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Rentrée scolaire : nous avons suffisamment de diplômés réunionnais pour pourvoir les postes

Recrutement des professeurs des écoles

jeudi 13 août 2009, par Geoffroy Géraud-Legros


Le débat ouvert par l’UNEF a révélé que plus de 158 postes de professeurs des écoles seront à la rentrée pourvus par des titulaires issus d’autres Académies, alors qu’environ 120 postes seulement son ouverts au concours à La Réunion. Si cette solution du recours à la mutation d’enseignants venus d’autres Académies a pu être justifiée par le passé, elle n’est plus du tout adaptée à la réalité réunionnaise contemporaine. Alors que la nécessité de changements structurels est prise en compte au plus haut niveau de la République, l’Académie semble inerte face à la nécessité de réformer radicalement un système obsolète.


Le statut colonial réservait l’école à une élite. Son abolition, par la loi du 19 Mars 1946, a ouvert à tous les Réunionnais le droit à l’instruction publique, laïque et gratuite.
Cette transformation décisive n’allait pas de soi, dans une île frappée par un dénuement extrême, où une population pauvre et victime de l’analphabétisme se débattait dans des conditions sanitaires très difficiles.
Les besoins en enseignants étaient alors immenses, et ne pouvaient alors être satisfaits par le seul biais du recrutement local. Dans ce contexte, le développement de l’éducation obligatoire nécessitait l’affectation dans notre île de personnels issus d’autres Académies – La Réunion se trouvant alors elle-même dans le Rectorat de l’Académie d’Aix-Marseille. Il faut se rappeler que notre île n’était pas, alors, la destination attrayante qu’elle est devenue aujourd’hui : l’éloignement, la longue durée du voyage en bateau, le sous-développement rendaient au contraire nécessaire une prime d’intéressement pour stimuler les candidatures.
Parallèlement, l’Administration réagissait à l’urgence de la situation en élaborant un système de formation et de recrutement d’instituteurs locaux. Un cursus fut ainsi ouvert dès la classe de troisième, qui permettait aux jeunes "élèves-maîtres" d’acquérir une formation d’instituteur tout en suivant les cours de 2nde, de 1e et de Terminale.
Cette formation, dont chacun s’accorde aujourd’hui à reconnaître les effets positifs, a forgé toute une génération de maîtres Réunionnais issue des classes populaires, qui a ainsi favorisé le développement et la cohésion de la société réunionnaise.

Une révolution scolaire

En 1946, La Réunion ne possédait qu’un seul lycée. S’il a fallu plus de vingt ans pour qu’un second établissement de ce type voie le jour sur la commune de Saint-Denis, la décennie 1970, puis, à la suite de la décentralisation, les années 1980, ont vu un développement sans précédent de l’outil éducatif. Dotée de sa propre Académie depuis le 14 Novembre 1984, La Réunion compte désormais 43 lycées ; la Région Réunion bâtit en moyenne deux lycées tous les trois ans.
Plus 7.000 bâcheliers sont issus chaque année de ces établissements. Parallèlement, l’Université de La Réunion a elle aussi connu un essor considérable, assurant l’accès aux diplômes d’un nombre croissant de jeunes Réunionnais.
Depuis l’enclenchement du processus de décolonisation, l’école des Réunionnais a connu des transformations immenses.
Parti d’une situation proche de l’abandon il y a quelques décennies, notre pays est aujourd’hui l’une des collectivités de la République et de l’Union européenne où l’éducation fait l’objet des investissements les plus considérables. Ce formidable développement a profondément changé la physionomie et les attentes de notre jeunesse, qui compte désormais dans ses rangs un nombre accru de jeunes diplômés.
Pourtant, si les diplômes demeurent le passeport indispensable vers l’emploi, les diplômés sont eux aussi frappés par le chômage. Selon le sociologue Laurent Médéa (1), 12.000 Réunionnais parvenus niveau Bac+3 ne trouvent pas de travail ; 8.OOO détenteurs d’une licence sont dans la même situation. On compte même 132 docteurs parmi les demandeurs d’emploi !
La révolution scolaire a donc produit de nouvelles contradictions. Celles-ci doivent nécessairement être intégrées à une réflexion sur l’organisation, le recrutement et la formation des maîtres à La Réunion. En effet, comment accepter que perdurent les restrictions aux débouchés des jeunes diplômés réunionnais, alors qu’aucune contrainte structurelle ne justifie le recours à des personnels d’autres Académies ?

Rompre avec l’archaïsme

La profonde crise qui a secoué les Outre-mers a porté un éclairage brutal sur la survivance de nombreux archaïsmes, notamment dans le fonctionnement des institutions ; elle a aussi montré que les populations, et en premier lieu la jeunesse, ne supportaient plus les injustices structurelles qu’elles continuaient de subir.
De nombreux signes montrent que cette problématique s’est imposée au plus haut niveau, et que les préventions et les réticences envers le recrutement local des agents de la fonction publique aux postes d’encadrement, s’étaient largement estompées. Le temps semble donc être venu de poser les bases d’une réflexion apaisée et pragmatique, en vue d’assurer aux ultramarins un accès entier aux responsabilités dans leurs régions.
Ce changement de perspective et d’agenda paraît pour l’heure avoir échappé à l’Académie de La Réunion, qui fait preuve d’une passivité et d’un immobilisme alarmants.
Dans un contexte marqué par le chômage croissant des jeunes diplômés, ne pourrait-on attendre des autorités compétentes qu’elles anticipent la réflexion sur les solutions qui doivent être apportées d’urgence, à un système de recrutement devenu obsolète ?
Par le passé, les institutions avaient su répondre à l’urgence et offrir des filières de formation aux Réunionnais.
Pourquoi, aujourd’hui, le Rectorat ne s’engage-t-il pas résolument dans une démarche visant à établir des projections pour les années à venir, à évaluer le nombre de postes nécessaires ? N’est-il pas temps d’engager une véritable réflexion portant sur le nombre de postes à ouvrir aux concours dans l’Académie de La Réunion, afin d’assurer à nos jeunes un accès pleinement ouvert aux postes de professeur des écoles ?
La question est désormais posée, dans la perspective des Etats-Généraux et du bilan auquel ils donneront lieu.

Geoffroy Géraud

(1) Voir "Témoignages" du lundi 23 Février 2009.


Identifier les besoins pour employer des réunionnais : l’exemple du Tram-train.

Comme hier la Route des Tamarins, le chantier du Tram-train va employer une large majorité de Réunionnais. 6.000 postes seront à pourvoir.
En amont de ce résultat, une série d’initiatives qui a mobilisé tous les partenaires, et l’usage d’une méthode prospective permettant d’anticiper, de définir et de situer précisément les besoins.
En juillet 2007, la Région et l’Etat ont signé une lettre de mission confiant ce travail d’identification au CARIF OREF et à l’ANPE : il s’agit d’organiser la formation de celles et ceux qui construiront des ouvrages nécessitant des compétences nouvelles à La Réunion. Cette démarche, qui a fait ses preuves, ne pourrait-elle pas inspirer la nécessaire réforme du recrutement des professeurs des écoles ?


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