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par le Dr Raymond Vergès

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Maurice n’est pas à l’abri

jeudi 9 octobre 2008


Le monde de la finance subit depuis quelques semaines des secousses dangereuses. La surprenante débâcle de plusieurs banques américaines a ébranlé la confiance des places internationales entraînant une grande instabilité des cours. L’onde de choc a déjà plombé les bourses d’Asie, d’Europe et même de certains pays du Golfe. Et lundi 29 septembre, les tensions ont redoublé avec le rejet du plan du secrétaire américain au Trésor, Henry Paulson, qui visait à débloquer 700 milliards de dollars pour racheter les actifs contaminés par la crise de l’immobilier. Des analystes et opérateurs locaux expriment leurs inquiétudes et leurs attentes


• Textile 


Georges Chung Tick Kan, président de la Mauritius Export Association (MEXA), exprime son étonnement que Maurice soit épargné. « Nous sommes une économie ouverte. L’Europe, les Etats-Unis, l’Asie sont frappés de plein fouet. Maurice dépend des exportations. Le tourisme et le textile sont déjà affectés. Il y a un ralentissement dans les arrivées touristiques. Les exportations textiles ont commencé à baisser ». 

L’économiste estime que le risque existe qu’il y ait moins d’investissements directs extérieurs (IDE) et que le taux de croissance soit affecté au cours des prochaines années. L’impact d’une telle crise continuera à être ressenti au cours des deux ou trois prochaines années. Ça va prendre du temps avant que la situation ne change. 

« La situation est très grave. Il ne faut pas pratiquer une politique d’autruche. Il faut mettre sur pied un mécanisme de vigilance et d’actions pour limiter la casse. C’est aux politiques de prendre des initiatives de concert avec des institutions du privé », estime Georges Chung Tick Kan.
Ali Parkar, président du groupe Star Knitwear, fait ressortir pour sa part que les carnets de commandes du groupe sont remplis, mais que la crise peut affecter cette entreprise et le secteur textile en général du moyen et long terme. « Car nos acheteurs sont en Europe, particulièrement en Grande-Bretagne, et l’économie britannique est en récession. Maurice fournit des marchés niche. C’est ce qui nous protège un peu. Mais il est difficile de prévoir ce qui peut se passer exactement au sujet de nos commandes, car ça fait des années que le monde n’a pas connu une telle crise ». 

Il considère donc important que les autorités ne permettent pas à la roupie de s’apprécier davantage car elle est déjà forte. « Sinon cela aura un effet direct sur notre profitabilité et notre capacité d’opérer ». Selon Ali Parkar, cette crise n’a pas un grand effet sur nos exportations vers les États-Unis. Car depuis le départ des entreprises hongkongaises, les exportations ne bougent pas beaucoup dans cette direction. C’est l’Afrique du Sud qui est en passe de devenir notre deuxième marché pour le textile.


• Banques



Aisha Timol, Chief Executive de la Mauritius Bankers Association, commente ainsi la situation. « Bien que nos banques à Maurice ne soient pas affectées directement, nous nous sentons concernés par l’ampleur de la crise et ses répercussions sur les économies des États-Unis et d’Europe et, par ricochet, sur nos secteurs d’exportation tournés vers ces marchés ». Elle estime que la prudence qui a caractérisé les prêts de nos banques commerciales à Maurice sous la stricte supervision de la Banque centrale nous a tenus à l’abri de ces secousses. « Les banques mauriciennes ne se sont pas engagées dans des prêts du type subprime et, à l’instar de la Mauritius Commercial Bank et la State Bank of Mauritius, elles peuvent se féliciter d’avoir pu réaliser une performance exceptionnelle au cours de l’année financière écoulée. Cela va leur permettre de regarder l’avenir sur le plan local et régional avec une plus grande sérénité, malgré la tourmente au niveau global ». 

(...)
Mais, selon Cyril Wong, directeur financier à la Barclays, les banques mauriciennes, comme toutes les banques ayant des liens avec le marché européen, sont touchées par la crise mais de façon indirecte. « Mais une récession aux États-Unis et en Europe aura un effet sur le volume des importations du pays », à son avis. 


Quant à Oumesh Mungroo, trésorier de la Barclays et économiste, il met en avant d’autres corollaires de cette crise financière. (...) Il souligne que la méfiance de clients frileux envers les banques internationales, surtout américaines et européennes, pourrait entraîner des retraits et des mouvements de fonds. 

Autre possible explication d’éventuels mouvements de fonds : les difficultés financières auxquelles certaines sociétés d’investissement font face et qui nécessitent le recours à leurs fonds investis à Maurice. 

« Cette méfiance pourrait également freiner les mouvements interbancaires avec pour résultat une baisse dans le volume des transactions », estime donc Oumesh Mungroo. 




