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L’impasse de la vie chère

Un modèle à bout de souffle —6—

mercredi 3 novembre 2010, par Manuel Marchal


Depuis des décennies, les Réunionnais doivent faire face à un pouvoir d’achat souvent insuffisant. La conquête de l’égalité a permis de faire progresser les revenus, mais elle n’a pas permis aux Réunionnais à situation égale d’avoir le même pouvoir d’achat à La Réunion qu’en France. La vie chère reste en effet un problème qu’un modèle à bout de souffle n’a jamais réussi à régler.


53% : c’est ce que l’État verse à ses agents pour payer la vie chère dans notre île. À la suite des mobilisations du COSPAR et de la population, l’État a même pris la décision de verser une prime de 100 euros brut par mois aux salariés payé en dessous de 1,4 SMIC mensuel, c’est le RSTA. Ce RSTA est proportionnel au temps de travail.
Ces dispositifs raisonnent comme le constat d’échec d’un système. Avec des minima sociaux et un SMIC au niveau de la France, un des pays les plus riches du monde, il est excessivement difficile de vivre décemment à La Réunion, une région intégrée à la République. L’État a donc dû trouver une mesure d’ajustement, mais la majorité de la population doit se débrouiller sans ce coup de pouce.

Une conséquence de l’intégration

Cette situation est le résultat d’une évolution historique. En 1953, au prix de longues grèves, les fonctionnaires réunionnais obtiennent le droit d’être intégrés au cadre général de la fonction publique. Désormais, le supplément colonial versé en tant que surrémunération n’est plus réservé aux seuls chefs de service. Cela signifie que tous les fonctionnaires titulaires nommés par l’État peuvent désormais bénéficier d’une prime pour faire face à la vie chère.
C’est durant cette période des années 50 et 60 que sous la pression des mouvements progressistes, les gouvernements allaient enfin commencer à financer des infrastructures nécessaires à la construction de l’égalité. Ces nouveaux services ont amené l’arrivée massive de fonctionnaires venus de France. Ces derniers ont également apporté avec eux un mode de vie, marqué par la société de surconsommation. Et avec la surrémunération, ces fonctionnaires avaient les moyens de s’acheter la vie chère.
Cela a amené un changement considérable dans l’économie du pays. La Réunion est devenue importatrice nette, son taux de couverture des importations plongeant même en dessous de 5%.

L’importation de la société de surconsommation

L’augmentation importante des importations répond à cette arrivée de la société de surconsommation, parallèlement à un accroissement continu de la population.
L’application à La Réunion de ce modèle venu de France s’est fait avec la consommation des mêmes produits qu’il a donc fallu faire venir de très loin.
Le résultat est aujourd’hui connu. 60% des importations viennent de France, 73% d’un pays de l’Union européenne. Cela signifie que les produits importés dans notre île viennent de la région du monde où le prix de revient est le plus élevé. À ce coût s’ajoute celui du transport des marchandises sur plus de 10.000 kilomètres.
À l’arrivée dans notre île, le prix est encore majoré par le poids des monopoles qui ne peuvent que s’exercer dans une île de moins d’un million d’habitants. Cette étroitesse du marché est d’ailleurs jugée suffisamment handicapante pour qu’elle soit considérée par l’Europe comme un des critères permanents du statut de région ultrapériphérique.
Les facteurs s’additionnent donc pour qu’à La Réunion, les prix soient bien plus chers qu’en France alors que le revenu moyen dans notre île est plus faible qu’en France.

À quand l’alternative ?

Pourtant des possibilités existent pour que ces prix diminuent. Cela passe par la transparence totale sur la formation des prix afin d’identifier quels sont les facteurs sur lesquels il est possible de peser pour aller vers l’augmentation du pouvoir d’achat.
Lors des États généraux de l’Outre-mer, le Parti communiste réunionnais a mis en avant la stratégie du co-développement afin d’accentuer les échanges avec les pays voisins. Aujourd’hui, les pays les plus proches, les îles de la COI, ne représentent que 2% de nos importations ; l’Afrique du Sud, un pays émergent, 3% ; la Chine, future première puissance économique mondiale, 6%.
La stratégie de co-développement permettrait de réduire la distance du transport des produits que nous consommons, et de favoriser le développement des pays voisins, tout en faisant baisser les prix.
Mais c’est une alternative qu’un modèle à bout de souffle n’est pas en capacité de mettre en oeuvre. Résultat, les Réunionnais sont condamnés à consommer des produits achetés plus chers qu’ailleurs, à payer un transport de plus de 10.000 kilomètres, et à subir le prix des monopoles.
C’est l’impasse de la vie chère.

Manuel Marchal


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