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par le Dr Raymond Vergès

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Didier Robert est-il pour une baisse générale des prix des billets d’avion ?

Qu’attend le triple-président pour diminuer de 15 % les tarifs d’Air Austral ?

mercredi 3 décembre 2014


La baisse du prix du kérosène doit être répercutée sur celui des billets d’avion. La première compagnie qui prendra cette décision obligera les autres à le faire aussi. Didier Robert est président d’Air Austral et de son actionnaire principal, la SEMATRA. La collectivité qu’il préside subventionne aussi largement cette compagnie via des bons de réduction sur les billets d’avion. Didier Robert a donc les moyens de peser pour qu’Air Austral diminue ses tarifs de 15 %, ce qui entraînera une baisse générale des prix de 15 % pour tous les passagers voyageant entre La Réunion et la France sans prendre un centime dans la poche des contribuables.


Air Austral est dirigée par un président qui est aussi celui du principal actionnaire, tout en étant celui de la collectivité qui distribue des bons de réduction aux passagers. Ce triple-président doit donc obliger la compagnie à répercuter la baisse du prix du kérosène sur le prix des billets d’avion. (Photo Air Austral)

Dans Témoignages d’hier, il a été question de la baisse du prix du kérosène et son impact sur les finances des compagnies aériennes. En quelques années, à coup de hausse successive, le carburant était devenu le premier poste de dépense pour tous les transporteurs faisant du long courrier. Air Austral n’échappait pas à cette règle qui tirait les prix vers le haut. C’est pourquoi l’ancienne équipe dirigeante travaillait sur un nouveau modèle pour faire baisser les prix de 30 % toute l’année pour tout le monde : l’Airbus A380 de plus de 800 passagers. Cet avion évitait aux contribuables d’être ponctionnés pour financer une réduction du prix du billet d’avion de ceux qui voyagent.
Après s’être octroyé le poste de président de la SEMATRA principal actionnaire d’Air Austral, le président de la Région Réunion, Didier Robert, a obtenu celle de la compagnie aérienne réunionnaise. Aussitôt, le projet d’Airbus A380 a été stoppé, tandis que les bons de réduction ont été étendus aux familles les plus riches, avec une participation toujours plus importante et maintenant majoritaire de la Région Réunion dans un domaine qui relève de la compétence de l’Etat.

Cette politique clientéliste apporte donc du cash à certaines compagnies desservant La Réunion. En plus d’Air Austral, toutes les compagnies extérieures à La Réunion, à l’exception d’Air Madagascar, bénéficient de cette manne. Air France et Air Mauritius sont donc en partie financées directement par l’argent des contribuables réunionnais.

Les compagnies peuvent baisser le prix

Avec la baisse du prix du kérosène, c’est un nouveau coup de pouce financier qui est offert à ces sociétés. Pas étonnant alors qu’il soit si simple d’afficher des bilans reluisants : les dizaines de milliers de billets d’avion subventionnés et la diminution du coût du carburant sont passés par là.
En France, cette baisse des charges payées par les transporteurs sont au centre d’une question : pourquoi les passagers ne bénéficient-ils pas eux aussi de la baisse du prix du kérosène ?

Poker menteur

Dans un article paru dans « Tour Hebdo » dont nous reproduisons ci-après de larges extraits. Thierry Vigoureux met le doigt sur un scandale général. Par le passé, les compagnies ont augmenté les prix pour suivre le cours à la hausse du pétrole. Cette hausse est incluse dans une part du prix du billet, appelée « surcharge carburant ». Mais au moment où le prix du pétrole baisse, la « surcharge carburant » est rebaptisée « surcharge transporteur », et dépend de facteurs s’ajoutant à la variation du prix du carburant.
Thierry Vigoureux note aussi que les compagnies sont en train de jouer à un jeu de poker menteur. La première qui répercutera la baisse du prix du kérosène sur ses tarifs obligera les autres à s’aligner. « La Tribune » du 1er décembre avait noté que la moitié de cette baisse pouvait légitimement profiter aux passagers. Cela rend donc possible une diminution de 15 % du prix du billet entre La Réunion et Paris.

Le moment d’agir

À La Réunion, Didier Robert affronte le gouvernement pour qu’il subventionne davantage les compagnies aériennes pour que les passagers paient moins cher. La diminution du prix du kérosène ouvre une autre possibilité qui a le mérite de ne pas solliciter le contribuable. En tant que président de l’actionnaire majoritaire d’Air Austral, et président de la Région qui subventionne les billets d’avion, Didier Robert a les moyens d’infléchir la politique commerciale d’Air Austral qu’il préside aussi.

Passagers et contribuables gagnants

Le triple président défend la « continuité territoriale », il doit donc agir sans attendre pour qu’Air Austral qu’il préside baisse ses prix de 15 %. La conséquence sera immédiate : Air Mauritius, Air France, Corsair et XL Airways devront s’aligner. Ainsi tous les usagers de la ligne entre La Réunion et la France en vol direct ou via Maurice seront gagnants.
Il est clair aussi qu’avec un prix du billet en baisse de 15 %, celui-ci sera moins dissuasif pour les touristes potentiels qui hésitent à venir à La Réunion. Cette décision rendra donc un grand service aux professionnels du tourisme qui enchaînent les années de crise.

