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par le Dr Raymond Vergès

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La moitié des internes au bord du burn-out

Les effets de la dégradation du service public de santé

jeudi 9 août 2012


Questionner presque tous les internes en médecine générale de France sur leur risque potentiel de burn-out… C’est le défi relevé par Valériane Komly et Antoine Le Tourneur. Les conclusions de leur thèse sont édifiantes : près de la moitié des internes se sentent menacés par le burn-out.


Si la question du burn-out des médecins et notamment des généralistes est un phénomène tristement reconnu — solitude, masse de travail insurmontable, manque de reconnaissance sont les facteurs qui les font basculer —, la notion de burn-out chez les internes de médecine générale est nouvelle. C’est le fruit des travaux de recherche de Valériane Komly et d’Antoine Le Tourneur, qui ont produit une enquête nationale dans le cadre de leur thèse dirigée par le Dr Eric Galam, auteur du livre “L’erreur médicale, le burn-out et le soignant”. « C’est une thèse d’envergure, car c’est la première fois que des étudiants enquêtent sur toute la France métropolitaine », souligne fièrement Eric Galam.

« Chosifier » le patient

Appuyés par les syndicats locaux, Valériane Komly et Antoine Le Tourneur ont fait passer un questionnaire à tous les internes de médecine générale. Seules les Facultés de Caen, Marseille et Reims n’ont pas participé. 4.050 réponses ont pu être exploitées, soit un taux de 64%. « Le burn-out est un sujet tabou. Les internes n’en parlent pas entre eux. Cet excellent taux de réponse est une satisfaction, cela montre leur intérêt, d’autant que nous avons eu beaucoup de commentaires libres », explique Antoine Le Tourneur.
Le phénomène de burn-out se caractérise par trois manifestations : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation (cynisme) et une baisse de l’accomplissement personnel. Les questions ont été orientées en fonction de ces trois critères. Et les résultats sont édifiants. 34% des internes en médecine générale considèrent faire partie d’au moins une des trois catégories. Ils sont 39% à ressentir une baisse de leur accomplissement personnel et 34% à dépersonnaliser leurs patients. Pour Eric Galam, « ce fort pourcentage de dépersonnalisation est un élément flagrant qui correspond parfaitement aux difficultés liées à l’apprentissage du métier de médecin, car pour apprendre, on a besoin de “chosifier” le patient. Ce n’est qu’après, dans la pratique professionnelle de la médecine, que l’on humanise ses patients ».

Dans le grand bain

L’internat est une période difficile pour les étudiants jetés dans le grand bain. Fatigue, pression, manque de reconnaissance, ils sont 47% à se sentir menacés par le burn-out.
« Les internes ont des responsabilités qui les dépassent. C’est une période très violente pour eux, ils ne sont pas assez préparés », analyse Eric Galam. Et cela se ressent dans les commentaires laissés par les internes sondés : « On se sent souvent seul avec nos ressentis, nos doutes, nos craintes face à la mort, aux soins palliatifs, aux maladies chroniques, face à l’impuissance de la médecine surpuissante que l’on nous a enseignée et qui ne l’est pas en réalité », témoigne l’un d’entre eux.
Un autre ajoute : « Je viens de terminer mon premier semestre et je me sens déjà à bout, je me demande si la médecine me plaît ».
Ils sont nombreux à remettre en question leur choix professionnel. 16,5% des internes en médecine générale pensent souvent à une réorientation et 37% admettent que si cela était à refaire, ils ne repasseraient pas le PCEM1. Mais après au moins six années d’études, changer de métier est souvent inenvisageable.
« Personnellement, je n’aime plus mon travail. J’ai déjà changé de filière, de spécialité pour la médecine générale et je n’aime toujours pas. Chaque jour, je pense arrêter, mais à cause de la pression socioprofessionnelle et familiale, je ne le fais pas. Ne pas aimer son travail est la pire des choses qui puissent arriver dans la vie… Alors je pense que je continuerai chaque jour à me lever et me coucher en pleurant, tout ça en jouant la mascarade et porter un masque de bonne humeur et de dynamisme pour faire semblant ! Sans aller jusqu’au burn-out, on le frôle souvent ».

« Tétanisés »

L’environnement familial est fondamental pour se protéger du burn-out. 24% des internes en burn-out se disent seuls alors qu’ils ne sont que 7% à basculer lorsqu’ils sont bien entourés. « Les internes ont du mal à avouer leurs difficultés. Ils ont la volonté de ne pas embêter les gens avec leurs problèmes. Ils ont du mal à formuler leurs angoisses et ne sont pas assez encadrés », résume Valériane Komly.
Au regard des commentaires laissés par les internes sondés, les thésards ont formulé plusieurs solutions pour limiter le risque de burn-out. Pour commencer, informer les étudiants sur ce syndrome totalement tabou. Ils apprendraient ainsi à s’en protéger. Ils évoquent aussi l’idée de mettre en place « une fiche de poste, dans chaque service, pour chaque interne, qui serait comme un véritable contrat de travail. Cela permettrait à l’interne de savoir où il va ». Le manque d’encadrement est un problème très souvent rencontré par les futurs médecins, tout comme le manque de reconnaissance.
Enfin, Valériane Komly et Antoine Le Tourneur proposent d’apprendre aux internes à manager une équipe médicale. « C’est quelque chose qui les soulageraient, c’est très difficile de savoir gérer une équipe entière », soulignent-ils.
Pour Eric Galam, le faible taux d’installation des médecins est en partie lié à leur internat. « Ils ne se précipitent pas pour s’installer comme s’ils étaient tétanisés par ce qu’ils viennent de vivre », décrypte-t-il. Certains au bout de longues années d’études décident même d’arrêter la médecine.

(Source Egora.fr)

Infirmiers épuisés = augmentation des maladies nosocomiales

Une étude américaine a examiné le ratio entre l’épuisement professionnel des infirmiers et le taux d’infections nosocomiales dans 161 hôpitaux de Pennsylvanie.

Chaque année, dans les hôpitaux de cet État, près de 7 millions de patients hospitalisés pour une maladie en contractent une autre au cours de leur hospitalisation.

Les chercheurs constatent dans cette étude que pour chaque patient supplémentaire attribué à un infirmier, une infection urinaire supplémentaire et une infection du site opératoire supplémentaire se produisent au sein de l’hôpital.

Une réduction de 10% des taux d’épuisement professionnel des infirmiers permettrait ainsi d’éviter environ 4.160 infections et sauver 41 millions de dollars chaque année dans le seul État de Pennsylvanie.

Les auteurs de l’étude encouragent donc les établissements de santé à améliorer la dotation en personnel infirmier des hôpitaux et à améliorer leur condition de travail afin de réduire leur épuisement professionnel. Une telle politique serait moins coûteuse que la prise en charge des infections directement liées à l’épuisement des personnels infirmiers.

Cette politique comptable des soins publics est directement responsable de cette aggravation de l’état de santé général d’une population.

Depuis plus de 25 ans, c’est ce "modèle" hospitalier que — gouvernement après gouvernement — on nous impose pas à pas au nom de la "maîtrise des coûts", du "management" et autres calembredaines qui font la fortune des "cost killers" et ruinent l’efficacité du service public de santé.


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