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par le Dr Raymond Vergès

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Mandela, de la parole aux actes, sur des leçons du passé et du présent

mercredi 27 novembre 2013

Le 21 mars 1960, une manifestation pacifique est durement réprimée à Sharpeville. Des dizaines de Sud-Africains sont assassinés par les mitraillettes de la police. Les Sud-Africains prennent désormais conscience de la nécessité de la lutte armée.

Deux ans plus tard, Nelson Mandela part en mission dans les pays africains indépendants à la recherche de soutiens et de moyens pour le combat. A son retour, il fut définitivement arrêté et emprisonné pour plus de 27 années. Des années de luttes vont aboutir à la libération sans condition de Nelson Mandela.

L’homme Mandela, ni vindicatif, ni revanchard, sait tenir parole. Ces extraits de son mémorable premier discours, après sa libération, en disent long sur la personne, sa philosophie et sa vision pour son pays et pour le monde : « J’appelle tous ceux qui ont collaboré avec le système d’apartheid à rejoindre nos rangs ». Soccer City de Soweto le 13 février 1990, deux jours après sa sortie de prison. Quelle hauteur ! Quelle humanité !

« Personne ne sera exclu de notre mouvement à condition qu’il renonce à l’apartheid et qu’il accepte d’œuvrer avec nous en faveur d’une Afrique du Sud démocratique fondée sur le principe d’une personne une voix, dans un système unifié de suffrage universel ».

Un appel solennel de Mandela pour la bataille finale contre l’apartheid, pour le respect du suffrage universel pour tous, pour le combat ensemble pour la démocratie, le refus de la domination d’une partie de la société sur l’autre.

L’homme par qui tout changera et tout commencera

Nelson Mandela a su trouver le mot juste pour redonner du “baume au cœur” à son peuple et pour les mettre tous ensemble au travail.

« J’appelle tous les travailleurs noirs et blancs à rejoindre les rangs du COSATU (Congrès des syndicats d’Afrique du Sud - majoritairement noir ) ». Mandela sera encore plus lucide et clair dans ses propos quand il invite le peuple à le rejoindre dans la nouvelle bataille pour la construction d’une vraie nation sud-africaine.

« L’ANC et moi-même sommes opposés à toute domination noire, de même que nous avons toujours été opposés à la domination blanche. Mais nous devons clairement faire preuve vis-à-vis de cette communauté blanche de notre bonne foi ».

Mandela, tout le souffle du renouveau par qui tout redevient possible

Humble dans la démarche physique comme intellectuelle, Mandela a su dépasser l’étroitesse des idées humaines de ségrégation, d’apartheid et de revanche gratuite. Et pourtant, tout lui donnait l’occasion d’oublier ses convictions et de jouer le jeu de ses opposants internes et externes, mais il a su intelligemment tenir le cap. Mais en visionnaire, futuriste, il a su, lorsqu’il le fallait, entrer dans le maquis aux côtés de ses compagnons de lutte, Sizulu et autres, pour mettre sa vie en danger, pour sauver avec les autres ce qui de l’être faisait sa grandeur. Dans ce vaste territoire multicolore, il a su déjouer tous les pièges possibles qu’on lui tendait. Rassembleur, il sait tourner le dos à sa base quand il le fallait pour réunir. Il sait trancher et faire des ennemis même quand il pouvait s’agir de sa famille, de ses proches. Winnie Mandela comme d’autres combattants pouvaient en faire les frais lorsqu’il ne transigea pas avec la justice sociale. Il a su mettre chaque personne à sa place, comme il a prôné et obtenu « one man one vote » ou « the right man in the right place ».

Il est vrai que l’histoire des hommes, l’histoire de son pays, l’Afrique du Sud est têtue. La richesse du sous-sol n’a laissé indifférents les peuples d’origine européenne. La découverte de l’or, du diamant, du chrome, d’uranium… sur le territoire a fait du pays un grand producteur minier mondial et a suscité un afflux d’étrangers. La domination britannique est devenue prégnante sur la colonie. Les Xhosa s’opposent farouchement à toute pénétration européenne. Neuf guerres “Cafres”, de 1779 à 1877, mettront en affrontement les Zoulous et les Boers. La cohabitation n’a jamais été pacifique. La création en 1910 de l’Union Sud-Africaine n’a pas empêché le combat acharné mené par Mandela et ses compagnons de lutte, qui a fini par payer malgré les intimidations, les tortures et les arrestations. Les séries de lois mises en place par les régimes d’apartheid, à savoir la ségrégation raciale, l’interdiction des mariages mixtes et la ségrégation résidentielle, qui affectent les populations métisses, indiennes et surtout noires, et excluent les autochtones de la conduite des affaires du pays, n’ont pas freiné la “pression de la rue”, qui obligea le Commonwealth à sortir de ses membres l’Union Sud-Africaine pour lui exiger la liberté du peuple et l’abolition des lois barbares et inhumaines. L’isolement de l’Afrique du Sud n’a pas été une leçon pour les tenants de l’Apartheid. Il a fallu les émeutes anti-apartheid de Soweto en 1976 et autres de 1985-1986, qui ont fait de nombreuses victimes, pour que la condamnation de nombreux États occidentaux soit suivie de sanctions économiques.

Frederick Deklerk, qui succéda à Peter Botha, a compris qu’il fallait trancher et tourner vers une démocratie multinationale dès 1988. Il mènera une politique d’ouverture vers la majorité noire. Il reconnaît la légalité des organisations anti-apartheid. Nelson Mandela, chef historique de l’ANC, sera mis en scène lors du processus de démocratisation en Afrique du Sud. Sorti de prison après trente ans de geôle, il sera plébiscité par le peuple, qui le porta à l’issu des premières élections multiraciales de 1994 au poste de premier Président noir du pays. Après deux mandats, il se retire des affaires, couronné du Prix Nobel de la Paix.

Mandela laisse une leçon de courage et d’abnégation à ses successeurs africains, il prône la paix et la fraternité des Nations, il vante le courage et la capacité des hommes à bâtir en se surpassant pour dépasser la bêtise humaine. Jamais il n’aura considéré la race humaine, pour lui, c’est avant tout l’être humain, ses capacités et compétences qu’il faut promouvoir. Il donnera la preuve en faisant participer ses geôliers d’hier à la construction de la nouvelle Sud-Afrique. D’une dernière leçon, savoir tenir et aller de l’avant sans se résigner et savoir se retirer quand il le faut sont de belles manières d’humilité et d’humanité que Madimba, l’éclaireur, a su montrer après avoir tracé la voie.

Bienvenu H. Diogo


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