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Grandioses funérailles de Paul Vergès

Ultime adieu au cimetière paysager du Port

mercredi 16 novembre 2016, par Marlène Sitouze

Arrivée hier après-midi de la procession au cimetière paysager du Port sous le signe de l’émotion renforcée. Tant à travers l’expression de la tristesse populaire que les prises de parole des officiels qui allaient se succéder au micro pour un ultime hommage au fondateur du PCR. Des éloges unanimes soulignant là encore l’engagement hors pair de cet infatigable défenseur de la cause de son pays et de son peuple. Un engagement signant la Réalisation d’un être lumineusement exceptionnel avec comme moteur l’Amour d’ autrui, son bien-être et son émancipation perpétuel en lien avec son environnement local, régional, national, européen et international, pour sans cesse semer de nouvelles graines d’espérance. Retour sur cet hommage unanime et ultime rendu hier au cimetière paysager du Port :

Arrivée du convoi au cimetière.

« Vergès » ! « Vergès » ! « Vergès » ! « Vive Vergès ! » :

Il est 14h30 en ce mardi 14 novembre 2016 lorsque le convoi officiel pointe le bout de son nez à l’entrée du cimetière construit par Paul Vergès, celui qui a été pendant dix-huit années maire de cette ville qu’il a sortie des entrailles d’une terre aride grâce à sa prodigieuse et féconde pensée. La foule s’immobilise pendant quelques minutes. Le Temps semble s’être arrêté. L’Internationale retentit.. Mélange de voix par milliers. « Mayage » de toutes les composantes du peuple-banian uni comme un seul homme dans cet ultime hommage à Paul Vergès qui, toute sa vie, avait salué ce « brassage culturel » du peuple de « ce laboratoire » que constitue à ses yeux La Réunion. Ensuite, le corbillard s’avance encore un peu et s’immobilise dans une petite allée à droite où toute une logistique a été mise en place pour la prise de parole officielle prévue.

Gilles Leperlier présidait la cérémonie.

Une cérémonie présidée par Gilles Leperlier et, aussitôt ouverte par Olivier Hoarau. Lequel choisit « en guise d’adieu de lire un message des Portoises et des Portois ». Revenant sur le combat initié par Paul Vergès à son arrivée à la tête de la municipalité en 1971, Olivier Horeau a souligné la transformation radicale qu’a connue la ville sous l’impulsion de Paul Vergès et de son équipe. « Na pwin montagne, ni gagn pa désoté. Adieu camarade » ! a-t-il conclu avant de passer la parole à Nassimah Dindar.

Olivier Hoarau, maire du Port.

Hommage de tout l’échiquier politique

Nassimah Dindar, présidente du Département.

La voix empreinte d’une grande émotion, la présidente du Conseil départemental a lancé un vibrant hommage à son « ami et président Paul ». « La République vient de perdre une personnalité importante de son histoire », a-t-elle poursuivi avant de rappeler l’action de Paul Vergès en faveur de La Réunion. Une île qui, a-t-elle souligné, à l’heure de la disparition de Paul Vergès « n’a toujours pas de lisibilité » quant à son avenir. Un objectif donc à atteindre sur la base de l’état d’esprit sans cesse prôné par Paul Vergès : le rassemblement de tous au-delà des clivages et des intérêts partisans. « Il ancrait ses combats dans les racines de l’identité réunionnaise », a ajouté Nassimah Dindar, insistant sur l’importance que Paul Vergès accordait à la fraternité. Tu étais l’Homme de l’Alliance », a-t-elle conclu en insistant sur « la nécessité impérieuse » de l’union et de la fraternité entre tous pour dessiner les contours d’une société plus juste, plus fraternelle et moins inégalitaire pour l’île et ses habitants .

Jean-Louis Lagourgue, 1er vice-président de la Région Réunion.

Ensuite, Jean-Louis Lagourgue a pris le micro. Au nom du président de la Région, retenu pour une réunion sur la COP 22, il a lu un message en direction de la famille de Paul Vergès et du peuple réunionnais. Un message tendant à souligner l’œuvre de Paul Vergès contre les injustices et les inégalités. Un exercice qui a-t-il convenu n’est guère facile pour lui « surtout vis à vis de la famille », a poursuivi Jean-Louis Lagourgue en concédant, toutefois, au nom de la Région que « l’œuvre de transmission est essentielle ». Avant de conclure en ces termes : « Je veux saluer la force de conviction de Paul Vergès, sa vision émancipatrice ».

