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par le Dr Raymond Vergès

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Pourquoi les Seychelles sont-elles indemnes ?

Paludisme

jeudi 7 juillet 2011


Les moustiques du nom d’anophèles, qui transmettent par leur piqûre le parasite responsable du paludisme, sont présents dans le monde entier. Seules cinq zones font exception : l’Antarctique et l’Islande, où il n’existe tout simplement pas de moustiques, la Nouvelle-Calédonie, les îles au milieu de l’océan Pacifique, comme la Polynésie française, et les Seychelles dans l’océan Indien.


Un environnement favorable

Le cas de ces dernières déconcerte les chercheurs depuis des décennies : tout semble se prêter à la présence d’anophèles dans l’archipel. D’ailleurs, la plupart des îles de la région, comme Madagascar, les Comores ou encore La Réunion, sont touchées par le fléau. De fait, les conditions sont favorables aux vecteurs : un climat tropical océanique, avec des températures comprises entre 24°C en juillet-août et 30°C en avril-mai. De plus, au regard de l’histoire des Seychelles, des anophèles endémiques auraient pu exister dans des temps géologiques. En effet, les îles granitiques du Nord-Est de l’archipel étaient autrefois rattachées au supercontinent appelé Gondwana, avant que la tectonique des plaques ne les sépare du reste de l’Afrique et de la péninsule Indienne, il y a 65 millions d’années.
Une absence d’autant plus troublante que les Seychelles sont reconnues mondialement comme un point chaud de biodiversité, avec un haut niveau d’endémisme.

Pas de mammifères, pas d’anophèles

Un chercheur de l’IRD (Institut de recherche pour le développement) et ses partenaires (1) viennent de lever en partie le voile sur cette énigme. Ils ont mis le doigt sur le point commun aux quelques zones épargnées dans le monde : l’absence de mammifères autochtones, hormis des chauves-souris. Les scientifiques en concluent que la présence d’anophèles dépend directement de celle de mammifères terrestres. Pour la première fois, ils montrent que les moustiques s’alimentent exclusivement de sang de mammifères : en l’absence de ces derniers, le vecteur du paludisme ne se tourne pas vers des sources de nourriture de substitution telles que les oiseaux, les reptiles ou les chauves-souris. Cette nouvelle observation pourra s’avérer importante en termes de contrôle de la transmission paludique.

Une partie du mystère demeure

Mais à la fin du XVIIIème siècle, le bétail, les chiens, les chats, les rats, les souris… sont arrivés avec l’Homme aux Seychelles. Depuis lors, les anophèles auraient pu conquérir l’archipel, tout comme d’autres moustiques du genre Aedes (2). Pourtant, sur les six îles passées au crible en décembre 2008, les chercheurs n’ont mis la main sur aucune larve, ni individu adulte d’anophèles, y compris sur les îles de Mahé, Praslin et La Digue, où vivent 99% de la population seychelloise. Malgré des trafics aérien et maritime soutenus en raison d’une forte activité touristique, avec plus de 150.000 touristes par an, le moustique n’a pas été importé. Mais comme le soulignent les chercheurs, les vols internationaux et les bateaux arrivent essentiellement d’Europe ou du Moyen-Orient, où le paludisme a été éradiqué. De plus, les autorités seychelloises ont mis en place des mesures draconiennes de prévention : pulvérisation systématique d’insecticide dans chaque cabine d’avion, inspection de chaque bateau en provenance de l’étranger, etc.

Dans l’Histoire, des anophèles ont bien été introduits aux Seychelles. Anopheles gambiae a en effet été importé en 1908 sur l’atoll corallien d’Aldabra, probablement par bateau depuis Madagascar. Mais l’espèce a disparu spontanément. Une seconde épidémie est survenue en 1930, également à Aldabra. Le dernier cas a été rapporté en 1931. Depuis, les Seychelles sont exemptes de malaria.
La difficulté des anophèles à se maintenir aux Seychelles serait due à la longue saison sèche dans les atolls coralliens, à l’Ouest de l’archipel, et à la topographie escarpée des îles granitiques au Nord-Est. Toutes deux empêchent en effet la reproduction des anophèles, dont les larves se développent dans des gîtes d’eau stagnante. Mais à Madagascar, comme le remarque cette étude, dans des sites aux conditions de topographie, d’altitude et d’écologie si miliaires, les anophèles sont présents. Les Seychelles ne seraient-elles qu’en sursis ? Les autorités doivent rester très vigilantes pour conserver leur archipel à l’écart de la pandémie mondiale, concluent les chercheurs.

Le paludisme est la première parasitose humaine par sa fréquence et sa gravité. Sur le continent africain notamment, il est une des premières causes de mortalité infantile. Outre les bénéfices en termes de santé publique, l’absence de la maladie aux Seychelles, cas unique en Afrique, est une aubaine pour le tourisme, une des premières activités économiques et le plus gros pourvoyeur d’emplois dans l’archipel.

(1) Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec des chercheurs de l’Island Conservation Society et du Ministère de la Santé seychellois, du Field Museum of Natural History à Chicago, aux Etats-Unis, et de l’association Vahatra à Madagascar.

(2) Les moustiques du genre Aedes qui véhiculent la dengue, le chikungunya et la fièvre jaune sont présents aux Seychelles.

(Source : Le courrier du Vietnam)


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