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par le Dr Raymond Vergès

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« Un contexte évolutif qui nécessite des actualisations et des adaptations »

Contribution du Conseil régional et du Conseil général relative aux États-généraux de l’Outre-mer — 3 —

vendredi 11 septembre 2009


Après les constats, la contribution conjointe des deux assemblées fait état de plusieurs préalables à la réussite du développement durable de La Réunion. Tout d’abord, créer massivement des emplois pour répondre à l’urgence sociale et économique. Ensuite, veiller à ce que les réformes en cours aussi bien en France qu’au niveau européen n’aient pas un impact négatif à La Réunion en cas d’application mécanique. La Région et le Département plaident pour la prise en compte de la réalité réunionnaise.


I/ Répondre à la crise et à ses urgences sociale et économique

Les dernières années ont fait entrer en jeu des éléments imprévus et inattendus par rapport au diagnostic assez généralement partagé de la situation réunionnaise : de l’épidémie du Chikungunya aux conséquences mondiales de la crise issue des “subprimes” aux États-Unis en passant par la flambée du coût des matières premières et du fret. Ces éléments sont venus accentuer la fragilité de la situation réunionnaise.

C’est d’ailleurs dans ce contexte que se sont développés les mouvements sociaux outre-mer avec notamment, à leur origine, des protestations sur le coût des carburants. Depuis, la crise mondiale a évolué de la dimension financière vers une dimension économique et sociale.
À La Réunion, 2008 a été marquée par les plus faibles résultats depuis 1996 en matière de croissance (+3,1%) et de consommation (+2,2%), la plus forte inflation depuis 15 ans (+2,9%… dont la hausse des prix alimentaires (hors produits frais) de 8, des produits pétroliers de 9,2%), un chômage qui repart à la hausse (+15.450 chômeurs d’avril à avril, +58,9% de licenciements économiques sur un an, +1% d’emplois dans le secteur salarié marchand au lieu de +4% en 2007). Cette dégradation se prolonge en 2009 : 4.000 licenciements attendus dans le BTP, 348 assistants d’éducation menacés de licenciement à la fin du mois d’août (et un risque pour 1.500 de leurs collègues)…

La gravité de la crise mondiale a mobilisé États et institutions internationales à des niveaux jamais connus pour limiter le risque d’une récession. Des plans de relance à différents niveaux mondial, communautaire, national et local ont été lancés. Pour autant, aucune prévision certaine de sortie de crise n’est aujourd’hui avancée en même temps que se renforce l’idée que cette crise va « redistribuer les cartes » au niveau des États, pour reprendre l’expression du Premier ministre.

À La Réunion, l’État et les Collectivités apportent leurs contributions aux plans de sauvegarde de l’emploi et de relance économique. La Région et le Département ont notamment maintenu leur niveau de commande publique, tenu leurs délais de paiement et accordé aux Chambres consulaires des moyens supplémentaires pour aider les petites entreprises à répondre aux appels d’offres… et ce, malgré la diminution prévisible de leurs recettes.

Il est cependant à craindre que les effets économiques et sociaux de cette crise s’accroissent encore dans les prochains mois. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle se pose dans une société réunionnaise très marquée par les inégalités et la pauvreté. Il convient notamment de rappeler l’importance du chômage, en particulier des jeunes, de la population (52%) vivant en dessous du seuil national de pauvreté, de l’illettrisme, de la forte demande en logements sociaux, ou encore de la violence faite aux femmes…

Se pose donc la question des moyens à mobiliser en urgence tant il est vrai qu’il ne pourra y avoir de développement durable sans prise en compte des situations les plus précaires aggravées par la crise.

Face à cette situation, diverses propositions ont été avancées :

– Réévaluer d’urgence l’efficacité des dispositifs mis en place : les menaces sur l’emploi de 1.993 assistants d’éducation, les plaintes renouvelées des TPE/PME sur les difficultés rencontrées auprès des banques… montrent le décalage entre les annonces et la réalité ;

– Plus globalement, un meilleur suivi de la crise, des actions de relance et des autres réponses apportées au mouvement social doit être recherché. L’objectif de cette démarche serait de pouvoir, en tant que de besoin et aussi rapidement que possible, adapter les actions aux conditions réelles rencontrées. Cette démarche ne peut se concevoir que de manière partenariale entre l’ensemble des acteurs économiques et sociaux ;

– Pour le BTP et les secteurs liés qui sont très réactifs à la commande, l’accélération de la mise en œuvre des grands chantiers, à l’exemple du nouveau pont de la Rivière Saint-Étienne ou du choix du groupement en charge du Tram-Train, est primordiale. En même temps, une adaptation du code des marchés publics à la réalité du tissu entrepreunarial local est indispensable pour ne pas laisser les petites entreprises au bord de la route ;

– L’effort consenti pour les contrats aidés ne sera efficient que si une solution pour les charges sociales liées est proposée pour tenir compte des difficultés financières qui touchent aussi les collectivités de base et les associations ;

– Au niveau des minima sociaux, l’avancement des dates de paiement de certaines allocations et le resserrement du calendrier d’extension du RSA s’imposent.

II/ Veiller à l’adaptation des réformes et autres processus en cours à la situation réunionnaise

Beaucoup de réformes ou de décisions en préparation — dont certaines pour une mise en œuvre dès 2010 — vont avoir un impact sur l’avenir de La Réunion. Dès lors, comment assurer une prise en compte des orientations réunionnaises de développement dans ces débats qui évoluent dans des cadres indépendants de celui des Etats-généraux ?

