Témoignages - Journal fondé le 5 mai 1944
par le Dr Raymond Vergès

Cliquez et soutenez la candidature des Chagossiens au Prix Nobel de la Paix

Accueil > Culture > Culture et identité

« Le moringue est un jeu » !

David Mazagran :

mercredi 29 août 2012, par Jean Fabrice Nativel


Rencontre avec « le roi moringue à Saint-Benoît », surnom que des Bénédictins ont donné au Dionysien David Mazagran.


Vous dîtes que « le moringue est un jeu ». Expliquez-nous votre pensée.
— On a dit — trop longtemps — que le moringue réunionnais était un combat. On n’est restés fixés que sur cet aspect. Le combat constitue l’un des ateliers pédagogiques de cette pratique aux côtés de l’acrobatie, la musique, l’Histoire, la danse de combat. Autre précision qui a son importance : dans le rond, on se considère comme partenaires et non adversaires.
Le moringue est un jeu d’expressions, de rituels, de touchés. Il s’agit de toucher son partenaire sans se faire mal et sans lui faire mal. Des danses de joie animent ces échanges. Il demeure avant tout un amusement pour l’épanouissement physique et psychique. Et ce, même si le moringue réunionnais a été codifié. Une reconnaissance auprès de la DDJS, un organisme qui est habilité à délivrer des diplômes dans cette discipline.

Comment êtes-vous venu à cette pratique ?
— A l’âge de 17 ans, je quitte le lycée Amiral Bouvet (Saint-Benoît). J’ai une envie de me former pour travailler. J’habite à Salazie (il est originaire de Saint-Denis - NDLR). Occasionnellement, je travaille sur le marché forain de Saint-André. A ma majorité, le collège où je vis m’emploie comme surveillant. La vingtaine, j’opte pour magasinier. L’apprentissage se déroule à Grenoble. J’obtiens le CAP de cariste. Le métier ne me passionne pas.
J’avais pour habitude quotidienne de me rendre à la Mission locale de Saint-André. Il est proposé sur une affichette de se former au BAPAAT (Brevet d’Aptitude Professionnelle d’Assistant Animateur Technicien de la Jeunesse et des Sports) Arts et traditions populaires. Je m’inscris. Au bout de 10 mois de formation, 7 stagiaires le décrochent. Est créé en même temps le Comité de moringue à l’occasion du Cinquantenaire de la départementalisation. Cette nouvelle structure nous embauche comme emplois jeunes. On est animateurs formateurs de moringue. Le but est de développer cette pratique, créer des écoles associatives, de la promouvoir au sein des villes et des établissements scolaires. A été à la pointe sur ces fronts l’Association des Jeunes moringueurs de Villèle (Saint-Gilles les Hauts).

« Ce sport convient à toutes les personnes »

Qu’est-ce qui fait la particularité de cet art ?
— L’apprentissage, la discipline et l’objectif font sa singularité. Il est question de connaissance de l’environnement du moringue (l’histoire, etc.) ; du respect des uns et des autres, de la maîtrise de son énergie — on se débarrasse de la honte, la peur, la timidité, l’angoisse, la confiance en soi s’affirme. Surtout, ce sport convient à toutes les personnes. Chacune d’entre elles peut y trouver sa place : partenaires, musiciens, chorégraphes, organisateurs, etc. On forme un puzzle.

Et de quelle manière la passez-vous ?
— Le moringue me forme chaque jour dans tous les domaines : l’Histoire par exemple. Avec cette pratique, j’ai pu m’identifier et trouver ma place dans l’Histoire : ki mi lé, kosa mi gagne fé, kosa mi gagne amené. Il a été un vecteur de développement personnel. Je me sens en forme physiquement, mentalement. Tous les jours, je fais l’effort de maîtriser l’atelier mis en place. Je me perfectionne. Même en dormant, j’ai toujours un cahier près de moi. Sur celui-ci, je pose mes notes pour m’améliorer.
Pour toute nouvelle personne, j’essaie de faire en sorte qu’elle entre dans l’histoire du moringue, l’ancestral. Je mets le groupe dans cet état d’esprit. Je lui donne envie, m’adapte avec la personne ou le public que j’accueille. Qu’il soit débutant, avancé ou confirmé. Je fais aimer le moringue. Et pour y arriver, j’observe et j’oriente.
C’est le résultat de nombreuses années de pratique et d’échanges avec des Togolais, Portugais, Sénégalais, Tchétchènes, Zorey, Algériens, Marocains, Tunisiens et des Réunionnais.

David Mazagran a trouvé sa voie avec le moringue réunionnais. Hier, c’est un homme épanoui que l’on a rencontré au Centre régional de boxe française et de moringue (La Marine Sainte-Suzanne) entre deux haltères.

JFN

Le moringue en Vendée

Des écoles de moringue réunionnais existent en France. David Mazagran apporte quelques détails.

Parlez-nous de votre expérience en France.

— Je suis titulaire d’un BAPAAT et d’un BPJEPS (Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Education Populaire et du Sport) Animation culturelle. A l’époque, et constatant le nombre de personnes sans emploi à La Réunion, je décide de quitter l’île. Je pars en Vendée où de la famille habite. La ville de La Roche-sur-Yon m’embauche en tant qu’animateur culturel. C’est l’occasion de mettre en pratique mes acquis au service de l’enseignement et de la formation dans les écoles primaires. J’identifie aussi les jeunes en difficultés, et par le biais du moringue réunionnais, on les ramène à fréquenter les clubs et les associations de la ville avec le projet “Réussite éducative”. Avec une équipe, nous sommes à l’origine de l’ouverture de deux écoles de moringue dans l’Ouest de la France : l’une Moringue Bourbon et l’autre Moringue èk le kèr (Nicolas Hoarau la préside). Nous avons mis en place également les 5èmes Échanges et rencontres nationales du moringue réunionnais à La Roche-sur-Yon. Je précise qu’une structure existe à Paris. Cédric Seychelles (Sainte-Rose) en est le président. Clin d’œil à Renaud Lacrytik, il reste pour moi le promoteur de cet art en France.

JFN


Un message, un commentaire ?

signaler contenu


Facebook Twitter Linkedin Google plus