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par le Dr Raymond Vergès

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’Les Marrons’, de Louis-Timagène Houat — 19 —

Nout mémwar

vendredi 12 avril 2013


Dans cette chronique ’Nout mémwar’, voici la suite du second chapitre (’L’habitation’) du texte de Louis-Timagène Houat paru quatre ans avant l’abolition de l’esclavage à La Réunion sous le titre ’Les Marrons’, au sujet des esclaves et des traitements imposés aux marrons dans les colonies françaises. L’auteur raconte comment un groupe d’esclaves marrons malgaches quitte « l’habitation coloniale » réunionnaise « au pied des Salazes » pour se réfugier dans les Hauts. Durant leur parcours, ils échangent des informations sur les violences dont ils ont été victimes depuis leur déportation et sur la nécessité de se révolter. Ils finissent par se séparer et le romancier nous parle de l’un d’eux et du beau paysage qui l’entoure...


Or, maintenant regardez, au sein de cette richesse et de cette abondance, ces pauvres nègres qui sont nus, décharnés, qui meurent de faim, et qu’on pousse au travail tels que des animaux !

Regardez surtout, dans l’enceinte de l’habitation, au lieu dit la plate-forme, ces trois hommes attachés là, le ventre contre terre, les membres étendus, et que d’autres, avec de longs fouets, frappent à coups redoublés, excités qu’ils sont par les menaces du régisseur et du maître !

Leur sang ruisselle ! Leur chair vole en lambeaux ! Mais pas un cri, pas une plainte !

Il y a donc en eux quelque chose de plus fort que la douleur ?

Sans doute un mélange de sentiments qui domine tous les autres les soutient, les encourage ; car ils supportent la souffrance avec cette force de martyre qui voit le ciel devant lui !...

Mais on a cessé de les battre ; où les conduit-on ces malheureux que nous avons déjà reconnus pour trois de nos hommes de la veille ?

— Voilà le pire ! Un cachot, bâti derrière la sucrerie, s’ouvre devant eux ! Un cachot noir, infect, mortel, où, non content de les enfermer comme dans un tombeau, on les met encore au bloc, les pieds enclavés entre deux gros madriers qui, façonnés à cet horrible usage, se trouvent cramponnés, tels qu’un démon de tourment, au sein de cet infernal séjour ! C’est la douleur jointe au désespoir !

Et cependant aucune parole n’est encore sortie de ces poitrines torturées !... Mais les exécuteurs des ordres du maître s’éloignent...

L’Amboilame rompt enfin le silence, et, s’adressant à ses deux autres compagnons :

— Pardon ! Frères !... leur dit-il d’un ton douloureux et comme s’il était exempt ou

coupable de leurs souffrances ; oui, pardon ! J’ai eu tort de vous engager à revenir dans ce maudit établissement...

(à suivre)


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Messages

  • bonjour,
    c ’est bon de voir qu’on en parle. je suis depuis 1998 militante pour la liberté psychologique dont on est privé en tant que descendants d’esclaves et de colons. j’ai ecrit poésie, texte et j’anime des groupes de parole sur la resilience en gérant les emotions qui ressurgissent.
    je voudrais etre actrice pour une vraie liberté, que pourrais-je faire avec vous ?


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