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par le Dr Raymond Vergès

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Réussissons un changement aussi important que l’abolition du statut colonial

La campagne d’explication du PCR est lancée

lundi 20 avril 2015, par Manuel Marchal


Le Parti communiste réunionnais avait donné rendez-vous ce samedi à la salle Cabaret de Quartier-Français. Deux jours après l’annonce du lancement de la campagne d’explications, le PCR a tenu son premier meeting. Des délégations venues de toute l’île ont participé à cette première.L’objectif de la campagne est de rassembler pour sortir La Réunion de la crise. Cela passe par un changement aussi important que ne l’a été l’abolition du statut colonial par le rassemblement des Réunionnais en 1946.


Face à la crise, l’heure est au rassemblement pour construire un projet pour La Réunion. Le 22 février, le Parti communiste réunionnais avait présenté 25 propositions pour une autre politique à La Réunion. À la fin du mois de mars, les élections cantonales ont constitué un Conseil départemental. Les problèmes soulevés avant les élections par le PCR restent d’actualité. Le parti appelle à une grande concertation pour s’entendre sur un projet. Les 25 propositions présentées le 22 février sont une contribution à ce débat.

Pour que la population puisse connaître les enjeux de cette bataille, le PCR a décidé de lancer une campagne d’explication. Samedi matin avait lieu le premier meeting, à la salle Cabaret de Quartier-Français à Sainte-Suzanne.

État de crise

Des militants venus des différentes sections étaient présents : de Saint-Joseph à Sainte-Rose en passant par Saint-Denis.

Maurice Gironcel, secrétaire général du PCR, a dit le mot de bienvenue de la section communiste de Sainte-Suzanne. Il a tout d’abord rappelé que Quartier-Français est un lieu chargé d’histoire. C’est là que les communistes avaient lancé la bataille pour sauver l’usine de Quartier-Français en 1955. Maurice Gironcel a expliqué que ces luttes sont loin d’être terminées. La Réunion est en effet un pays en crise, avec plus de 175.000 demandeurs d’emploi, la moitié de la population en dessous du seuil de pauvreté.

Mais tout cela pourrait encore s’aggraver.
Le secrétaire général du PCR a cité tout d’abord la filière canne en grand danger à cause de la fin des quotas sucriers en 2017. Ce sont près de 20.000 emplois qui sont menacés.

Puis Maurice Gironcel a évoqué la crise dans le BTP. Ce sont près de 10.000 emplois qui ont disparu en 5 ans, et les perspectives ne sont pas bonnes. Le maire de Sainte-Suzanne a en effet précisé que le secteur du Bâtiment et des Travaux publics dépend essentiellement de la commande publique, et ce sont les collectivités qui y contribuent à 85 %.
Maurice Gironcel a conclu le mot de bienvenue en rappelant les enjeux des accords de partenariat économique (APE). L’ouverture du marché de La Réunion aux produits fabriqués chez nos voisins est aussi une menace pour l’emploi, car les coûts de fabrication sont là-bas beaucoup moins élevés.

Origine de l’apartheid social

Paul Vergès est ensuite intervenu pour rappeler le cadre de la bataille. Ce sont en premier lieu des médias qui ne parlent pas de la situation, notamment des 175.000 demandeurs d’emploi. La crise à La Réunion est d’une toute autre dimension qu’en France, a dit le sénateur. Il a expliqué que pour qu’elle atteigne le même niveau qu’à La Réunion, cela supposerait que la France ait 10 millions de chômeurs et 30 millions de personnes sous le seuil de pauvreté.

C’est en second lieu l’échec de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 1946, date de l’abolition du statut colonial : « pas un n’a fait reculer le chômage ».
Il a ensuite rappelé une responsabilité des communistes : voir clair et des années en avance.

Paul Vergès est alors revenu sur les origines de la crise : la conjonction de plusieurs erreurs.

Ce fut la décision du gouvernement de trahir l’esprit de la loi de 1946, en décidant qu’une catégorie de travailleurs devait avoir la sur-rémunération. En 1947, elle était de 125 % pour les agents de l’État, elle est de 53 % aujourd’hui.

Mais pour les autres travailleurs, tout était bloqué. Il a fallu plus de 50 ans pour que le SMIC et les allocations soient au même niveau qu’en France. La démission d’Elie Hoarau et de Paul Vergès de leurs mandats de député a donné l’impulsion finale vers la victoire dans cette bataille.