« Baisse du prix du pétrole : c’est l’omerta sur la taxe carburant »


Dans « Tour Hebdo », magazine des professionnels du voyage, Thierry Vigoureux explique que les compagnies aériennes ne sont pas rapides à répercuter la baisse du prix du kérosène sur celui des billets d’avion.


Les compagnies aériennes, toujours promptes à hausser le prix du billet, n’envisage pas de le baisser alors que le prix du baril s’effondre, à moins de 70 dollars le baril aujourd’hui.
Avez-vous idée du nombre de mails qui n’arrivent pas, de personnes en vacances, d’autres malades, quand un journaliste lance une enquête sur un sujet qui, à priori, fâche ?
A l’heure d’évoquer la surcharge carburant YQ des billets d’avion, beaucoup d’interlocuteurs sont aux abonnés absents, au mieux en réunion, au pire en voyage. Bref, personne ne veut réellement expliquer pourquoi, quand le cours du baril de Brent baisse en cinq mois de 115 à moins de 70 dollars (68 dollars aujourd’hui 1er décembre), le montant de la surcharge carburant ne suit pas la même tendance.
Pourtant, le gazole comme le SP95 ou 98 aux pompes du supermarché baissent régulièrement. Et, après la réunion des pays producteurs au sein de l’OPEP, cette tendance ne sera pas enrayée. Une baisse de la production globale, demandée par le Venezuela, qui aurait entraîné une hausse des cours, a été refusée. Les baisses à la pompe vont donc se poursuivre.
Certes, il faut prendre en compte un double phénomène qui se contrarie. Alexandre de Juniac (président d’Air France-KLM NDLR) a expliqué récemment que les bénéfices potentiels liés au récent repli des cours du pétrole étaient limités par la parité euro/dollar. "La baisse de l’euro compense environ 40% de la baisse du prix du baril". 
Par ailleurs, Air France-KLM dispose d’instruments de couverture qui protègent le groupe contre environ 60% des variations du prix du kérosène. En clair, la compagnie dont le carburant représente 30 à 35% des coûts, s’est protégée à un cours moyen de 109 dollars. Pas vraiment un bon choix mais ce genre de spéculation financière relève souvent du poker, comme le montrent les gains et les pertes passées. En revanche, la Bourse salue l’effet carburant sur les comptes. Tombée au plus bas au lendemain de la grève des pilotes, l’action a repris 42% récemment.

Tarif indexé à la tête du client plus que sur le cours du Brent


Au fait, quelle surcharge carburant ?, nous dit-on dans les grandes compagnies. Celles-ci l’ont rebaptisé pudiquement "surcharge transporteur", comme nous l’explique Lufthansa ou Air France tandis que British Airways botte en touche. (...)
Si on lit bien entre les lignes, le tarif est indexé plus à la "tête du client" que sur le cours du Brent. À Air France comme à Lufthansa, la politique de surcharge souffre de nombreuses exceptions. Elle n’est pas appliquée dans certains pays comme aux Etats-Unis ou pour les passagers de certains pays en correspondance. En dernier ressort, c’est l’offre concurrentielle ("compétitivité tarifaire", "tarifs compétitifs") qui a le dernier mot.
Y a-t-il entente ? On ne le sait, à moins qu’une enquête ne soit lancée comme cela a été le cas pour le fret aérien où une entente, découverte en 2007, avait perduré de 1999 à 2006. Elle portait sur le montant de surtaxes pour le carburant ou la sécurité et l’affaire vient d’être relancée par une plainte de la Deutsche Bahn.
En France, les autres compagnies (Air Caraïbes, XL Airways, Air Austral, Corsair, etc.) avouent qu’elles suivront une baisse si la compagnie nationale la pratique. Au niveau européen, voire mondial, on joue une partie de poker menteur. Personne ne veut baisser la surcharge, mais tout le monde baissera si une première compagnie donne le signal. La vraie question est de savoir quelle opinion publique sera la plus puissante pour lancer le mouvement. (…)
Anne-Sophie Tercera, au service juridique de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports, insiste sur l’opacité de la surcharge carburant : "L’appellation parfois utilisée de "taxe carburant" est source d’incompréhension pour les voyageurs. Elle n’est pas encadrée par la loi. Son calcul n’est pas clairement défini et dépend de chaque compagnie. C’est également un sujet de discorde entre compagnies et tour-opérateurs ou agences de voyages. Evidemment, lorsque le prix du baril baisse, la surcharge devrait logiquement baisser, mais aucune contrainte juridique ne peut être opposée aux compagnies aériennes pour aboutir à ce résultat (sauf dans le cadre des voyages à forfait - article L211-12 Code tourisme). La baisse corrélée à la baisse du prix du baril relève du bon sens."


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