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par le Dr Raymond Vergès

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’Les Marrons’, de Louis-Timagène Houat — 2 —

Nout mémwar

vendredi 14 décembre 2012


Dans le cadre de cette chronique ’Nout mémwar’, nous continuons à publier un texte de Louis-Timagène Houat paru quatre ans avant l’abolition de l’esclavage à La Réunion sous le titre ’Les Marrons’. Réputé premier roman de La Réunion, ce livre avait été rédigé dans une intention précise : éclairer la population en France sur la condition des esclaves et les traitements imposés aux marrons de l’Empire français. Au début de son texte, l’auteur raconte comment quatre marrons quittent « l’habitation coloniale » « au pied des Salazes » pour se réfugier dans les Hauts…


Ces hommes, à l’exception d’un seul qui était né dans la colonie, étaient des indigènes de la grande île de Madagascar, que le commerce de la traite avait enlevé de leur pays et mis en esclavage chez les blancs.

L’un appartenait à la tribu des Ovas ou Amboilames, qui paraissent tirer leur origine des blancs et des Malais ; l’autre à celle des Antacimes, de couleur et de traits taitiens, tribu vaincue et subjuguée, comme la plupart des peuplades madagasses, par ces mêmes Amboilames ayant pour chef le fameux Radama ; le troisième enfin à celle des Scacalaves, descendant des Gafres et des Arabes et que les Ovas n’ont jamais pu dompter, quelques guerres acharnées qu’ils

leur aient toujours faites. Mais, courbés alors sous le même maître, tous quatre n’étaient pas seulement des égaux en misère, ils étaient aussi des amis qui maudissaient la même chaîne.

Au bout d’une heure environ qu’ils allaient ainsi, cheminant à la façon de l’autruche, mais s’arrêtant, prêtant l’oreille à chaque pas, et, pour éviter toute rencontre d’homme et ne pas se trahir, choisissant toujours des sentiers obscurs et peu frayés, ils arrivèrent presque ensemble à une espèce de muraille hérissée de piquants inabordables, et formée par des massifs d’aloës, de raquettes et de sapan, comme on en voit ordinairement plantés, pour clôture, aux confins des

habitations coloniales.

Certes, il fallait plus que de la témérité pour oser, surtout le soir, se frayer un pas — sage au travers d’une barrière si dangereuse. Cependant ils s’y mirent, et, moitié à quatre pattes, moitié sur le ventre, passant par les endroits les moins fourrés, non toutefois sans y laisser accrochés aux épines quelques lambeaux de leurs hardes et même de leur chair, ils traversèrent la formidable clôture, et puis ils débouchèrent dans une de ces plaines qu’on appelle savanes aux colonies.

(à suivre)


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