Mais le choix du gouvernement fait au lendemain de l’abolition du statut colonial a instauré une différence de revenus qui s’est creusée, un « apartheid social » a dit Paul Vergès, car c’est une inégalité institutionnalisée.

« Comment remettre tout cela en cause »

Le sénateur a mis en exergue une seconde erreur. Le gouvernement qui a décidé de l’inégalité n’a pas vu arriver le bouleversement qui allait tout changer à l’échelle du monde : la croissance de la population. La Réunion est en plein dans ce phénomène. Sa population est passée de 250.000 à 850.000 habitants en moins de 70 ans.
La troisième erreur a été la suppression du chemin de fer et la construction de la route du littoral. Le train allait de Saint-Benoît à Saint-Pierre, il employait près de 1.700 cheminots.

Ces trois erreurs sont à la base de la crise actuelle.
Elles ont créé une société dominée par des personnes touchant la sur-rémunération, a ajouté Paul Vergès. C’est le cas des communes, du Conseil départemental et du Conseil régional, qui ont à leur tête des membres de cette couche sociale. Sur 11 parlementaires, un seul n’est pas sur-rémunéré, a-t-il précisé. Cela a des conséquences, car « quand ce monde est au pouvoir, il défend ses intérêts, pas ceux des petits ».

Cette situation fixe le programme : « comment remettre tout cela en cause ».

Crise de la canne et du sucre

Mais plusieurs événements viennent encore compliquer les choses. C’est tout d’abord la crise de la canne et du sucre.
La France et l’Europe ont supprimé les quotas sucriers à compter de 2017. Conséquence : dans deux mois c’est la coupe, mais le prix de la canne n’est pas encore fixé, car la Convention canne n’est pas signée. L’usinier ne veut pas s’engager fermement au-delà de 2017, car après 2017 il ne bénéficiera plus de l’intervention de l’Europe qui achète jusqu’à présent les invendus éventuels.
Que deviendront les planteurs, les transporteurs, les ouvriers d’usine et les dockers ?
Cette menace pèse sur toute l’économie de La Réunion.

Le rendez-vous est fixé, que fera le gouvernement dans ces deux mois. La ministre des Outre-mer vient à la fin de la semaine, le Premier ministre dans deux mois.
C’est la plus grande crise jamais connue à La Réunion, a rappelé Paul Vergès, avec pour conséquence les fermetures de Bois-Rouge et du Gol.

« Imaginer La Réunion sans les 25.000 hectares de cannes », a averti le sénateur. « S’il n’y a pas l’engagement d’une convention sur 6 ans, alors ce sera comme le géranium, la vanille et le vetiver ». Toutes ces cultures ont décliné à La Réunion dès le moment où elles ont été mises en concurrence avec d’autres pays ayant un coût de production moins élevé.
« Pourquoi les élus causent-ils de tout sauf de cela », a interrogé Paul Vergès.

« Tout peut changer »

« Nous arrivons à un moment où tout peut changer », a-t-il estimé, faisant le parallèle avec la situation de La Réunion à la sortie de la seconde guerre mondiale. Pour sortir le pays de la misère, « on a rassemblé tout le monde, même les gens qui n’étaient pas communistes ».

Aujourd’hui la situation est plus grave, il est possible de se rassembler, au-delà des communistes.

La dernière partie du discours de Paul Vergès a donné des perspectives pour l’avenir de La Réunion. Il sera lié à Madagascar, a dit le sénateur. La Grande île aura, dans trente ans, 55 millions d’habitants contre un million à La Réunion. « L’histoire va changer, les Réunionnais iront à Madagascar pour trouver du travail ».

À plus court terme, ce sera l’application des accords de partenariat économique, avec La Réunion qui sera concurrencée par Madagascar qui fabrique les mêmes produits.
C’est pourquoi, pour éviter la ruine, il faut changer. Le PCR avance des propositions, mais ce n’est pas le cas des autres partis.

Paul Vergès appelle à discuter, rassembler et faire face à la responsabilité avant de conclure : « serons-nous capables d’inscrire dans les deux ans un changement aussi important que celui fait en 1946 ? »

« Au travail camarades »

Maurice Gironcel a clôturé le meeting en annonçant le prochain rendez-vous : le défilé du 1er mai. En attendant, le secrétaire général du PCR a souligné l’importance d’organiser des réunions dans tous les quartier. « Au travail camarades, ensemble pour agir ».


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