En Guyane, la lutte plus efficace que l’élection présidentielle
mardi 25 avril 2017, par
Pendant un mois, les Guyanais étaient en grève générale. Ce mouvement avait pour but d’obtenir des moyens supplémentaires. La mobilisation revendiquait aussi le droit à la santé, à la sécurité et au respect. La grève a bouleversé les agendas de ministres en quête d’un poste à la prochaine Assemblée nationale. Plus question pour Ericka Bareigts, ministre des Outre-mer, de faire campagne à Saint-Denis pour sauver sa place de députée tant que la Guyane était dans cette situation. L’envoi à Cayenne d’une délégation comprenant Ericka Bareigts n’avait rien réglé. Au retour de la délégation ministérielle, le gouvernement donnait une fin de non-recevoir aux revendications des Guyanais, limitant sa contribution à une aide d’urgence d’un milliard dont la ventilation était décidée en grande partie par Paris.
La tentative du gouvernement était un échec, car le mouvement s’est ensuite amplifié avec à la clé l’occupation du centre spatial de Kourou. Les Guyanais ont affiché une unité dépassant les clivages politiques et les différences de classe sociale. L’attitude de Paris a renforcé la conscience de la responsabilité, avec la demande d’un statut spécial pour la Guyane. Les Guyanais se sont aussi mis d’accord sur une plate-forme demandant une aide d’urgence supplémentaire de deux milliards d’euros. Au bout de la lutte, le gouvernement a cédé. À la veille du premier tour de l’élection présidentielle, un accord reprenant ces revendications a été signé à la préfecture de Guyane. Les deux milliards ne seront pas inscrits dans le plan de convergence comme le souhaitait Ericka Bareigts. Cette somme fera partie d’un plan additionnel qui devra être traité en priorité.
Tous ces acquis ont été obtenus grâce à la lutte. Le lendemain, l’élection présidentielle a fait un flop en Guyane avec 65 % d’abstention. Pour les Guyanais l’essentiel était fait, car il y a fort à parier que s’ils étaient restés tranquillement chez eux puis seraient allés voter en masse, ils n’auraient jamais obtenu toutes les avancées gagnées grâce à la mobilisation dans l’unité, en parlant d’une seule voix. De plus, les votants ont choisi de placer en tête Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, ce qui signifie que les partis qui gouvernent en France n’ont tiré aucun bénéfice électoral de la fin du conflit en Guyane.
En Guyane, le peuple a fait le choix de l’action. Il a su être solidaire malgré l’intransigeance du gouvernement qui a causé le blocage du pays. En agissant de la sorte et en obtenant de telles avancées, les Guyanais ont montré que la lutte était plus efficace que les élections pour faire avancer leur cause. C’est la nouvelle illustration d’un système bloqué. L’intégration dans la France n’arrive plus à régler les problèmes, et amène les citoyens à ne plus penser que les élections peuvent améliorer leur situation.
J.B.