1) Il en est ainsi de la préparation à partir de 2010 des futures politiques européennes post-2013

L’importance de ces politiques pour La Réunion est bien connue pour les infrastructures, la formation, l’agriculture, l’octroi de mer… or, toutes ces politiques viendront à échéance en 2013/2014. En effet, quelle suite véritable pourraient avoir États-généraux si, dès 2014, l’intervention des Fonds structurels pour La Réunion diminue, si les subventions à la filière canne-sucre sont remises en cause, si les APE ouvrent davantage le marché réunionnais à la concurrence des ACP voisins, si la politique commune de la pêche ignore les spécificités des RUP… ?

Après l’installation de la nouvelle Commission européenne et la probable ratification du Traité de Lisbonne, les négociations communautaires entreront dans une phase plus active dès 2010. Les perspectives financières, la Politique de cohésion, la Politique agricole commune, la Politique commune de la Pêche, les Accords de partenariat économique définitifs… mais aussi l’avenir de l’octroi de mer… seront sur la table des négociations dans une Union où le poids relatif de la France, du Portugal et de l’Espagne diminue par rapport aux 24 autres États membres. Le contexte de ces discussions sera, en outre, plus défavorable qu’en 2002/2003 du fait de la crise mondiale qui va rendre les négociations financières plus complexes. Déjà dans les premiers documents en cours, l’ultrapériphérie a été oubliée (Rapport sur la cohésion, Livre vert sur la pêche…).

Aussi, dès 2008, les Présidents des Régions ultrapériphériques (RUP) ont décidé de se concerter pour défendre les intérêts de leurs Régions. La Conférence des RUP a ainsi participé aux consultations européennes sur le futur Cadre budgétaire, la Politique de cohésion, la Stratégie de Lisbonne… et tenu plusieurs rencontres avec la Commissaire en charge de la politique régionale.

La Conférence des Présidents des RUP, dont les Canaries assurent la présidence, a surtout décidé de préparer un nouveau mémorandum commun qui sera remis à la nouvelle Commission européenne et au nouveau Parlement européen en octobre prochain.

Ce mémorandum commun qui prépare la place des RUP dans les futurs grands débats européens devrait avoir son prolongement dans une position commune des trois États et des sept régions en 2010 avec le soutien de l’Espagne qui présidera l’Union au premier semestre de cette année.

Mais il est indispensable que, parallèlement à la démarche des RUP, une meilleure coordination soit recherchée en toute transparence entre les différents acteurs institutionnels de l’Outre-mer français : une journée d’échanges pourrait être utilement organisée entre le Gouvernement, les Présidents des Collectivités locales et les Parlementaires européens de l’Outre-mer.

2) Il en est également de nombreux chantiers nationaux en cours

Certaines évolutions sont spécifiques à l’Outre-mer, sinon aux seuls DOM, d’autres, nationales) et peuvent avoir un impact particulier sur la réalité ultramarine.

À court terme, il y a ainsi la mise en œuvre de la LODEOM toujours en attente de certains agréments de la Commission européenne et décrets d’application et dont les effets liés au nouveau dispositif de défiscalisation, à la réforme de la TVA-NPR ; ou à la mise en place d’une aide au transport de fret, et d’un nouveau financement du logement social devront être évalués.
À court terme aussi, la réforme de la taxe professionnelle, la création d’une taxe carbone, le lancement d’un grand emprunt national… qui devraient être opérationnels pour 2010.

Comment la réforme de la taxe professionnelle tiendra t-elle compte des exonérations prévues dans la LODEOM, comment faut il considérer l’hypothèse ministérielle d’un remplacement de l’octroi de mer par la taxe carbone ? Quelle part du grand emprunt national viendra abonder les besoins du développement durable de l’Outre-mer ?

À moyen terme, des suites seront données au Grenelle de la Mer, des Assises de la pêche sont en préparation, et les 57 mesures du Plan HIRSCH pour la jeunesse seront arbitrées.
Comment la réalité du bassin maritime du Sud-Ouest de l’océan Indien sera prise en compte aux futures Assises nationales de la pêche qui prépareront la position française à Bruxelles, dans quelles conditions la jeunesse réunionnaise bénéficiera-t-elle du plan HIRSCH et notamment de l’allocation de revenu qui serait versée à chaque jeune ?

À tout cela s’ajoute, la réforme de la fonction publique territoriale, celle de l’organisation territoriale qui devrait être examinée en Conseil des ministres mi-septembre et dont l’avant-projet précise que pour les DOM, il sera tenu compte pour certains aspects, des conclusions des États Généraux de l’Outre-mer.

Enfin, à côté de ces diverses démarches et outre la mise en oeuvre de la LODEOM, des dossiers d’intérêt plus spécifiques à La Réunion sont en attente : le financement de la continuité territoriale, le dossier des carburants, les contentieux financiers liés à la non compensation intégrale des transferts de compétences.

L’importance pour tout plan de développement durable de La Réunion de ces différents processus en cours et leur complexité sont manifestes. Pour assurer dans ces débats une prise en compte des orientations réunionnaises de développement et garantir un niveau suffisant de ressources pour leur mise en œuvre, il est demandé que, pour chaque DOM, se tienne une Conférence des éxécutifs locaux et du gouvernement. Cette réunion ferait le point sur tous les dossiers évoqués ci-dessus avant la tenue du Conseil interministériel qui doit clôturer les États-généraux.

(à suivre)


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