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Au moins 343.000 Réunionnais dans la très grande pauvreté
Publication d’une enquête sur les revenus en 2010
jeudi 11 juillet 2013
L’Observatoire des prix et des revenus et l’INSEE ont présenté hier le résultat d’une enquête relative aux revenus à La Réunion. Au moment où l’arrêt des grands chantiers n’avait pas encore produit leur plein effet, plus de 343.000 Réunionnais vivaient sous le seuil de pauvreté, soit un taux de 42%. Ce taux atteignait 50% pour les enfants. Depuis 2010, le chômage s’est considérablement aggravé, ce qui fait craindre également une pauvreté bien plus importante qu’elle ne l’était en 2010.
Hier à la Préfecture, une réunion de l’Observatoire des prix et des revenus portait sur le rendu d’une étude sur les revenus faite par l’INSEE. Les données sources sont celles de 2010, date de la première année d’application du RSTA et du bonus COSPAR. L’INSEE note que ses deux dispositifs ont eu toute leur importance dans l’augmentation relative des Réunionnais aux revenus moyens, c’est-à-dire en dessous de 1,4 SMIC. C’est ce qui a permis à de nombreuses familles de sortir de la grande pauvreté.
C’est en effet la hausse des revenus des catégories intermédiaires qui explique une diminution du taux de pauvreté, passant de 46,5% en 2007 à 42% en 2010. Avec la suppression des 100 euros du RSTA, c’est le chemin inverse qui risque d’être accompli.
L’INSEE ajoute que « l ’effet de la crise est atténué à La Réunion jusqu’en 2010. Les transferts sociaux jouent leur rôle de stabilisateur automatique : en particulier les indemnisations chômage offrent un revenu de substitution temporaire pour les Réunionnais ayant perdu leur emploi. Ainsi, la crise n’a pas encore produit ses effets sur le niveau global des revenus. La grande pauvreté peut être approchée par le recours aux minima sociaux. À partir de 2011, le nombre d’allocataires des minima sociaux progresse fortement, avec l’arrivée de nombreux chômeurs en fin de droits » . Autrement dit, il faut s’attendre à une situation bien plus grave aujourd’hui.
Un véritable apartheid social
9 milliards de revenus nets d’impôts sont distribués à La Réunion, mais pas équitablement. Les minimas sociaux n’en représentent que 9%, ils font pourtant vivre une grande partie de la population, comme le rappelle l’INSEE : « d errière les 142.000 allocataires de minima sociaux sont concernées 270.000 personnes, si on ajoute les conjoints et ayants droit, soit un tiers de la population de La Réunion. Si leur montant est quasi stable depuis 2007, ils représentent 9% des revenus totaux. Pour les niveaux de vie les plus faibles (3 premiers déciles), leur part atteint 25% et même 38% pour le 1 er décile » .
La Réunion reste également un pays très inégalitaire. En moyenne, les 10% les plus riches ont 5 fois plus de revenus que les 10% les plus pauvres. En France, le rapport est de 3,5. Le revenu le plus bas de la catégorie des plus riches se situe au même niveau qu’en France. Cela permet de déduire que des membres de la classe moyenne en France font partie de la classe des 10% les plus riches à La Réunion, du fait de la perception d’une sur-rémunération de 53%. C’est la conséquence d’une décision de l’État. Voilà pourquoi les inégalités à La Réunion sont un véritable apartheid social.
Voici quelques données de cette enquête.
M.M.
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Taux de pauvreté selon la situation familiale | Personnes pauvres (milliers ) | Taux de pauvreté (%) | Niveau de vie médian | |
Ménage d’une seule | 27,4 | 44 | 1 050 | |
Ménages complexes | 7,2 | 32 | 1 200 | |
Familles monoparentales | 113,2 | 65 | 800 | |
Couple sans enfant | 23,9 | 25 | 1 550 | |
Couple avec enfant(s) | 171,8 | 37 | 1 150 | |
Ensemble | 343,5 | 42 | 1050 |
À La Réunion, 65% des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté.
Les inégalités
Revenu mensuel maximal pour les 10% les plus pauvres | Revenu mensuel médian : 50% des Réunionnais sont en dessous | Revenu mensuel minimal pour les 10% les plus riches | |
Personne seule | 540 | 1.070 | 2.720 |
Couple | |||
- sans enfants | 810 | 1.610 | 4.080 |
- avec un enfant | 980 | 1.930 | 4.900 |
- avec deux enfants | 1.140 | 2.250 | 5.720 |
Parent isolé | |||
- avec un enfant | 980 | 1.930 | 4.900 |
- avec deux enfants | 870 | 1.710 | 4.360 |
La lecture de ce tableau permet de constater qu’à La Réunion, les agents titulaires de la fonction publique de catégorie A font quasiment tous partie des 10% les plus riches. En France, les mêmes agents font partie de la classe moyenne.
