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Vente de biens de la reine Ranavalona III aux enchères au Royaume-Uni

mercredi 9 décembre 2020, par Mathieu Raffini


Nous avons appris lundi la vente de biens précieux ayant appartenu à la reine Ranavalona III aux enchères au Royaume-Uni. Ces enchères reposent toute la question de l’appropriation de trésors nationaux par des puissances extérieures, en l’occurrence le Royaume-Uni.


Les biens patrimoniaux mis en vente correspondent à des objets considérés comme intestinaux par les défenseurs du patrimoine national, tel que la vente d’une robe en velours ayant appartenu à la princesse Ramisandraraza, ancienne conseillère politique de la reine.
Plus largement, c’est l’idée même que des biens devant appartenir à la nation soient vendus qui révulse le peuple malgache.
En effet, le fait de vendre ces biens montre un scandale qui devrait être international :
De quel droit le Royaume-Uni, comme toute puissance coloniale par ailleurs, se permet-il de vendre des biens appartenant aux Malgaches au reste du monde sur la base d’une simple vente aux enchères ?
Cela pose la question de la réappropriation des biens volés par l’Etat malgache, comme plus largement par l’ensemble des Etats colonisés.
En effet, bien que la question de la rétrocession des biens de la reine Ranavalona III soit centrale, notamment car il s’agit de biens historiques pour la nation et que l’on voit bien l’intérêt de la population pour le rapatriement, en témoigne l’accueil du retour de la couronne du Rova Mandjakamiadana le mois dernier, cette affaire montre le mépris des puissances occidentales envers les éléments de souveraineté nationale qu’ils se sont accaparés par les conquètes coloniales.

Ces biens de la reine Ranavalona III sont un très bon exemple de ce mépris : qu’est-ce qui empêchait, fondamentalement, le Royaume-Uni, ou même la France en tant que potentielle acheteuse de décider de rendre ces biens au peule dont ils dépendent, à savoir le peuple malgache ?
Le fait même que ces objets soient en vente pose problème :
En effet, aurait-on imaginé une seule seconde que des biens ayant appartenu, par exemple à la Reine Victoria pour le Royaume-Uni ou à Louis XIV, pour ne parler que de royauté, soient vendus aux enchères par une famille malgache ?
Cela n’aurait pas pu avoir lieu, car il y aurait eu consensus sur la nécessité de traiter ces biens comme étant à valeur patrimoniale, et ils auraient sans doute été classés comme faisant partie du patrimoine matériel de l’Etat, si ce n’est de l’Humanité.
Nous arrivons là à la question de l’appropriation culturelle d’une nation impérialiste par rapport à une autre.
En effet dans le cadre de cette nation, un Etat impérialiste, et donc fondamentalement colonial va s’emparer d’éléments culturels d’un Etat afin d’enrichir son propre fonds culturel, alimentant ainsi sa vision d’universalisme culturel.
Cela est notamment criant sur la question du Quai Branly par exemple, où des milliers d’œuvres ont été volées à d’autres Etats colonisés, notamment en Afrique sous couvert d’une ouverture culturelle de la France.
Et, in fine, c’est exactement le même schéma qui se reproduit au Royaume-Uni : un Etat organise, certes via un groupement privé, mais organise tout de même la vente d’œuvres volées lors de la colonisation à d’autres personnes sur des bases de pseudo ouverture au monde.
Pour autant, ce modèle colonial d’appropriation culturelle connait des failles, en témoigne la mobilisation d’ Emery Mwazulu Diyabanza, militant malien pour le retour de biens volés au Mali étant exposés au Quai Branly qui a cherché à restituer à cet Etat par la récupération directe des œuvres volées en juin par exemple.

Partant du constat de cette appropriation culturelle, certes venant du privé mais dépendant fondamentalement du Royaume-Uni car c’est l’Etat qui peut décider ou non de la mise en vente, et c’est pourquoi nous revendiquons, pour nos frères et sœurs malgaches le retour pur et simple de l’ensemble des biens leur appartenant ayant été capturés par les puissances coloniales, et ce sans aucune condition. Ces biens appartiennent au peuple malgache, c’est à lui et à lui seul de décider de ce qu’il souhaite en faire.

Mathieu Raffini


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