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17e jour de grève à Citroën-Réunion

Dialogue social bloqué avec la direction d’une filiale de Toyota Tsusho

mercredi 4 décembre 2013, par Manuel Marchal


C’était hier le 16e jour de grève à Citroën. La veille, des négociations avec la direction ont échoué. Ce blocage montre que le patronat n’hésite plus à miser sur l’usure pour tenter de faire plier les travailleurs. Cette méthode est facilitée par la délocalisation des responsabilités, car les véritables patrons de Citroën à La Réunion sont les Japonais de Toyota Tsusho.


Après avoir été une des entreprises réunionnaises les plus florissantes, Citroën Réunion a été acheté par la Compagnie française d’Afrique occidentale (CFAO) en janvier 2011. En décembre 2012, Toyota Tsusho concluait son OPA victorieuse sur CFAO. Depuis un an, le véritable propriétaire de Citroën Réunion est un des plus puissants fonds d’investissement japonais.
(photo Toniox)

Le 28 janvier 2011, la Compagnie française d’Afrique occidentale (CFAO) a racheté Foucque Automobile aux prises à de graves difficultés. Depuis cette date, la société qui importe Citroën à La Réunion n’est plus dirigée par des Réunionnais. Comme son nom l’indique, CFAO a été fondée par des capitalistes français qui ont profité de l’expansion coloniale de la France pour s’enrichir en Afrique de l’Ouest. C’est un groupe de distribution de produits manufacturés, et il a des filiales principalement dans les anciennes colonies françaises : Afrique de l’Ouest, Madagascar, et collectivités d’Outre-mer.

L’acheteur français racheté par des Japonais

Le rachat de Foucque Automobile par CFAO marquait une victoire symbolique du capitalisme français, qui arrivait à mettre la main sur un groupe réunionnais important. Via CMM, CFAO détenait désormais l’exclusivité de la distribution de Citroën, Ford, Toyota et Volvo.

Mais à peine 18 mois après cette prise de contrôle, la CFAO était la cible d’une OPA de Toyota Tsusho, un fonds d’investissement japonais. En quelques mois, les Français allaient plier face à la puissance des capitalistes japonais. En décembre 2012, Toyota Tsusho détenait 97% du capital, et 95% des droits de vote.

En moins de 2 ans, l’importateur Citroën est donc devenu la propriété d’un des plus importants fonds d’investissement japonais, présent dans 165 pays.

À La Réunion, quand le patron est Réunionnais, les conditions du dialogue social sont déjà difficiles, mais que dire quand la société n’est plus que la filiale d’un groupe japonais.

Plus de 16 jours de blocage

Cela faisait hier 16 jours que les travailleurs de Citroën étaient en grève. Ils sont soutenus par la CGT-CMR et dénoncent la répression visant plusieurs d’entre eux. Un salarié a été mis à pied, et lors d’une réunion de médiation lundi, les grévistes ont appris qu’un autre a été sanctionné.

Hier, la tension est montée devant la concession Toyota de la Technopole à Saint-Denis. C’est en effet là que les travailleurs de Citroën ont dressé un piquet de grève, en face des bureaux de la direction de CFAO-Réunion.

Pour se faire entendre, les grévistes ont mis en place un barrage filtrant, et brûlé plusieurs pneus. Après l’échec de la médiation de la veille à la Direction du travail, la situation était toujours bloquée.

La recolonisation économique

Ce pourrissement du conflit n’est pas sans rappeler les longues grèves de la STAR à Sainte-Marie, de Carrefour à Sainte-Suzanne, de la SERMAT au Port, ou d’Automobile Réunion. Toutes ces entreprises ont comme point commun d’appartenir à des groupes extérieurs. Ce qui signifie que les directions réunionnaises de ces entreprises doivent rendre compte à l’étranger avant de prendre des décisions importantes.

Peu à peu, les Réunionnais perdent le pouvoir de décider au sein des entreprises qui font des profits à La Réunion. C’est la conséquence de la faillite des capitalistes réunionnais qui n’ont pas su maintenir à La Réunion le centre des décisions de l’économie réunionnaise. C’est aussi la logique de l’intégration contre les initiatives visant à faire émerger une économie réunionnaise dirigée par des groupes ayant leur centre d’intérêt à La Réunion.

M.M.


Avec les groupes extérieurs à La Réunion

Des grèves toujours plus dures

Les dernières grandes grèves à La Réunion ont concerné des sociétés réunionnaises appartenant à des groupes extérieurs, sauf pour la CILAM, filiale de l’URCOOPA. À plusieurs reprises, la justice a été utilisée par les patrons pour tenter de casser la grève. Mis à part Citroën, les revendications portaient sur des augmentations de salaire d’au maximum 50 euros, soit l’équivalent de la prime COSPAR, ou la moitié du RSTA supprimé par le gouvernement.

Nom de la société à La RéunionVéritable patronDurée de la grève
STAR Sita France, filiale de Suez environnement (France) 11 jours
Carrefour Sainte-Suzanne Groupe Bernard Hayot (Martinique) 17 jours
SERMAT GIE ayant pour actionnaire des filiales de Bolloré, Groupe Georges Michel et SOMACOM. SERMAT est un sous-traitant d’une filiale de Kalmar (Finlande) 19 jours
CILAM Filiale de l’URCOOPA (La Réunion) 11 jours
SHLMR Groupe Solendi (France) et Caisse d’Epargne (France) 10 jours
Automobile Réunion (Renault) Groupe Bernard Hayot (Martinique) 13 jours
Citroën Réunion CFAO, filiale de Toyota Tshusho (Japon) 17 jours (en cours)
Conséquence encore plus grave de la mainmise des groupes extérieurs

Colgate-Palmolive veut fermer l’usine de la SIB


Avec l’usine de la Société industrielle de Bourbon, c’est un pas supplémentaire qui est franchi. L’usine est devenue une filiale du groupe Colgate-Palmolive. C’est un groupe dont le siège social se situe à New York, et qui a dans son Conseil d’administration des grands patrons américains, notamment un vice-président de Google.

Colgate-Palmolive a décidé qu’il fera plus de profit en vendant à La Réunion des marchandises fabriquées en France plutôt que celles produites dans notre île. Le groupe veut fermer l’usine, et propose aux travailleurs un reclassement dans son usine de Beauvais en France, à 10.000 kilomètres de là.

Pour le moment, aucun dialogue n’a permis d’obtenir la moindre inflexion du patronat. Les décisions se prennent à New York, pas à La Réunion. Il est donc nécessaire d’aller au plus haut niveau de l’État tout en organisant la mobilisation maximale à La Réunion.

C’est ce qu’a fait le PCR en demandant la venue du ministre au Redressement productif dans notre île, tandis que la Mairie du Port et la CGTR apportent leur soutien aux travailleurs.


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