Thierry Foucaut, vice-président du Sénat.

Prenant à son tour la parole, Thierry Foucaut, le vice-président du Sénat a lu au nom de la haute assemblée un message à la mémoire de celui qui « fut pendant plus de soixante années une figure emblématique et charismatique » de La Réunion. Un texte soulignant le rôle précurseur mené par Paul Vergès dans de nombreux domaines et, notamment, en matière du réchauffement climatique. Avant de conclure en insistant sur la nécessité de poursuivre l’action de transformation de la société réunionnaise engagée par Paul Vergès : une société réunionnaise que, comme a rappelé l’intervenant, Paul Vergès considérait « comme un laboratoire concentrant toutes les contradictions d’une société capitaliste et du tiers-monde ».

« Nou lé pa plis, nou lé pa mwin : respèkt a nou »

Ericka Bareigts, ministre des Outre-mer.

Ensuite, la parole a été cédée à la Ministre des Outre-Mer, Ericka Bareigts. S’exprimant « avec une profonde tristesse », elle a souhaité « témoigner de la reconnaissance de la République pour la vie d’audace et d’engagement de Paul Vergès » et, bien sûr, adresser ses condoléances à la famille de notre regretté camarade, à ses amis et proches et au peuple réunionnais. « Il fascinait par sa capacité d’indignation face aux injustices ; avec sa disparition, la République perd l’un de ses fils. Il a eu une vie dédiée à La Réunion ; (…). Toute sa vie durant, il défendra une société réunionnaise ouverte, métissée », a poursuivi Ericka Bareigts en insistant sur un fait qui, de par le combat de Paul Vergès qui permet « tous les possibles » : « l’émergence de la fierté d’être Réunionnais et de la prise de conscience ke nou lé kapab ». Autrement dit, les conditions pour remettre au goût du jour cette phrase lancée par Laurent Vergès à l’Assemblée Nationale, « Nou lé pa plis, nou lé pa mwin : respèkt a nou » à l’ordre du jour de la bataille revendicative, sont donc réunie. « Il nous appartient de poursuivre ses combats, de poursuivre nos combats, ce serait le meilleur hommage que nous puissions lui rendre », a conclu l’élue de la République.

Condoléances du PCF

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF.

La parole a ensuite été passée à Pierre Laurent, le secrétaire national du Parti Communiste Français, lequel est revenu lui, aussi, sur les six décennies de luttes menées par Paul Vergès tant sur le plan local qu’international. Il a aussi souligné le combat mené par le PCR et le PCF, dans le respect mutuel. « Ce choix de fonder le PCR a été un choix juste et pleinement assumé. Il s’inscrivait dans son combat visant la pleine responsabilité des Réunionnais sur le devenir de leur île. Une pensée de Jacques Brel résume parfaitement Paul Vergès : « Il y en a qui ont le cœur si large qu’on y entre sans frapper ; il y en a qui ont le cœur si large qu’on en voit que la moitié ; Paul Vergès était de ceux-là. Après sa disparition, il faudra rassembler les forces disponibles pour écrire à la suite. Et, dans cette œuvre, vous pouvez compter sur nous » a conclu le dirigeant national communiste en renouvelant ses condoléances à la famille, aux amis, proches de Paul Vergès, aux dirigeants du PCR , à Témoignages et, bien sûr, au peuple réunionnais ».

Hommage du PCR

Elie Hoarau, dirigeant historique du PCR.

