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par le Dr Raymond Vergès

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Des réponses qui tombent à côté

Le gouvernement interpellé par les parlementaires des DOM

samedi 24 juillet 2004


Jeudi, au premier jour des débats sur le projet de loi de transfert des compétences, les parlementaires de l’Outre-mer ont exigé des réponses claires de la part du gouvernement sur les conditions d’application de la loi de décentralisation. Les réponses de celui-ci d’une part, tombent “à côté” des problèmes soulevés, et d’autre part, sont l’aveu d’un début de désengagement...


Dans la soirée de jeudi à l’Assemblée nationale, Huguette Bello, puis Victorin Lurel, député socialiste et président de la Région Guadeloupe, ont à nouveau rappelé la situation que connaissent les régions d’outre-mer, les défis auxquels elles sont confrontées, et les conséquences pour elles d’un placage pur et simple des dispositions prévues pour les régions de France métropolitaine.
Victorin Lurel a rappelé les préoccupations des quatre présidents de Région d’outre-mer, exprimées dans leur déclaration commune remise au Premier ministre : difficultés économiques et sociales, retards structurels en matière d’équipements de personnels dans les services publics, taux de chômage très élevé, forte dynamique démographique. "Or, aucun de ces paramètres n’est pris en considération dans le projet. De ce fait, le mécanisme proposé pour compenser les transferts est inopérant dans nos régions... En l’état, le projet qui nous est soumis aujourd’hui fait courir le risque d’obérer durablement les capacités de développement de nos territoires... C’est pourquoi nous avons demandé qu’un audit soit réalisé par les services de l’État en concertation avec les collectivités considérées".
Et de rappeler cette autre demande formulée par les quatre présidents des ROM : "Conformément aux possibilités offertes par l’article 73 de la Constitution - dont le Gouvernement s’est engagé, le 22 juin, à nous faire bénéficier -, l’application de la loi aux régions d’outre-mer [doit être] différée aussi longtemps que le rattrapage des retards n’aura pas eu lieu et que les moyens financiers correspondants n’auront pas été définis".
Il illustre son propos par la "disposition que le Sénat a adopté l’article 128 de ce projet, différant les transferts des TOS pour l’outre-mer tant que les effectifs n’auront pas été rééquilibrés". Petite phrase qui, au passage, a provoqué une protestation de Pascal Clément, président UMP de la Commission des lois...
Il enfonce le clou : "L’économie générale de la réforme étant inadaptée à l’outre-mer, nous demanderons au Gouvernement de traduire dans ce texte ses engagements et de différer effectivement l’entrée en vigueur de la loi dans nos régions tant que les demandes d’habilitation n’auront pas été transmises au Parlement..." Avant de conclure d’une part sur la question de la continuité territoriale et d’autre part, sur les problèmes spécifiques à la Guadeloupe.

La position du gouvernement

o Une application de plein droit de l’intégralité de la loi
Dans sa réponse, Jean-François Copé, ministre délégué à l’Intérieur, expliquait que les collectivités d’outre-mer sont soumises "à un double principe" : d’une part leur "appartenance pleine et entière à la collectivité nationale" et d’autre part, "leur éloignement de la métropole" qui "suppose des organisations adaptées à celui-ci et à l’insularité. Il ne faut donc pas se tromper de sujet : si la Constitution prévoit bien que les DOM peuvent bénéficier “d’adaptations” législatives, elle dispose aussi que “les lois et règlements y sont applicables de plein droit”. Dans ces conditions, la décentralisation, qui est un principe de l’action publique, s’applique aussi dans les DOM !".

o La suppression de l’article 128 sur le transfert des TOS
Cela s’applique donc pour les TOS. Le ministre précise : "les procédures d’affectation des personnels sont les mêmes dans les DOM qu’en métropole", "les éventuels écarts constatés ne relèvent pas d’un traitement différent. En conséquence, je ne peux qu’être défavorable aux dispositions de l’article 128 introduites au Sénat à l’initiative de M. Virapoullé, et j’en proposerai la suppression d’autant que je les crois inconstitutionnelles".

