Témoignages - Journal fondé le 5 mai 1944
par le Dr Raymond Vergès

Cliquez et soutenez la candidature des Chagossiens au Prix Nobel de la Paix

Accueil > Social > Luttes sociales

La lutte contre la pauvreté au cœur d’un projet partagé par les Réunionnais

Rapport du Conseil économique social environnemental régional « Regard sur la pauvreté » à La Réunion

samedi 2 décembre 2017, par Manuel Marchal


Le CESER tenait hier à la Région la dernière séance plénière de sa mandature. Parmi les dossiers à l’ordre du jour, les conseillers ont adopté un rapport de la Commission Affaires sociales, culturelles, sportives, Solidarité et Égalité des chances sur la pauvreté à La Réunion. Georges-Marie Lépinay a présenté ce rapport. L’analyse dans ce document fait apparaître des convergences avec celles et ceux qui pensent que la sortie de crise se situe dans l’application par les Réunionnais d’un projet partagé le plus consensuel possible. Le CESER rappelle que la lutte contre la pauvreté doit être au cœur de ce projet réunionnais.


Photo Toniox.

En 2013, l’INSEE publiait une étude intitulée « Une situation hors-normes ». Sur la base des indicateurs sociaux de notre île, il ressortait que La Réunion était un département socialement hors-normes. En octobre 2013, la Direction de la jeunesse et des sports établissait un diagnostice territorial faisant état des domaines de pauvreté par politique publique. Ces deux documents sont le point de départ du travail de la Commission Affaires sociales, culturelles, sportives, Solidarité et Égalité des chances du CESER. Elle a présenté hier le résultat, un rapport intitulé « Regards sur la pauvreté ». Le texte du CESER dresse un état des lieux puis fait 12 propositions d’action.

Selon les critères de l’INSEE, 40 % des Réunionnais vivent en dessous du seuil de pauvreté. C’est l’équivalent des quartiers les plus touchés par ce phénomène en France. La principale raison est le manque d’emploi. De plus, 4 villes Réunionnais font partie des 6 communes ayant la plus forte proportion de pauvre parmi les 100 communes les plus peuplées de la République.

Mal-logement et illettrisme

La première conséquence de cette situation est la difficulté à se loger. De nombreuses familles n’ont pas la possibilité d’habiter dans un foyer où le loyer est adapté à leur capacité de payer. Ceci a pour résultat le maintien à La Réunion de nombreux logements insalubres. Au 1er janvier 2017, 20.000 personnes étaient sur la liste d’attente pour bénéficier d’un logement social alors que le rythme de production est jugé insuffisant. Il a permis jusqu’à présent d’arriver à 70.444 logements sociaux.

La seconde se répercute sur la santé en raison d’une plus grande difficulté d’accéder aux soins. Cela pousse de nombreuses personnes à renoncer à se soigner pour des raisons financières. Et un mauvais état de santé est un obstacle pour sortir de la pauvreté.

La Commission du CESER met également en évidence des effets sur les 118.000 enfants qui vivent dans une famille pauvre. Ils ne disposent pas à la maison des mêmes moyens pour réussir que leurs camarades. Le CESER constate également que l’illettrisme se maintient à un niveau élevé. Il touche 116.000 personnes et constitue un obstacle à l’acquisition de qualifications ce qui fait de lui « un obstacle difficile à surmonter dans la lutte contre la pauvreté ». Pour le CESER, l’acquisition de la lecture et de l’écriture à la fin du cycle élémentaire pour tous les Réunionnais est une priorité. Cela suppose une rénovation pédagogique, s’appuyant notamment sur « une école plus coopérative » intégrée dans son quartier, le développement des activités périscolaires. De plus, la lutte contre le décrochage scolaire doit s’intensifier. Car la pauvreté fait des ravages parmi les jeunes qui ne sont pas diplômés.

Personnes âgées et petite enfance

Outre les jeunes, les personnes âgées sont une partie de la population très gravement touchée. 42 % vivent sous le seuil de pauvreté. C’est le résultat d’une vie active marquée par la précarité qui n’a pas permis de cotiser suffisamment pour avoir une retraite suffisamment élevée. Aussi le CESER met-il en garde contre la sous-estimation du vieillissement de la population. Si rien ne change, la proportion de pauvres parmi les retraités continuera de s’accroître.

