sur lesquelles il y aurait tant à redire ? Est-il nécessaire que certains défraiements à des tiers soient imposés aux clubs ? Est-il nécessaire que les pénalités de toutes sortes, dont on sait parfaitement qu’elles ne peuvent pas être couvertes par les recettes des matches, continuent à peser sur les budgets des clubs au lieu d’être récupérées à proportion de ces dernières ? Est-il acceptable que certains clubs plus “fortunés” profitent du travail de fonds réalisé par d’autres et leur “piquent” les jeunes talentueux qu’ils ont formés sans que l’institution, au moins au nom de la morale, impose des mesures compensatoires ? Le moment n’est-il pas venu d’un travail de réflexion sur les limites du dirigeant sportif quand il est face à un jeune talentueux et au chômage ?

Voilà, j’en ai fini. Dans les deux cas, Congrès à Paris et foot à La Réunion, la balle est dans le camp des maires et des élus du mouvement sportif. A eux de lancer les débats. Et de se sentir concernés.

Et tant pis pour ceux qui, pour éluder la question, se croient obligés de penser que l’on ne mélange pas sport et politique. Tant pis pour ceux qui s’obligent à ne pas savoir que la politique, c’est tout simplement l’art d’organiser la société pour que chacun y trouve sa meilleure et petite place.

Raymond Lauret


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