o Des “prévisions” de dotation
Sur le financement des transferts de compétences, le ministre a évoqué l’existence d’un "problème spécifique aux DOM puisque la taxe spéciale sur les produits pétroliers est une ressource déjà affectée aux Conseils régionaux". D’où sa “proposition” : "Comme pour le RMI, dont le paiement est remboursé aux départements par une dotation spéciale votée en loi de finances, des dotations spécifiques seront prévues pour qu’il n’y ait pas de perte en ligne".

o Renvoi à la loi Girardin
Sur les difficultés rencontrées par les régions d’outre-mer, en raison de leurs "retards structurels en matière d’équipements et de personnels, de services publics et en raison de l’importance du chômage", tout en "déplorant cette situation", le ministre rappelait que "les contraintes économiques spécifiques aux régions d’outre-mer sont prises en compte dans des lois relatives à l’outre-mer", notamment la loi Girardin qui aurait, selon lui, "rénové le régime de la défiscalisation des investissements et mis en œuvre des exonérations spécifiques pour favoriser l’emploi". Il devait reprendre les chiffres donnés par Brigitte Girardin sur le chômage : baisse de "7% et même de 19% pour les jeunes", un "remarquable résultat" "à mettre au crédit du dynamisme des acteurs économiques locaux, mais aussi peut-être de la politique courageuse de ce gouvernement..."

o Renvoi à la loi sur l’octroi de mer
Jean-François Copé évoquait ensuite la loi relative au nouvel octroi de mer, qui, d’après lui, "garantit aux régions et communes des départements d’outre-mer des ressources fiscales importantes", et ce pendant 10 ans et qui "représente une recette annuelle de 750 millions".

o Renvoi à l’Europe
Le ministre rappelait que les régions d’outre-mer "sont éligibles à l’objectif 1 qui concerne les régions “en retard de développement” et bénéficient à ce titre de 3,3 milliards de fonds structurels européens pour la période 2000-2006". Il soulignait aussi qu’il fallait tenir compte des "effets péréquateurs par nature des contrats de plan".

o Renvoi à une commission d’évaluation
Même attitude face aux inquiétudes soulevées par le fait que les moyens financiers pour le transfert de compétences ne seront pas à la hauteur de la situation de l’outre-mer. Pour le ministre, la loi organique d’autonomie financière des collectivités locales "établit, pour l’ensemble des régions de France, des transferts à l’euro près dans le cadre de procédures extrêmement transparentes et de niveau constitutionnel. Par ailleurs, une commission d’évaluation des charges fera un travail très sérieux afin que tout ce qui est dû aux différentes collectivités leur soit versé par l’État".

o Renvoi aux... lois de décentralisation !
Le ministre rajoute que, "chaque fois que des contraintes et caractéristiques particulières aux régions d’outre-mer sont identifiées, elles sont prises en compte par la loi relative aux responsabilités locales". Exemple : les transferts en matière de routes privilégient la région outre-mer en lieu et place du département en métropole...
Quant au fait que le projet de loi organique sur les finances locales n’apporte aucune réponse sur les rattrapages, compensations et rééquilibrages, pour le ministre, c’est normal : "En effet, il n’appartient pas à la loi organique d’apporter des réponses sur des politiques nationales de péréquation".

o Renvoi de la notion de développement
Sur le fait que les présidents des quatre régions considèrent, à juste raison, que "ce texte va obérer durablement leur capacité de développement et que la loi consacre donc un “divorce regrettable entre décentralisation et développement”", le ministre répond : "C’est tout à fait le contraire puisque la décentralisation vous permet à vous, élus locaux, de gérer mieux les affaires locales, au plus près des citoyens et d’être beaucoup plus efficaces dans toutes les actions de développement".

o Et refus total de la demande d’expertise
Quant à la demande des présidents des ROM adressée au Premier ministre, d’engager une "démarche appropriée à la prise en compte de votre situation spécifique" et leur souhait de voir se mettre en place "une expertise permettant d’évaluer les retards en équipements, en infrastructures, en moyens humains et les besoins découlant de la progression démographique", pour le ministre, elle est nulle et non avenue : "Comme ce fut le cas avec les lois Defferre, la décentralisation se fait à un moment donné et elle assure le transfert en fonction des critères arrêtés à une date fixe. Vouloir effectuer des transferts en fonction de critères imprécis et évolutifs la rendrait complètement inapplicable".

Dossier : Dominique Besson


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