À l’autre bout de la pyramides des âges, le CESER constate également « une prise en charge de la petite enfance insuffisante ». Le taux de couverture des structures d’accueil est de 25 %, contre 56 % pour la France et les DOM réunis. D’où l’importance d’investir dans la formation de personnes susceptibles de répondre à ces besoins, et d’augmenter de manière importante les recrutements dans ce secteur.

Tous les facteurs énumérés ci-dessus peuvent se combiner, note le CESER, ce qui entretient un « cycle infernal de la pauvreté ».

Réponses insuffisantes

Du côté des politiques publiques, leur rôle à La Réunion consiste à atténuer les effets de la pauvreté. Pour cela, des mesures de redistribution sont prises par l’intermédiaires de diverses allocations versées par la CAF. Fin 2016, plus de 235.000 personnes étaient couvertes par un minima social, cela fait pas loin d’un Réunionnais sur trois. Au total, les prestations de la CAF représentent 1,9 milliards d’euros par an, dont plusieurs sont gérées par le Conseil départemental. Ceci met cette collectivité en difficulté, car les compensations versées par l’État au titre de la décentralisation ne suivent pas le rythme des dépenses. Le CESER note également le travail important des associations, tout en déplorant qu’elles ne soient pas assez soutenues par les pouvoirs publics. Enfin, « l’aide d’urgence » s’avère plus que jamais nécessaire : en 2016, 80.000 personnes ont eu droit à une aide alimentaire.

Le CESER souligne aussi les limites du Plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. « Les réponses apportées ne sont pas suffisantes par rapport à l’ampleur et à la durabilité du phénomène de pauvreté à La Réunion puisqu’elles n’ont pas produit les effets escomptés pour inverser la tendance ».

« Si le manque d’emplois et le mal-emploi sont les causes principales de la pauvreté à La Réunion », précise le rapport du CESER, « la création d’emplois, de qualité et rémunérés correctement, se retrouve donc logiquement à la racine de la résolution de ce problème systémique ». Le CESER plaide pour des politiques liées entre elles dans les domaines de l’emploi, des transports et de la garde d’enfants

« Projet de société, collectif et partagé »

L’assemblée met aussi en évidence le rôle du projet de société : « Ainsi, l’importance de la pauvreté à la Réunion représente un véritable défi à relever, mais celui-ci n’est pas uniquement d’ordre social ou économique. C’est avant tout un enjeu sociétal d’ordre public. L’amélioration durable des conditions de vie des Réunionnais en situation de pauvreté se réalisera donc grâce à la définition d’un projet de société, collectif et partagé ». Et de poursuivre : « ce projet de société, collectif et partagé, pour le développement de la Réunion doit réunir un large consensus à la Réunion, auprès des Réunionnais, mais aussi au sein des décideurs politiques. L’adhésion des composantes politiques doit se faire au-delà de tout clivage, afin de lui permettre de s’appuyer sur des choix concertés, partagés et cohérents. Cela lui conférera une légitimité nécessaire dans le cadre des discussions avec l’État ».

En conclusion de son analyse, le CESER note que « des outils sont aujourd’hui proposés pour donner un cadre aux discussions et aux ambitions : les Assises de l’Outre-mer et les plans de convergence de la loi égalité réelle. Mais sommes-nous prêts et assez mûrs ? ».

Le CESER montre ainsi des convergences avec d’autres analyses, notamment du PCR, qui appellent les Réunionnais à construire ensemble un projet et à en faire la base des poliliques publiques menées à La Réunion. Un projet fait par les Réunionnais, pour les Réunionnais et appliqué par les Réunionnais. Le rapport voté hier par le CESER insiste sur l’importance de faire de la lutte contre la pauvreté un des piliers de ce projet réunionnais. C’est une question de justice et de cohésion, car le développement de La Réunion ne pourra pas se faire s’il exclut dès le départ 40 % de la population. Les Assises des Outre-mer ouvrent bien une fenêtre de tir pour se faire entendre, à condition d’être unis sur l’essentiel.

M.M.


Un message, un commentaire ?

signaler contenu


Facebook Twitter Linkedin Google plus