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par le Dr Raymond Vergès

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Human Rights Watch accuse la France de mauvais traitements à Calais

Des réfugiés victimes de pulvérisations de gaz poivre sans sommation par des policiers

jeudi 27 juillet 2017


La police française à Calais commet régulièrement des abus envers les demandeurs d’asile et autres migrants, a déclaré Human Rights Watch hier. Les autorités françaises restent sourdes aux multiples comptes-rendus sur ces abus.


Le rapport de 47 pages, intitulé « ‘C’est comme vivre en enfer’ : Abus policiers à Calais contre les migrants, enfants et adultes », montre que les forces de l’ordre à Calais, en particulier les Compagnies républicaines de sécurité (CRS), ont recours de façon routinière à la pulvérisation de gaz poivre sur des migrants, enfants et adultes, alors qu’ils sont endormis ou dans d’autres situations où ils ne représentent aucune menace. Les policiers aspergent aussi régulièrement de gaz, ou confisquent, leurs sacs de couchage, couvertures et vêtements. Parfois ils aspergent même de gaz poivre la nourriture et l’eau des migrants – tout cela apparemment dans le but de les pousser à quitter la région. De tels agissements de la part de la police violent l’interdiction d’infliger un traitement inhumain et dégradant, mais aussi les normes internationales de comportement des forces de l’ordre, qui appellent les agents à ne faire usage de la force que lorsque cela est inévitable, et alors uniquement avec modération, de façon proportionnée aux circonstances, et toujours dans un objectif légitime de maintien de l’ordre.

Grande précarité

Le rapport se base sur des entretiens effectués en juin et juillet 2017 avec plus de 60 demandeurs d’asile et autres migrants, dont 31 enfants non accompagnés, à Calais, à Dunkerque et aux alentours. Human Rights Watch a également rencontré le sous-préfet de Calais et le ministère de l’Intérieur à Paris, de nombreux avocats et travailleurs sociaux, ainsi que des employés et des bénévoles d’organisations non gouvernementales opérant à Calais.

Plus de 400 demandeurs d’asile et autres migrants, la plupart d’Érythrée, d’Éthiopie et d’Afghanistan, vivent dans les rues et les zones boisées de Calais et des alentours. Les enfants non accompagnés pourraient être jusqu’à 200. Par ailleurs, au moins 300 autres adultes et enfants de plusieurs nationalités, dont des Kurdes d’Irak et des Afghans, vivent dans des camps de migrants situés à Dunkerque, à Grande-Synthe et aux alentours, à l’est de Calais.

Le sous-préfet de Calais a catégoriquement nié les accusations d’abus policiers, les qualifiant de calomnies. Pourtant, les conclusions de Human Rights Watch se fondent sur les récits cohérents et détaillés que lui ont fait presque tous les demandeurs d’asile et migrants interrogés.

Human Rights Watch a également constaté que face au retour des migrants à Calais en nombre croissant, les autorités locales réagissaient en les empêchant d’accéder à la nourriture, à l’eau et aux autres produits de première nécessité. Or un tribunal a jugé en mars que ces efforts des autorités locales pour interdire les distributions humanitaires revenaient à infliger un traitement inhumain et dégradant. Le Défenseur des droits a lui aussi critiqué cette interdiction et les autres mesures prises par les autorités locales, en concluant qu’elles contribuaient aux « conditions de vie inhumaines » des demandeurs d’asile et des migrants présents à Calais.

Autorités complices de « conditions de vie inhumaines »

Un second jugement, rendu le 26 juin, ordonnait aux autorités de fournir aux migrants un accès à l’eau potable, à des latrines et à des installations pour se doucher et laver leurs vêtements, en leur accordant un délai de 10 jours pour s’y conformer. Les autorités ont fait appel de cette décision le 6 juillet. Dans le cadre de la procédure d’appel, une audience est prévue le 28 juillet.

Biniam T., 17 ans, a déclaré à Human Rights Watch : « S’ils nous trouvent quand nous dormons, ils nous aspergent de gaz puis ils prennent toutes nos affaires. Ils font ça tous les deux ou trois jours. Ils viennent et prennent nos couvertures. »

Des travailleurs humanitaires ont expliqué qu’une fois, des gendarmes armés de fusil les ont encerclés, et que de nombreuses fois, par d’autres méthodes musclées, les CRS ont empêché les migrants de s’approcher des travailleurs humanitaires et ont fait tomber la nourriture des mains de ces derniers.
Les autorités locales et nationales devraient ordonner immédiatement et sans équivoque aux forces de l’ordre de se conformer aux normes internationales sur l’usage de la force et de se garder de comportements entravant l’aide humanitaire – de tels comportements devant faire l’objet de mesures disciplinaires pour abus d’autorité ou autres fautes professionnelles, a déclaré Human Rights Watch. En particulier, les policiers devraient recevoir l’instruction de ne pas faire usage de gaz poivre sur les migrants dans toutes les situations où des moyens d’action non violents seraient tout aussi efficaces pour atteindre un objectif légitime.

Recommandations à la France

De plus, le ministère de l’Intérieur devrait lever de toute urgence les obstacles empêchant d’accéder aux services de protection des réfugiés, soit en mettant en place un guichet unique de demande d’asile à Calais, soit en facilitant le dépôt des demandes d’asile dans les guichets existants. Le ministère devrait aussi travailler en lien avec les agences et associations humanitaires appropriées afin de fournir dès que possible un hébergement à tous les demandeurs d’asile et d’organiser un accueil d’urgence pour tous les migrants sans papiers et sans abri à Calais.

Enfin, les autorités locales et nationales devraient garantir que les enfants migrants non accompagnés aient accès aux services de protection de l’enfance, notamment à des centres d’accueil dotés d’une capacité suffisante et d’un personnel adapté.

« Les autorités devraient envoyer un message clair pour signifier que le harcèlement policier, ou toute autre forme d’abus de pouvoir, ne sera pas toléré », a conclu Bénédicte Jeannerod. « Le gouvernement a le devoir de s’assurer que les migrants sont protégés et qu’ils ont la possibilité de demander l’asile s’ils le souhaitent. »


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