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par le Dr Raymond Vergès

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Du travail

mercredi 16 mai 2012

Après des mois de révoltes intenses, de tensions sociales sans précédent, nous devons faire le bilan et penser à avancer, en réglant l’épineux problème du travail une fois pour tout.
Comme un philosophe, l’homme réunionnais voit avec lucidité le tragique de l’existence et cependant doit accepter les évènements tels qu’ils lui arrivent, mais en prenant plaisir à se prendre en charge. Le travail comme l’art et la philosophie ont en commun la peine, la patience, l’effort, le sérieux, mais, in fine, tous procurent, comme on peut bien nommer avec Nietzsche, le Bonheur.
Le travail longtemps est présenté comme une activité à l’encontre de la nature. Une souffrance, dit la Bible, une nécessité pour vivre, selon Foucault, une subordination à la nature, disait Aristote. Un moyen et non une fin au service du corps, faisaient remarquer les uns, la plus haute activité réservée à une minorité pour cultiver son âme, faisaient remarquer d’autres. On voit que chacun va à sa conception sur l’activité travail. Même si nous devons continuer à nous interroger sur la valeur travail ou s’il peut être considéré comme un loisir, l’urgence de l’actualité est de pouvoir trouver une occupation source de libération (libération matérielle et intellectuelle) pour le citoyen. Autrement dit, se libérer des contraintes de la nature et des maîtres, pour nous procurer des plaisirs intenses et profonds qui nous permettent de travailler pour ne pas travailler.

Le travail transforme le travailleur
On ne le dit pas souvent, l’activité travail peut être un moyen qui nous délivre de notre corps, il est à notre service, et c’est justement grâce à l’exercice du travail qu’on est libéré des besoins au quotidien. Des efforts consentis qui forgent notre propre perfection. Celui qui accepte de travailler, non seulement il transforme la nature, mais il la domine. Par la raison, le travailleur invente, crée et trouve des solutions pour faciliter la vie et s’incarner dans l’humanité.

Le travail rapproche les hommes et crée l’humanité
Selon Kant, la nature « voulait que l’homme [parvienne] par son travail à s’élever de la plus grande habileté à la perfection intérieure de son mode de penser… ». Ce regard porté sur l’humain atteste que l’homme ne se satisfait pas de produire des biens destinés à une consommation, c’est-à-dire à sa destruction par une activité inintelligente. Quand Kant dit « parvenir par son travail » et « s’élever de la plus grande habileté à la perfection intérieure », on pourra comprendre que par le seul travail de production, l’homme se délivrera de la pesanteur de la nature. L’usage intelligent et la finesse de la raison l’autorisent à plus d’inventions. Il développe son intelligence dans le travail en cherchant des solutions aux problèmes d’aménagement de son milieu naturel, aux problèmes liés aux besoins fondamentaux humains.

Le travail : une valeur éducative
Le travail apprend à l’individu à se maîtriser et à dominer ses pulsions. L’homme a beaucoup à apprendre pour se faire lui-même. Donc il doit intégrer dans son fonctionnement des valeurs d’endurance, des qualités de l’effort et de constance. Il peut ne jamais céder à l’immobilisme, autrement dit à l’inertie, qui le régresse. Le travail éduque en ce sens qu’il nous apprend à aller contre toutes les forces naturelles qui peuvent nous retenir et nous maintenir dans la passiveté ou dans l’oisiveté. La persévérance au travail fait le progrès humain. L’homme n’est pas un animal qui travaille par instinct. C’est sa capacité à réfléchir sur les moyens de ses fins qui lui donne sa liberté à s’éloigner de toute nature qui tendrait à le fixer. Il est mouvement, une nature perfectible, qui a donc besoin d’une confrontation avec l’altérité pour se révéler.

La nécessité de travailler
Le travail éduque l’être pour le rendre libre. Il devient incontournable et un droit humain non négociable et imprescriptible. Tout homme qui a métier doit absolument, par altérité, mettre ses capacités et ses compétences aux services des autres. L’activité n’est pas la finalité, elle stimule l’ambition, l’appétit. La finalité, au contraire, est la production, qui traduit un désir de puissance, qui aiguise l’assurance à transformer le monde. On travaille pour changer son milieu naturel et l’humaniser. Le travail comme activité productrice est celui à considérer comme activité de loisir. En ce sens, Aristote insiste à faire la distinction des activités productrices que sont la praxis, qui désigne une activité qui est une fin en soi (activité que l’on effectue pour elle-même et non pas en vue d’autre chose), et la poiésis, une activité au service d’une autre comme peut l’être la fabrique de briques pour la construction de maisons, ou encore la fabrique des intrants pour rendre fertiles des terres agricoles et protéger de la dégradation des sols. Les activités de travail doivent s’enchaîner les unes les autres pour servir de grandes causes humanitaires.
L’homme ne doit pas se contenter de vivre, il doit donner un sens à son existence, c’est pour cette raison que travailler ne doit pas être une corvée, mais une création de loisirs. Au contraire, le progrès humain sera assuré et son environnement assuré.

Bienvenu H. Diogo


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