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par le Dr Raymond Vergès

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Une place et une part pour chacun

lundi 17 décembre 2012

A la veille de commémorer le 164ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage à La Réunion, un évènement extérieur a fendu les médias : la tuerie de Newtown aux États unis. Cela nous interroge.

Rappelons qu’un jeune homme de 20 ans est entré dans une école primaire et a exécuté par arme à feu 20 enfants âgés de 6 et 7 ans ainsi que 7 personnels enseignants, avant de se donner la mort. Il avait également abattu sa mère avec qui il vivait. Le peuple américain est profondément touché et le Président Obama a failli ne pas terminer son discours tellement il était ému. Beaucoup de chefs d’État lui ont présenté leurs condoléances et témoigné de leur soutien.

Très vite, le débat s’est porté sur les raisons de cette tuerie et sur les conditions de ventes d’armes à feu. Les regards se portent sur la société américaine et son modèle. Trop longtemps les Américains ont produit des armes pour tuer les autres. Le 11 septembre, ils se sont sentis menacés et humiliés. Ils ont réagi. Cette fois, les Américains ne peuvent plus accuser des forces extérieures de leur en vouloir. Ils sont face à eux-mêmes, face à leur conscience. Leur modèle irréprochable, infaillible, qu’ils ont imposé au monde entier est malade et fabrique des malades qui n’hésitent plus à tuer pour soulager leur frustration.

(photo darchives Toniox)

La question essentielle est : quelle place, quelle part le modèle dominant laisse-t-il aux uns et aux autres ?

Partout, les êtres humains sont transformés en robots au service de la « productivité » et de la « compétitivité » du capitalisme, en constant perfectionnement. Toutes sortes d’études et de technologies sont utilisées pour tirer le maximum d’énergie de l’humain pour le profit d’une minorité. Tous déshumanisés. L’horreur quotidienne dépasse largement la tuerie de Newtown, mais les pouvoirs et leurs complices cachent la réalité sous toutes sortes de dérivatifs qui n’auront aucune portée le jour où le drame se produira.

A La Réunion même, 145.000 personnes sont exclues du monde du travail. 50% des foyers vivent sous le seuil de pauvreté. 70% des jeunes de moins de 25 ans sortis du cycle scolaire sont inscrits au chômage. Chaque année, plus de 3.000 Réunionnais tentent de mettre fin à leur vie, mais plus d’une centaine n’échappent pas à l’issue fatale. La violence est partout. De fait, la part dominante de notre société fonctionne en signifiant à l’autre partie qu’elle est inutile. Pire, elle l’enferme dans la culpabilisation et l’humiliation : incapable, pas assez formé, incompétent… La caricature de ce système, c’est le clientélisme électoral érigé en vertu : il faut être du bon côté ou bien t’as pas eu la chance !

164 ans après l’abolition du régime esclavagiste, la leçon d’Amérique nous rappelle qu’il est urgent d’installer une gouvernance où chaque individu a une place et une part de la société pour qu’il se sente bien, utile et valorisé.

Ary Yee Chong Tchi Kan


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