Dans une émouvante allocution, Elie Hoarau, dirigeant historique du PCR, a lui aussi évoqué la mémoire de son compagnon de route et camarade de lutte. Une évocation « difisil parské mi pe pa fé a mwin a lidé de son absans définitiv » a avoué Elie Hoarau qui mettra en avant deux apports capitaux versés par Paul Vergès dans le vaste chantier de la lutte pour une Réunion nouvelle : « C’est le premier à avoir donné une conscience réunionnaise aux enfants de cette île », une prise de conscience de la fierté d’être Réunionnais sonnant comme « l’acte fondateur de l’unité du peuple réunionnais ». Elie Hoarau a, ensuite, insisté sur le rôle marquant de Paul Vergès en matière de fraternité et de coopération avec les pays-frères de l’Océan Indien et d’Afrique, son rôle précurseur mené en matière d’intercommunalité et l’action menée sur tous les plans pour alerter la France, l’Europe et le Monde en vu du bien commun avant de traduire ainsi le message laissé selon lui par son camarade : « Ne pas s’arrêter aux échecs mais toujours partir de la réalité concrète » pour en tirer les causes des échecs et cela, dans une analyse globale de la situation avec à l’esprit cette nécessité d’union et de rassemblement, de solidarité et de fraternité pour répondre aux exigences sociales immédiates, à court, moyen et long terme. Une mission, d’après Elie Hoarau, dont chacune et chacun d’entre nous connaît la part qu’il lui revient à remplir. Une mission qui sera honorée dans le digne respect des engagements de Paul Vergès (Voir le discours intégral prononcé par Elie Hoarau au nom du PCR).

Au service de son peuple

Françoise Vergès.

Françoise Vergès a ensuite clôturé les prises de parole. Ce moment a été hautement placé sous le signe de l’émotion, de l’amour universel ; Amour d’une fille pour son père qui a également restitué de fort belle manière l’amour de son père pour le peuple réunionnais et de tous les peuples écrasés sous le joug des dominations de toutes sortes (capitalisme, impérialisme, religieuse, économique, culturelle, sociale,…) : « Depuis samedi, je n’ai écouté que des témoignages d’amour », démontrant le « lien puissant » qui unissait son père au peuple réunionnais a, en effet, déclaré Françoise Vergès, dans un vibrant hommage à son père pour sa vie placée sous le signe de l’engagement dicté par l’amour. « Une passion » qui aura été le moteur central de la vie du fondateur du PCR . D’où l’enseignement retiré : « Chacun d’entre nous doit choisir de vivre les passions de sa vie » , en évoquant « le choix intangible, insaisissable choisi par son père » : l’aspiration et les combats de son père à faire vivre et à donner corps, et âme à cette devise de la République : « Liberté, Egalité, Fraternité » mais également à « cette aspiration à plus de justice » : « Mon père choisit d’être au service de son peuple. Ce fut une passion, parfois, difficile à comprendre » a-t-elle concédé en rappelant « l’engagement très précoce de son père à l’âge de 17ans à ne jamais renoncer » en s’engageant, alors, dans les Forces de la France Libre (…), a poursuivi Françoise Vergès soulignant, par ailleurs, l’œuvre de son père en matière de transformation de la société coloniale, post-coloniale réunionnaise de Paul Vergès en faveur de toute La Réunion. Et d’ailleurs : « Il a secoué l’ordre colonial », a-t-elle ajouté en rappelant que dès les premières heures, Paul Vergès a affirmé haut et fort qu’un avenir (dont nous jouissons aujourd’hui avec ses avancées, ses limites, ses contradictions et ses défis) était possible : « A l’Histoire des Réunionnais, il attachera celle des Marrons ; c’était un communiste d’en-bas, populaire », a-t-elle insisté en allusion à la désapprobation par le fondateur du PCR de l’invasion soviétique en Tchécoslovaquie.

Avant de dire « Adieu » à son père, Françoise Vergès a mis les Réunionnaises et Réunionnais face à leur responsabilité : honorer la mémoire de celui qui nous a sortis du fénoir ou au, contraire, trahir cette mémoire.

Paul Vergès est parti mais comme le disait justement Julien Ramin, un swami, Samuel Mouen sans oublier tous ceux qui se sont succédé lors des différents hommages organisés, au cours de ces trois jours de veillée, « Paul Vergès n’est pas mort. Son souvenir demeurera en nous, tous ».

Et, puisque comme l’a dit un grand philosophe « Nos morts continuent de vivre et de vieillir en nous et parmi nous », mettons tout en œuvre afin de leur rester fidèles pour donner corps et vie, de manière permanente à cet héritage qu’ils nous ont légué et qui font de nous, d’une part, ce que nous sommes et, d’autre part, les êtres en devenir dont ils nous ont laissés les germes à fructifier sans cesse. Adieu, Paul et que ton combat, ta vie soient comme un miroir nous éclairant chaque jour sur la route menant à notre intériorité la plus profonde pour que ti pa, ti pa, « l’Humanité accomplisse le rêve des sages » !

Marlène Sitouze


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