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par le Dr Raymond Vergès

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L’impasse de l’effondrement des secteurs primaire et secondaire

Un modèle à bout de souffle —10—

mercredi 10 novembre 2010, par Manuel Marchal


Les dernières données de l’emploi publiées par l’INSEE ne sont guère rassurante : le taux de chômage dépasse 28%. Cette situation dure depuis des décennies, et est une conséquence l’effondrement des secteurs primaire et secondaire.


En 1964, 9 syndicats de planteurs publient dans "Témoignages" une charte. Ce document permet de donner un aperçu de la situation économique du pays à cette époque. Il y avait 24.000 planteurs de canne qui faisaient vivre 100.000 personnes sur une population de 400.000 habitants. Ils livraient leurs cannes à 13 usines. Le nombre des planteurs de géranium était supérieur à celui des planteurs de canne aujourd’hui, il existait aussi des milliers de planteurs de vanille et de tabac.
Le projet défendu par les syndicats de la charte était de produire 400.000 tonnes de sucre en 1970. Avec cette augmentation de la production, les planteurs souhaitaient également développer une industrie de la canne, valorisant un maximum de produits à l’image de ce qui se faisait déjà dans d’autres pays. Mais les usiniers et l’État ont choisi une autre voie. Aujourd’hui, le tonnage de cannes récolté est inférieur à ce qui était la norme dans les années 60, et notre île est loin des 400.000 tonnes espérées par les planteurs de la charte.

Des propositions réunionnaises pas écoutées

Depuis ces années 60, le chômage de masse s’est accentué, et le déficit commercial s’est creusé. L’agriculture a vu fondre ses effectifs en quelques années tandis que la part de l’industrie dans la population active est restée stable. L’essentiel de la création des emplois est due aux services, et aujourd’hui plus de 80% des emplois se trouvent dans ce secteur.
La Réunion n’a pas donc pu s’appuyer sur la croissance d’un secteur industriel puissant, capable de créer des richesses importantes sur laquelle il est possible de bâtir des projets de développement à partir des ressources du pays. C’est une conséquence du modèle qui est en place dans notre pays. Ce modèle met l’accent sur le développement des services qui s’appuie sur les transferts financiers venus de France, et sur l’importation de marchandises provenant en majorité de France.
Dans de telles conditions, il n’est pas possible d’imaginer que ce modèle puisse bâtir un socle du développement.

L’urgence d’une nouvelle stratégie

Pourtant, lors de son arrivée à la direction de la Région en 1998, l’équipe dirigée par Paul Vergès a malgré tout réussi à créer les conditions pour le développement de l’industrie dans le pays. Pour cela, une stratégie a été construite, s’appuyant sur la réalité du pays.
Dans la perspective du million d’habitants, des grands chantiers ont été lancés. Ils ont multiplié par trois le nombre de travailleur du BTP. La marche vers l’autonomie énergétique est aussi un moyen de créer une nouvelle industrie dans notre île, avec des milliers d’emplois à la clé.
Tous ces projets en rupture avec un modèle à bout de souffle étaient déjà lancés. Ils avaient commencé à produire des résultats positifs, changeant la donne de 50 ans d’errements à Paris. Mais tout a été remis en cause par l’arrivée à la direction de la Région d’un membre du bureau politique de l’UMP.

Manuel Marchal


1964 : 24.000 planteurs de canne
2010 : Moins de 4.000 planteurs


13 usines sucrières en 1964
2 usines sucrières en 2010


1974 : 40% des emplois dans l’agriculture ou l’industrie
2010 : à peine 15% des emplois dans l’agriculture ou l’industrie


De 13 à 2 usines sucrières

Depuis 50 ans, le nombre de travailleurs des usines sucrières a considérablement diminué, avec la chute du nombre des usines.

- 1957, 13 usines : Le Gol, Pierrefonds, Casernes, Rivière du Mat, Ravine Creuse, Beaufonds, Quartier-Français, Vue Belle, La Mare, Grands-Bois, Savanna, Stella, Bois-Rouge.
- 1967, 13 usines : Le Gol, Pierrefonds, Casernes, Rivière du Mat, Ravine Creuse, Beaufonds, Quartier-Français, Vue Belle, La Mare, Grands-Bois, Savanna, Stella, Bois-Rouge.
- 1977, 9 usines : Le Gol, Rivière du Mat, Beaufonds, La Mare, Grands-Bois, Savanna, Stella, Quartier Français, Bois-Rouge.
- 1987, 4 usines : Le Gol, Beaufonds, Grands-Bois, Bois-Rouge.
- 1997, 2 usines : Le Gol, Bois-Rouge.
- 2007, 2 usines : Le Gol, Bois-Rouge.


L’accumulation des impasses

66 ans après l’abolition du statut colonial, les impasses provoquées par un modèle à bout de souffle s’accumulent, retrouvez les précédents articles de "Témoignages" sur ce thème :

L’impasse de la pauvreté ("Témoignages" du 26 octobre)
http://www.temoignages.re/l-impasse-de-la-pauvrete,46347.html

L’impasse de la pénurie d’emploi ("Témoignages" du 27 octobre)
http://www.temoignages.re/l-impasse-de-la-penurie-d-emploi,46373.html

L’impasse du logement ("Témoignages" du 28 octobre)
http://www.temoignages.re/l-impasse-du-logement,46391.html

L’impasse des transports ("Témoignages" du 30 octobre)
http://www.temoignages.re/l-impasse-des-transports,46425.html

L’impasse du pouvoir d’achat ("Témoignages" du 2 novembre)
http://www.temoignages.re/l-impasse-du-pouvoir-d-achat,46448.html

L’impasse de la vie chère ("Témoignages" du 3 novembre)
http://www.temoignages.re/l-impasse-de-la-vie-chere,46467.html

L’impasse du financement des collectivités ("Témoignages" du 4 novembre)
http://www.temoignages.re/l-impasse-du-financement-des,46490.html

L’impasse de l’illettrisme ("Témoignages" du 8 novembre)
http://www.temoignages.re/l-impasse-de-l-illettrisme,46555.html

L’impasse du déficit commercial
("Témoignages" du 9 novembre)
http://www.temoignages.re/l-impasse-du-deficit-commercial,46569.html


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Messages

  • C’est ce genre d’analyse -et la censure que me vaudront mes commentaires- qui discrédite Témoignages.
    Il aurait fallu que vous précisez votre notion de "secteur industreil puissant" que vous confondez ici avec le BTP (vous écrivez en effet exactement ceci :"l ors de son arrivée à la direction de la Région en 1998, l’équipe dirigée par Paul Vergès a malgré tout réussi à créer les conditions pour le développement de l’industrie dans le pays. Pour cela, une stratégie a été construite, s’appuyant sur la réalité du pays.
    Dans la perspective du million d’habitants, des grands chantiers ont été lancés. Ils ont multiplié par trois le nombre de travailleur du BTP."
    J’ai cru compendre que La Réunion ne peut développer une industrie dans son acception classique pour plusieurs raisons et surtout dans la mesure où elle n’a pas de matière premières à transformer. En cherchant bien on peut trouver des déclarations de Paul Vergès indiquant que c’est une ipossibilité pour LA Réunion. C’est la raison pour laquelle il est proposé de développer une exportation du "savoir" réunionnais en lieu et place de productions réunionnaises.

    MAis tout cela doit certainement vous dépasser.


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