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par le Dr Raymond Vergès

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Le gouvernement refuse de rétablir la surrémunération des enseignants de Mayotte

Recherche d’économies et crainte de déstabiliser l’économie locale

samedi 22 mai 2010


L’an passé, une consultation de l’électorat mahorais organisée par le gouvernement a fait part de son souhait d’être intégré dans la République en tant que département. Cette intégration soulève une première question qui n’est toujours pas tranchée : la surrémunération des enseignants de Mayotte sera-t-elle rétablie ? La réponse du gouvernement ferme toute possibilité de reproduire ce qui est la norme dans les départements d’Outre-mer. Il refuse d’indexer la rémunération des agents publics pour ne pas risquer de déstabiliser l’économie locale. Si ce refus se confirme, alors il n’y aura pas l’extension à Mayotte du modèle économique qui domine La Réunion depuis 50 ans.


L’annonce d’un possible changement de cadre institutionnel plus proche du droit commun de la République n’a pas calmé le mouvement social à Mayotte. Une des revendications est la surrémunération des enseignants. Cette surrémunération a été supprimée par un décret du gouvernement en 1978. La perspective de la transformation de Mayotte en département d’Outre-mer relance cette question. Car dans les quatre départements d’Outre-mer, tous les enseignants titulaires touchent une surrémunération, ce qui n’est pas le cas à Mayotte.
À Mayotte, le décret de 1978 a introduit une différence de traitement entre les fonctionnaires originaires de Mayotte et ceux qui viennent de France. Ces derniers touchent la surrémunération le temps de leur mission dans l’île aux Parfums. C’est une situation qui rappelle celle que connaissait La Réunion au lendemain de l’abolition du statut colonial. Dans notre île, cette situation a évolué vers l’extension à tous les fonctionnaires titulaires de la surrémunération. Les Mahorais revendiquent cette même extension, au plus tard en 2011. À cette date, Mayotte pourrait en effet être un département.
Sur place, confronté à un mouvement social, le préfet a ouvert le dossier de la surrémunération. D’ici le mois prochain, l’Observatoire des prix et des revenus devrait être convoqué pour étudier le différentiel de coût de la vie entre Mayotte et la France.

Pas d’extension du modèle économique des DOM à Mayotte

À Paris, le sénateur Adrien Giraud a interrogé le gouvernement sur cette question. C’est le secrétaire d’État à la Fonction publique qui a répondu au parlementaire. Voici le résumé de la réponse faite par Adrien Giraud à nos confrères de "Malango" : « le dispositif d’intégration des enseignants mahorais n’a pas atteint les objectifs d’attractivité souhaités. Un accord a été signé le 8 avril 2009 avec les syndicats, ce qui a sensiblement amélioré la grille indiciaire. Ces mesures représentent un effort important et peuvent créer un différentiel avec les niveaux de salaire du secteur privé. Nous ne voulons pas risquer de déstabiliser l’économie locale en indexant la rémunération des agents publics ».
En cette période de crise, l’argumentation du gouvernement, selon laquelle l’extension à Mayotte du modèle en vigueur depuis 50 ans à La Réunion et dans les autres DOM déstabilisera l’économie mahoraise, s’appuie en plus sur le facteur financier. En effet, cette revendication perdure au moment où se tiennent en France des conférences sur le déficit public présidées par le chef de l’État. Paris veut geler les dépenses de l’État et des collectivités locales au cours des trois prochaines années, cette volonté ne va pas dans le sens l’extension de la surrémunération pour les enseignants à Mayotte. Si cette prise de position est maintenue dans les années qui viennent, elle ne sera pas sans conséquence.

La création d’un nouveau corps de fonctionnaires ?

Car si Mayotte devenait un département d’Outre-mer comme l’a souhaité sa population lors de la consultation de l’an passé, le maintien du statu quo sur le plan des rémunérations des agents publics introduirait une nouveauté Outre-mer. En effet, depuis 50 ans, la norme pour les titulaires des trois fonctions publiques dans les DOM est le versement d’un salaire auquel s’ajoute une surrémunération visant à donner au fonctionnaire un pouvoir d’achat équivalent à celui qu’il aurait en France. Et c’est autour de cette prime de vie chère que s’est construit un modèle économique spécifique aux départements d’Outre-mer.
Mais au bout de 50 ans d’application de ce modèle, le gouvernement tire la conclusion que l’indexation des salaires d’une partie de la population active est un risque de déstabilisation pour l’économie de Mayotte. Il refuse donc de revenir sur une décision prise par un décret en 1978. Va-t-on vers la création d’un nouveau corps de fonctionnaires en poste dans un département de la République : des titulaires nommés dans un DOM mais privé de surrémunération ?

 Manuel Marchal 


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