Le communiqué de l’INSEE
« En 2010, le niveau de vie médian des Réunionnais est de 1.070 euros par mois. Ce montant partage la population en deux parts égales, la moitié des Réunionnais ayant un niveau de vie inférieur à ce seuil. C’est 10,9% de plus qu’en 2007 en euros constants, c’est-à-dire une fois neutralisés les effets de l’inflation. Entre 2007 et 2010, malgré la crise, les revenus distribués aux ménages progressent en euros constants de 8,3% (+ 689 millions euros). Cette augmentation est beaucoup plus forte que la croissance démographique (3,3%).
Le niveau de vie progresse entre 2007 et 2010 pour 9 Réunionnais sur 10
L’augmentation profite à l’ensemble des ménages, sauf aux 10% les plus aisés. Les ménages aux revenus intermédiaires sont ceux qui profitent le plus de cette hausse, en particulier via la hausse des revenus salariaux et l’instauration du RSTA (Revenu Supplémentaire Temporaire d’Activité). Entre le quatrième et le septième décile, la hausse des revenus dépasse 9%.
Pour les ménages les plus défavorisés les revenus d’activité reculent mais sont compensés par une hausse des prestations chômage et des retraites. Les hauts déciles, ménages les plus favorisés, sont ceux qui progressent le moins. Le revenu disponible des 10% des ménages les plus aisés diminue même de 4,8% en euros constants.
Les salaires contribuent le plus à l’élévation des niveaux de vie
Ce sont les salaires qui contribuent le plus à l’augmentation des revenus entre 2007 et 2010. Ils expliquent 32% de la hausse du revenu disponible. La masse salariale totale progresse davantage que l’inflation (+ 4,3% en euros constants), tandis que l’emploi salarié se maintient globalement sur la période. La forte progression du salaire dans le revenu disponible des ménages réunionnais est renforcée par l’instauration du RSTA en 2009. Celui-ci contribue à hauteur de 14% à la hausse des revenus.
Les allocations chômage explosent, les retraites continuent de monter en charge
Les allocations chômage ont fortement augmenté (+ 70% en euros constants) : 42.600 chômeurs sont indemnisés en 2010, soit 16.000 de plus qu’en 2007. Ces indemnisations participent pour 25% à l’augmentation du revenu disponible total. Les revenus versés par les différents régimes de retraites sont en constante augmentation depuis une décennie et pèsent pour 21% dans l’augmentation totale des revenus sur la période.
Le taux de pauvreté recule
Sur la même période, en France métropolitaine, le niveau de vie médian augmente plus modérément : + 2,7% en euros constants tout comme le seuil de pauvreté qui s’établit à 935 euros par mois en 2010. Est considérée en situation de pauvreté, toute personne dont le niveau de vie est inférieur à ce seuil. Le taux de pauvreté atteint 42% en 2010 à La Réunion en recul de 4,5 points par rapport à 2007. La baisse du taux de pauvreté résulte de la croissance rapide des revenus intermédiaires à La Réunion, revenus qui se situent à proximité du seuil de pauvreté.
Les enfants et les familles monoparentales sont les plus vulnérables
En 2010, 343.000 personnes vivent à La Réunion sous le seuil de pauvreté. Parmi elles, la moitié vit avec moins de 690 euros par mois, un niveau de vie très éloigné de ce seuil.
Les familles monoparentales sont les plus touchées. Près des deux tiers sont concernés par la pauvreté. Viennent ensuite les personnes seules, pauvres à 44%, et les couples avec enfants (37%).
Les enfants sont particulièrement concernés par la pauvreté à La Réunion. Un enfant sur deux, soit 128.000 enfants vivent au-dessous du seuil de pauvreté. La situation des parents sur le marché du travail influe fortement : lorsque aucun parent ne dispose d’un emploi neuf enfants sur dix sont en situation de pauvreté. »
Taux de pauvreté : 42% en 2010
« Le taux de pauvreté à La Réunion atteint 42% en 2010. Une personne habitant à La Réunion a 4,6 fois plus de risque d’être en situation de pauvreté qu’une personne habitant en France métropolitaine. Le seuil de pauvreté est de 935 euros mensuels (hors revenus financiers non imposables). Est considérée en situation de pauvreté, toute personne dont le niveau de vie est inférieur à ce seuil. Le taux de pauvreté recule de 4,5 points par rapport à 2007.
Le seuil de pauvreté est calculé à partir du niveau de vie médian de France métropolitaine qui n’a progressé que de 2,7% en trois ans contre 10,9% à La Réunion. La baisse du taux de pauvreté résulte ainsi de la croissance rapide des revenus intermédiaires à La Réunion, revenus qui se situent à proximité du seuil de pauvreté. »
Situation plus grave aujourd’hui qu’en 2010
Le chômage est lié à la pauvreté. Depuis 2010, date des données de l’étude, il a augmenté de manière importante :
- Décembre 2010 :
116.360 travailleurs privés d’emploi et 142.542 inscrits à Pôle emploi
- Mai 2013 :
135.340 travailleurs privés d’emploi, et 166.920 inscrits à Pôle emploi
La situation s’est donc aggravée
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