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par le Dr Raymond Vergès

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Les attaques de requins sont un sujet suffisamment grave pour qu’elles ne soient pas instrumentalisées pour des raisons qui relèvent de la légèreté d’un irresponsable…

lundi 10 octobre 2011

Notre actualité — et on peut penser que rien ne changera pendant quelque temps encore — est dominée par cette succession de drames dont notre océan et nos côtes ont été le théâtre ces derniers temps. De cette actualité, de toute évidence, découle la grave question que chacun d’entre nous est amené à se poser : que faire pour que les activités de toutes natures que les hommes, pour des raisons professionnelles ou de loisirs, ont l’habitude de pratiquer en mer ne soient pas dangereuses jusqu’à leur coûter la vie ? A cause, bien sûr, des requins, pour ce qui est des surfeurs. Mais aussi à cause d’une tempête qui surprend des pêcheurs que l’on sait pourtant rodés et chevronnés.

Que, dans ces situations que notre île a connues ces derniers jours, celles et ceux qui sont les plus proches des victimes puissent être sujets à des débordements parce qu’ils sont sous le coup d’une émotion difficilement contrôlable, cela peut se comprendre. Par exemple, on peut comprendre que, dans un geste qui emprunte à la foule le caractère irréfléchi de certains de ses mouvements d’ensemble, des amis de Mathieu Schiller aient agressé verbalement la députée-maire de Saint-Paul parce que cette dernière nous rappelait à tous une évidence pourtant élémentaire pour nous qui avons grandi entourés d’un océan souvent agité, une évidence que nos parents nous ont toujours apprise : la mer n’est pas un terrain de jeu sans danger. On peut comprendre, sans toutefois l’excuser, ce genre de réactions. Parce que nous savons que, dans de telles situations, certains ont tendance à désigner les élus et autres responsables des Affaires publiques, qui sont « à portée de gifles », comme étant les premiers responsables des malheurs qui les frappent, de près ou de loin. C’est peut-être humain. Mais ce n’est pas juste. Et on peut penser que le rappel par certains journalistes, il y a quelque temps pas si lointain, des mots du père d’un jeune champion happé quelque part dans le monde par un squale, quelques heures seulement après le drame qui le touchait — (« mon fils savait qu’en prenant la mer et ses vagues, il prenait un énorme risque, celui de perdre la vie dans ces conditions… ») — a sans doute contribué à ramener du raisonnement là où la colère avait pris le dessus. Mais, répétons-le, cela peut se comprendre quand le choc est là, poignant, insupportable, insoutenable. Cela, oui. Mais…

Mais que, bien des jours plus tard, dans les couloirs de l’Assemblée nationale à Paris, là où circulent et travaillent des élus du peuple, il se soit trouvé un Éric Raoult, député UMP de Seine-Saint-Denis, pour évoquer la situation réunionnaise au lendemain de ces dramatiques événements et pour s’amuser — il n’y a pas d’autre mot — en lançant, dans le cadre d’une question écrite à la ministre de l’Outre-mer, que « les déclarations assez catégoriques et intempestives d’une collègue communiste sur son pays politisent un dossier qui ne l’est pas, mais qui ressort vraisemblablement d’une modification de l’attitude de ces requins », voilà qui relève plus de l’arrogance stupide que d’une émotion spontanée. D’autant que, pour ce grand et gros monsieur et ancien ministre, pour régler le difficile problème que connaît notre île, son préfet et un certain nombre de ses élus, il suffirait, « au regard de la peur suscitée dans la population, de mener une action forte de battue contre les requins mangeurs d’hommes ».

On croit rêver. Heureusement, les annales de l’Assemblée nationale conservent comme il se doit ce genre de petitesse d’esprit et de comportement. Comme elles feront entendre la réplique d’Huguette Bello qui invitait tout le monde, là-bas, à prendre ce problème avec suffisamment de hauteur et qui rappelait que « les attaques de requins sont un sujet suffisamment grave pour qu’elles ne soient pas instrumentalisées à des fins personnelles ». Ni, ajouterions-nous, pour des raisons qui relèvent de la légèreté d’un irresponsable. Fut-il député…

Sans transition, posons-nous maintenant une fort innocente question : pourquoi donc Monsieur le Président du Conseil régional de La Réunion vient-il de valider de la manière la plus définitive qui soit la justesse du projet de tram-train, projet qu’il s’était, au lendemain de son élection en mars 2010, empressé de jeter en pâture à l’opinion et dont il avait demandé et obtenu du gouvernement et de Monsieur Sarkozy l’annulation ? Oui, pourquoi donc le SAR (Schéma d’aménagement régional), dont nous savons tous qu’il vaut obligation pour les collectivités sur toutes les initiatives qu’elles auront à prendre en matière de voies de circulations, de zones de logements et de services ou de développement économique, oui, pourquoi donc le SAR, dans sa toute nouvelle version mise en ligne sur le site de la Région Réunion ces jours derniers, invite-t-il les collectivités concernées à « réserver dans leurs documents d’urbanisme » le foncier nécessaire à la réalisation d’un « réseau régional de transport guidé » , autrement dit « un réseau ferré » , et cela, sur le trajet allant de Saint-Benoit à Saint-Joseph ? Comme avant.

A question innocente, réponse évidente et vérifiée : il se trouve dans l’équipe de Monsieur Didier Robert des hommes et des femmes, pas beaucoup certes, et dont, sans doute, le nombre se trouve plus proche de la colonne du singulier que de celle du pluriel, qui ne désirent pas que leur nom soit retenu dans l’Histoire comme celui d’élus régionaux qui auront plongé notre île dans un chaos irréversible : l’asphyxie de son économie par un réseau de circulation saturé, bloqué, source de conflits sans solution et de mort de notre développement.

Bien sûr, il leur a été demandé à ces élus, qui essayent de penser à demain, de ne rien faire paraître, et encore moins de paraître, ni même de revendiquer quoi que ce soit.

J’ai une sacrée envie de vous inviter à faire comme si de rien n’était. L’essentiel n’est-il pas que la vérité et la justesse de la vision d’avenir qu’est le tram-train finissent par l’emporter, malgré l’obscurantisme d’un petit chef et de sa petite équipe ? Et que l’Histoire, celle qui s’écrit avec un “H” majuscule, associe à sa réalisation ceux et celles qui, à leur tour, auront rejoint les initiateurs du bon projet pour notre île, voilà qui ne peut que nous réjouir tous.

Raymond Lauret


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