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par le Dr Raymond Vergès

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Avec la fin du prix garanti du sucre fin 2017, « les prix pratiqués en Europe seront ceux du marché mondial »

Echéance 2017 : audition du président du Syndicat du sucre de La Réunion à l’Assemblée nationale

vendredi 11 juillet 2014


Le 6 mai dernier, les députés de la délégation des Outre-mer ont reçu des membres de la filière canne. Cette audition est annexée au rapport d’information cité par l’Alliance et le PCR pendant la conférence de presse de mercredi. Parmi les différentes personnes entendues, Philippe Labro, président du syndicat du sucre de La Réunion annonce les difficultés qui s’annoncent pour la filière canne avec la fin du quota et du prix garanti en 2017. Voici donc le compte-rendu (avec des intertitres de Témoignages) ce que les députés de La Réunion ont entendu, et se sont bien gardés de dire aux Réunionnais.


Sucrerie en Europe. En 2005, les usines produisaient en moyenne 109.000 tonnes de sucre par campagne, aujourd’hui en Europe de l’Ouest, elles sont capables 207.000 tonnes de sucre par campagne, soit la production des deux usines réunionnaises. (photo Tereos)

M. Philippe Labro, président du syndicat du sucre de La Réunion : Je vais tenter de dresser le tableau d’une situation inédite. Depuis 1969, et même après la réforme de 2005, les filières « canne-sucre » des départements d’outre-mer évoluaient dans un marché entièrement réglementé par l’Union européenne.
En 2017, la réforme de l’OCM mettra fin aux quotas sucriers et au marché réglementé. À partir du 1er octobre 2017, il n’y aura plus de quotas en Europe, ce qui impactera l’ensemble de la profession, les sucreries de betterave européennes mais plus encore les sucreries de canne des départements d’outre-mer. Car nous serons plongés, à partir de cette date, dans un monde de compétitivité totale, et la filière sera connectée aux marchés internationaux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
La politique ultralibérale menée par l’Union européenne va aboutir à ce qu’une partie du sucre que nous fabriquons outre-mer – sucre qui n’est pas directement concurrent du sucre de betterave puisqu’il n’est pas destiné à être transformé en sucre blanc – soit confrontée aux marchés mondiaux.

260.000 tonnes de sucre de canne produit dans tout l’outre-mer

L’ensemble des départements d’outre-mer produit, en moyenne, près de 260.000 tonnes de sucre par an, ce sucre étant livré sur le marché communautaire et écoulé dans tous les pays d’Europe, essentiellement en France, en Espagne, en Italie et en Allemagne. Cette production se retrouve sur un marché européen face à des opérateurs continentaux qui fabriquent environ 16 millions de tonnes de sucre, pour une consommation moyenne de sucre de 18 millions de tonnes. L’Union européenne produit donc moins de sucre qu’elle n’en consomme. Elle en importe 3,5 millions de tonnes par an, mais elle ne peut en exporter que 1,5 million de tonnes.
Ces chiffres sont le résultat de la politique européenne mise en place en 2005, à la suite d’une contestation portée devant le GATT par le Brésil, la Thaïlande et l’Australie qui reprochaient à l’Union européenne de pratiquer des prix trop élevés sur le marché intérieur afin de permettre aux opérateurs européens d’exporter d’importantes quantités de sucre. D’exportateur net en 2005, l’Union européenne est devenue l’un des principaux importateurs mondiaux.

207.000 tonnes de sucre de betterave par usine en Europe de l’Ouest

La suppression des quotas permettra aux sucriers européens de produire sans limite. D’après les prévisions de la Commission européenne, publiées en décembre 2013, cette production augmentera fortement dès lors que la limitation des quotas aura disparu. En termes de compétitivité, l’Europe a beaucoup gagné au cours des dernières années car la réforme de 2005 a entraîné la fermeture de 45% des sucreries existantes et le licenciement de 40% du personnel, ce qui a considérablement augmenté la production des sucreries restantes. En 2005, les deux sucreries de La Réunion produisaient chacune 100.000 tonnes de sucre, tandis que les sucreries européennes en produisaient, en moyenne, 109.000 tonnes. Du fait de la fermeture de 45% des sucreries européennes et de l’allongement de la campagne sucrière, les sucreries en Europe produisent aujourd’hui 170.000 tonnes de sucre et l’Europe des Quinze, qui est la plus performante, en produit 207.000. En quelques années, la production européenne est devenue deux fois plus importante que la production réunionnaise.

Productions de l’outre-mer privée de garantie

Lorsque les quotas et la limitation à 1,5 million de tonnes des exportations des sucriers européens auront disparu, il est vraisemblable que l’Europe retrouvera sa compétitivité et sa place sur les marchés internationaux, et qu’elle redeviendra un gros exportateur de sucre.
En outre, les productions de l’outre-mer, qui n’ont jamais atteint leurs quotas du fait de l’exiguïté des territoires et des difficultés d’accès à la matière première, se trouveront privées de la garantie qui existait depuis 1969. Les prix pratiqués en Europe seront ceux du marché mondial, ce qui offrira à l’Europe la possibilité d’importer des quantités de sucre très importantes, notamment dans le cadre des accords avec les PMA (pays les moins avancés) et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) qui autorisent, depuis 2009, un accès sur le marché européen sans quotas et sans droits.
Pour nous, producteurs de l’outre-mer, cette situation pose deux types de questions.

(à suivre)


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