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250 millions d’euros de plus pour la route la plus chère du monde

Les Réunionnais contraints de payer les inévitables surcoûts d’un projet pharaonique

jeudi 15 juin 2017, par Manuel Marchal


En pleine campagne des élections législatives, la Région Réunion se prépare à adopter une rallonge budgétaire de 250 millions d’euros pour la route la plus chère du monde. En effet, la route en mer connaît son premier dérapage budgétaire. Compte-tenu de la nature du projet, ce ne sera pas le dernier. Les Réunionnais seront donc mis à contribution.


Depuis plusieurs jours, il est question d’une rallonge budgétaire de 250 millions d’euros pour le chantier de la route en mer. En effet, comme cela avait été annoncé par l’Alliance dès 2010, la Région Réunion ne peut pas respecter l’enveloppe prévue qui s’élève tout de même à 1,6 milliard d’euros, et qui fait de la route en mer, dite nouvelle route du littoral (NRL), la route la plus chère du monde selon France 2.

Si cette affaire arrive au niveau des élus, cela trouve son explication dans un fait très simple : le dépassement des crédits est pris en charge par la Région Réunion, ce qui a donc un impact sur les finances des Réunionnais.

L’équivalent du Boulevard Sud

Cette somme de 250 millions d’euros mérite qu’on s’y attarde. Avec un tel budget, la Région dirigée alors par Paul Vergès avait réalisé le Boulevard Sud de Saint-Denis, avec des ouvrages tels que le pont de la Rivière des Pluies qui intégrait l’emprise du tram-train, la tranchée couverte ou le rond-point de Gillot. Avec 250 millions d’euros, la Région Réunion aurait aussi les moyens de construire 10 lycées, avec le complément habituel des fonds européens pour une telle action. 250 millions d’euros, c’est aussi l’équivalent de 9 années de subvention pour la filière canne-sucre pour qu’elle puisse faire face à la fin du quota sucrier. Enfin, 250 millions d’euros, c’était près de la moitié du budget initial de la route des Tamarins.

Cette somme vise donc à faire face aux aléas d’un chantier que les Réunionnais n’ont pas choisi, mais dont ils vont devoir financer une poursuite toute aussi aléatoire. En effet, l’idée de construire une troisième route du littoral remonte à l’époque où l’État était le propriétaire des routes nationales et prenaient donc les décisions à ce sujet. L’acte 2 de la décentralisation voté en 2003 prévoyait de transférer cette compétence à la Région Réunion. Paul Vergès ne voulait pas que les Réunionnais héritent d’une situation désastreuse sur ce point. En effet, la route du littoral est impossible à sécuriser, tout comme la RN5 qui dessert Cilaos.

Conséquence des régionales de 2010

La fermeté de Paul Vergès a alors obligé l’État à conditionner ce transfert à une importante contribution de la France à des crédits d’investissements pour La Réunion. Cela s’est concrétiser par le Protocole de Matignon signé en janvier 2007. Il prévoyait au total 3 milliards d’euros de financements croisés de la Région et de l’État, dans des projets susceptibles de créer des dizaines de milliers d’emplois. C’était l’assurance vie de l’économie réunionnaise au moment où le monde allait plonger dans la crise des subprimes et ses conséquences.

L’État devait donc contribuer financièrement à la construction du tram-train, tandis que la Région Réunion faisait de même pour la réalisation d’une nouvelle route du littoral qui devait remplacer l’actuelle. Les routes nationales étant alors encore sous la compétence de l’État, ce sont donc ses services qui ont choisi un tracé s’éloignant de la falaise mixant des tunnels, des viaducs et des digues, plutôt qu’une route passant par les hauts ou intégralement en tunnel. Ce choix s’était fait sur la base du projet le moins coûteux à réaliser, à hauteur d’un investissement de 930 millions d’euros. L’État était le financeur majoritaire. Les deux partenaires avaient prévu dès le départ les surcoûts liés aux inévitables aléas d’un chantier qui devait se terminer en 2017. La prise en charge des dépassements devaient alors se faire en proportion de la contribution initiale de chaque institution. Autrement dit, l’État devait prendre en charge la majorité des surcoûts.

Mais l’accord signé par Didier Robert et François Fillon après le changement de majorité régionale a tout remis en cause. Le tram-train et la nouvelle route du littoral ont été supprimés, remplacés par une route en mer à six voies. L’accord ne disait rien de la prise en charge des inévitables dépassements. La réponse est donc maintenant connue, elle est très claire : la Région Réunion devra payer.

Et ce n’est qu’un début…

L’état actuel du chantier montre qu’il est loin d’être terminé, il n’en est qu’à son début. 7 ans après l’élection de Didier Robert, un échangeur relié à aucune route a été inauguré, les premières piles du viaduc sont posées, et les matériaux destinés à la construction de la digue en pleine mer n’ont pas encore été trouvés. Sur la base de ces piètres avancées, le dépassement est donc déjà de 250 millions d’euros. Ce sera loin d’être le dernier, d’autant plus que le financement initial n’a pas prévu l’indispensable raccordement de l’éventuelle future route au réseau actuel.

Le calendrier choisi pour faire passer l’addition n’est d’ailleurs pas innocent, c’est le moment de la campagne des élections législatives.

Il est encore temps de stopper cet investissement hasardeux qui s’oppose aux orientations actées dans l’Accord de Paris sur le climat. C’est une question de protection des deniers publics. Car la route en mer apparaît véritablement pour ce qu’elle est en réalité : un gouffre financier qui profite aux multinationales du BTP.

M.M.


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