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Arrêter d’amuser la galerie
Alors que le BTP continue de plonger, les diversions se multiplient
samedi 7 juillet 2012, par
Hausse du chômage, 650 millions d’euros de fonds européens qui risquent d’être perdus, plus de 150.000 Réunionnais au revenu minimal, le BTP qui plonge : voilà la vérité. En pendant ce temps, certains font l’intéressant en amusant la galerie.
« BTP : la descente aux enfers continue » : c’était hier dans "le Quotidien". Notre confrère dresse un inventaire très inquiétant de la situation dans ce secteur économique, et de l’attitude de certains responsables. Car aussi incroyable que cela puisse paraître, le Haut conseil de la commande publique se réunira en septembre après les vacances scolaires. Un timing qui n’a pas échappé au président de la FRBTP, qui a dû rappeler qu’à La Réunion, les congés du BTP ont lieu en janvier, et pas en juillet.
La situation ne cesse de s’aggraver, avec des liquidations qui se succèdent, des licenciements à la pelle et aucune perspective.
Une route « en promotion » ?
C’est dans ce contexte que des nouvelles très surprenantes viennent distraire l’attention. Lundi, c’était l’INSEE qui annonçait un rebond de la croissance après deux années de récession, et aussitôt des médias ont embrayé pour dire que le pire est derrière nous, que tout repart… Mais dans le même temps, l’INSEE expliquait que le nombre de Réunionnais vivant avec un revenu minimum dépasse les 150.000, un nombre jamais atteint : voilà la réalité.
Jeudi dans un restaurant reconverti en lieu d’exposition, la Région Réunion et un groupe français de BTP annonçaient que le chantier de la route en mer de Didier Robert va démarrer l’année prochaine. Le représentant d’EGIS s’est vanté d’avoir réglé tout le dossier en 9 mois, tandis que pour sa part le président de Région soutenait que le budget initial de 1,6 milliard d’euros ne sera pas dépassé. Et son partenaire d’EGIS d’enfoncer le clou, annonçant un prix de 1,499 milliard d’euros hors taxe. Même "le Quotidien" n’a pas pu s’empêcher d’ironiser sur ce prix manifestement irréaliste : « à croire qu’elle est en promotion ».
Cette annonce se heurte à la réalité sur deux points : la faisabilité du chantier n’est pas prouvée avec par exemple le problème des matériaux ; le coût est manifestement sous-évalué au moins de moitié, ce qui signifie la mise en péril des finances de la Région Réunion et une dette énorme à payer pour les Réunionnais si jamais le chantier est lancé.
Et les 650 millions d’euros ?
Toute cette agitation est là pour masquer une réalité extrêmement grave. 650 millions d’euros de fonds européens n’ont pas encore été utilisés, et nous risquons de les perdre à jamais. C’est une conséquence de la politique de la Région
Que doivent donc penser tous les travailleurs qui ont été licenciés à cause de l’arrêt des grands chantiers quand ils apprennent une telle nouvelle ? Quel est le sentiment d’un patron qui a vu son entreprise liquidée ?
Les effets de cette crise font monter le chômage et diminuent encore les perspectives de reprise. L’État constate en effet que les collectivités doivent davantage prendre en compte l’urgence sociale ce qui réduit les marges de manœuvres pour les investissements.
Face à l’aggravation de la crise, un message à tous les amateurs de diversion : arrêter d’amuser la galerie.
M.M.
Haut conseil de la commande publique…
Début septembre 2010, travailleurs et patrons du BTP sont dans la rue afin de manifester pour leur survie. Plusieurs milliers d’emplois avaient été supprimés, et la Région avait annoncé son intention. Une réponse du pouvoir avait été la création du Haut conseil de la commande publique avec comme présidente une ancienne élue, Margie Sudre. Manifestement, ce Haut conseil n’a pas permis de redresser la situation et quelques extraits des débats sont révélateurs : 1ère réunion :15 septembre 2010 « L’un des résultats de cette réunion, est qu’il y aura dès cette année un engagement au minimum de 10% sur les 750 millions d’euros affectés à la commande publique et encore non utilisés », a annoncé le préfet, Michel Lalande. (…) « Mais le rôle de ce haut conseil n’est pas de passer commande, nous n’avons aucune finance. Notre rôle est de mobiliser les fonds publics qui existent dans les collectivités », rétorque Margie Sudre. Le Haut conseil de la commande publique présidé par Margie Sudre a tenu sa 2è réunion ce jeudi 28 octobre 2010. Syndicats de salariés et organisations patronales attendaient des réponses concrètes. « L’outil, donc ce haut conseil, est intéressant à partir d’aujourd’hui et à moyen et long terme. Mais les réponses ne sont pas à la hauteur des problèmes que rencontrent les entreprises », explique Jean-Marie Le Bourvellec, président de la FRBTP (Fédération réunionnaise du BTP). Quant à la promesse des 12% de la commande publique qui devaient être engagés avant la fin de l’année, les patrons n’ont pas vu l’ombre d’un chantier. « Le préfet a annoncé que 2 gros chantiers devaient sortir d’ici 2011 ». Le Haut conseil de la commande publique s’est réuni ce mercredi 15 décembre 2010 pour un nouveau point d’étape. Et comme à chaque point d’étape, le constat des syndicats du BTP fut le même à la sortie de la réunion de ce mercredi, « il n’y a pas assez de chantiers ». Au 10 décembre, près de 637 millions d’euros de chantiers ont été lancés sur les 1,2 milliard d’euros dédiés à la commande publique. Soit 53% du budget. Un pourcentage « pas à la hauteur », estime le préfet de La Réunion, Michel Lalande. 277 millions d’euros, tel est le montant de l’investissement des collectivités depuis le début de l’année pour lancer 191 chantiers. « Il y a une reprise légère », note Margie Sudre qui se réfère à l’année 2010. Ce qui agace de nombreux professionnels du BTP dont Stéphane Brossard, président de la FRBT, et Jacky Balmine, secrétaire général à la CGTR –BTP. « Si on prend 2010 comme année de référence, c’est normal que ce sera mieux. 2010 a été la pire année. Ça ne peut qu’aller mieux », s’emporte le syndicaliste de la CGTR qui estime qu’« il faut plutôt comparer ces chiffres à ceux de l’année 2007 ». Avis partagé par Bernard Tillon, secrétaire général à la FRBTP. « N’importe quoi », murmurent certains participants à cette assemblée. « 2 milliards d’euros, c’est le chiffre d’affaires moyen au niveau national. Nous sommes en droit de demander un tel investissement », lance le membre de la FRBTP. « Surtout qu’au rythme des investissements actuels, les 1,2 milliard d’euros prévus pour cette année ne seront jamais écoulés », poursuit-il. |