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par le Dr Raymond Vergès

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L’école Monté Sourire, la passion du devenir

A Sainte-Marie :

mercredi 29 mai 2013

L’école Monté Sourire, au cœur de la ville historique de Sainte-Marie.

On se souvient des collèges Pailleron, que le personnel même, par dérision, appelait « mille-feuilles » parce qu’ils faisaient « une couche d’élèves, une couche de béton, une couche d’élèves, une couche de béton… ». Avec des murs troués ici ou là aux coups de poing d’où s’échappait en paille le fameux isolant : sinistres collèges qui amiantaient les gosses dans l’indifférence générale. Se lit çà et là encore la mentalité qui présida à l’élaboration de ces brain factories dans les lignes des bâtiments gigantesques aux allures d’HLM de banlieue qui parsèment le paysage français, et auxquels il a été attribué le nom d’ « écoles ». Écrasante architecture, aux vastes réfectoires sonores, impersonnels, cages d’escaliers fermés, sombres couloirs. Comment ne pas s’y sentir écrasé et perdu, surtout quand on est un enfant, c’est-à-dire par essence impressionnable ?

Une salle de classe pleine de couleurs…

La peinture est sale. Quand il n’y a plus personne, ils ont des allures de bâtiments abandonnés. Durant les vacances, ce ne sont plus que des bâtisses sans vie, sans âme, orphelines.

On se dit que la plupart des enfants qui en sortent deviendront plus tard des parents et qu’ils emporteront avec eux une image de ce qui leur fut donné alors : une part de grisaille indélébile.

Un modèle de fonctionnement fondé sur l’entraide, l’autonomie et l’estime de soi

Et puis, dès lors qu’on s’y penche un peu, qu’on cherche à voir ailleurs, on découvre l’école Monté Sourire, au cœur de la ville historique de Sainte-Marie : une petite maison blanche dans un renfoncement, au portail ouvert, un jardin d’accueil sur lequel s’ouvre une salle de classe pleine de couleurs, des ateliers le long des murs, des endroits pour travailler en s’amusant, des objets rangés qu’on a envie de prendre, un mobilier à la dimension de l’enfant, le centre de la salle dégagé pour circuler et s’y rassembler. C’est là que la directrice, Mme Bellamy, m’accueille.

Elle me présente l’école constituée actuellement de 2 salles de classe, soit 2 niveaux qui sont plutôt des classes d’âge : les 3-6 ans, « la case marmaille » et les 6-12 ans, « la case dalons »  : des classes « multi-âges ». Un modèle de fonctionnement fondé sur l’entraide, l’autonomie et l’estime de soi : « Les élèves sont encouragés, soutenus et aidés dans leurs démarches et leurs apprentissages en prenant le temps de souligner leurs réussites ».

Prendre le temps, le concept est lancé. Cela tient dans une anecdote de Jean-Claude Carrière : « Un groupe d’aborigènes australiens s’avançaient un jour dans un paysage aride, en compagnie d’un ethnologue. Celui-ci, qui notait soigneusement tous leurs faits et gestes, remarqua que de temps en temps le groupe, composé d’hommes et de femmes, s’arrêtaient un moment, plus ou moins long. Ils ne s’arrêtaient ni pour manger, ni pour regarder quelque chose, ni pour s’asseoir et se reposer. Simplement, ils s’arrêtaient.

L’ethnologue, après deux ou trois arrêts, leur en demanda les raisons. C’est très simple, leur répondirent-ils, nous attendons nos âmes.

L’ethnologue demanda quelques explications supplémentaires. Il comprit ainsi que, de temps à autre, les âmes s’arrêtaient en chemin pour regarder, ou sentir, ou écouter quelque chose qui échappait aux corps.

Il fallait ensuite les attendre ».

L’Éducation nationale ne prend pas la mesure de ces écarts entre la conscience et le corps ; elle ne s’ouvre pas au temps, parce qu’elle le compte. L’école alternative a le soin d’intégrer cela.

Plus qu’une école

La charte de l’association montre bien que c’est plus qu’une école, les élèves font plus que manipuler : la pédagogie Montessori suppose un vrai projet de société. Il s’agit de consommer bio, de manger local. Non pas construire des individus, mais aider les individus à se construire eux-mêmes, leur donner les moyens de se trouver, et en cela, cette pédagogie ne peut qu’aider une société nouvelle, non sur un modèle extérieur, mais en fonction de désirs propres, de besoins, en respectant la constitution de chacun. Aujourd’hui, on ne peut que souhaiter une société plus diverse que la norme qui nous est imposée, et la pédagogie montessorienne a l’avantage à la fois de préserver et d’encourager les différences qui fondent les êtres.

On demande aujourd’hui à ceux qui travaillent de travailler davantage et plus longtemps alors que, dans le même temps, on bat le record national du nombre de chômeurs, n’y a-t-il pas là la preuve que la France ne sait pas former, et qu’elle ne l’a probablement jamais su ? L’école Montessori est précisément là pour faire cette différence : celle que nous attendons.

« Même le lilas blanc a une ombre », dit-on pourtant, et l’ombre à ce tableau coloré demeure les frais d’écolage. Malheureusement, la qualité et le matériel ont un prix. Il demeure indispensable que cette pédagogie ouverte et patiente égrène ses fleurs sur La Réunion. Pour que la société change en profondeur, il faut qu’elle commence par changer son comportement vis-à-vis des enfants.

Jean-Charles Angrand

Pour plus d’informations :

Association MonteSourire, 19 chemin Parny, Piton Cailloux, 97438 Sainte-Marie

Web : www.montesourire.com


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