• TOURISME 


Tommy Wong, président de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM), estime que la « situation est inquiétante » et que « le ralentissement noté sur certains marchés européens risque d’empirer ». « Cela se voit déjà dans les réservations, qui sont en baisse pour la période de fin d’année, comparé à l’année dernière » 

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• ASSURANCES 



Les assureurs locaux seraient peu affectés par la crise internationale. Mais ils font une évaluation des éventuelles retombées d’une telle crise sur leurs activités.
Maurel Felix, président de l’association des assureurs mauriciens, explique. « La crise n’aura pas d’impact direct sur les activités des compagnies d’assurances mauriciennes. Mais en cas de réassurance chez de grands groupes internationaux, ces groupes pourraient relever leur taux de commissions ». 


Jacques de Navacelle, CEO de Mauritius Union Assurance, partage son analyse. Maurel Félix évoque aussi le fait que certaines entreprises d’assurances pourraient être confrontées à une situation de perte de performance de leurs fonds d’investissement. 



• INVESTISSEMENTS BOURSIERS 



L’impact de la crise sur la Bourse de Maurice est surtout psychologique. À la clôture hier (30 septembre - ndlr), le Semdex avait perdu 4,23%. Psychologiquement, les investisseurs sont nerveux, ils veulent sortir du marché. Malgré les performances réalisées par les entreprises cotées en Bourse, les actions ont perdu 5,80% dans le secteur touristique, et 4,9% dans le secteur bancaire. 


Raj Tapesar, Managing Director de MCB StockBrokers et président de l’association des courtiers. « La crise financière n’a pas encore d’effet sur les entreprises mauriciennes. Elles sont encore très solides ». Pourtant, les porteurs vendent beaucoup d’actions. Il affirme que les porteurs étrangers continuent d’avoir confiance dans le marché boursier mauricien, son raisonnement est tout simple. « De janvier à ce jour, les porteurs étrangers ont réalisé un flux positif net d’achat de plus de 1 milliard de roupies ». (...) 

« Maurice est encore viable et il y a toujours des affaires à y faire », poursuit Raj Tapesar, qui conseille aux investisseurs de s’en tenir à leur programme d’investissement et de consulter autant que possible leurs conseillers financiers, ou des brokers, avant de prendre des décisions drastiques comme celles de vendre. La vente d’actions au niveau des entreprises à situation financière confortable, peut s’expliquer par le fait que des investisseurs sont en train de vendre, pour voir baisser le cours des actions et revenir les racheter à leur plus bas niveau. Le fait que les actions des entreprises plus liquides sont facilement cessibles peut aussi être la cause de ces ventes. 




Questions à Sunil Benimadhu, Chief Executive de Stock Exchange of Mauritius

Est-ce que la Bourse de Maurice est à l’abri de cette tempête internationale ? 



- La Bourse de Maurice a vécu, en toute logique, des périodes de fluctuations et de volatilité dans le sillage des turbulences qui ont secoué les places financières internationales dernièrement. Le marché à Maurice a connu des fortunes diverses durant la semaine écoulée. Les trois séances de mercredi, jeudi et vendredi dernier ont été caractérisés par des hausses des indices, alors que les séances d’hier et d’aujourd’hui, mardi (30 septembre - ndlr), ont été marquées par des baisses des indices. Nous constatons que les investisseurs individuels, notamment les petits porteurs, sont essentiellement à la base de ces fluctuations, alors que les investisseurs institutionnels locaux et étrangers maintiennent leurs positions et intérêts dans les valeurs cotées et dans certains cas, ces positions ont même été revues à la hausse. 




Le secteur financier, peut-il potentiellement être affecté par la crise internationale, et pourquoi ? 



- Deux des sociétés financières qui sont des leaders dans le secteur bancaire viennent de publier leurs résultats au 30 juin 2008, qui indiquent des performances très appréciables et des taux de croissance à deux chiffres. Le secteur financier à Maurice est bien réglementé et les institutions financières, notamment les banques, doivent observer des règles prudentielles qui réduisent leur marge de manœuvre en termes de prise de risques. De par la solidité de leurs bilans, les principales institutions financières ne devraient pas subir le sort des institutions telles que Lehman Brothers, Fortis, Bear Stearns, entre autres. Cependant, la vigilance doit être de mise, car tout enlisement de la crise réduirait les perspectives de croissance de notre secteur financier, car les business opportunities et possibilités de financement de projets ici et ailleurs dans la région ou au niveau international vont forcément connaître un déclin. 




Comment les investisseurs étrangers réagissent sur la SEM face à cette crise ? 



- Il est intéressant de noter que les investisseurs étrangers ont légèrement augmenté leurs positions dans les valeurs cotées sur le marché Officiel en août et en septembre. En août, ils ont acheté des titres pour un montant de 404,5 millions de roupies et ont vendu pour un montant de 375,7 millions de roupies, injectant donc un montant net de 28,8 millions de roupies dans les valeurs cotées sur le marché officiel. En septembre, au plus fort de la crise, ils ont acquis des titres pour un montant de 485,2 millions de roupies et ont vendu un montant de 438,4 millions de roupies, injectant un montant net de 46,9 millions de roupies à la Bourse. 


 Alain Barbé, L’Express (Maurice) 


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