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La cohésion du peuple réunionnais menacée par ceux qui ont affaibli le PCR

Eviter à tout prix que la montée de l’extrême droite à La Réunion ne puisse s’implanter durablement

mercredi 26 avril 2017, par Manuel Marchal


En cherchant à affaiblir le PCR plutôt que de se préoccuper de répondre aux attentes de la population, les responsables du vote Le Pen à La Réunion ont joué avec le feu. Ils mettent en danger la cohésion du peuple réunionnais. En effet, des victimes du système stigmatisent les immigrés les plus pauvres, ceux qui viennent des États voisins ruinés par l’exploitation coloniale de pays européens. Le PCR était un rempart à la domination de tels sentiments, car il avait réussi à construire une conscience de l’existence d’un peuple réunionnais, composé de descendants d’immigrés.


« Nous Réunionnais, nous descendons d’Africains venus d’Afrique. Nous descendons d’Indiens venus de l’Inde. Nous descendons de Malgaches venus de Madagascar. Nous descendons de Chinois venus de Chine. Nous descendons aussi de Français venus de France. Mais qu’ils n’essaient pas de nous faire choisir dans nos ancêtres car nous sommes aussi fiers de ceux venus d’Afrique ou de l’Inde, comme ceux venus de France. Oui nous sommes des Réunionnais, descendants de blancs, de noirs, de Malgaches et d’Indiens. Nous sommes dans notre pays, nous sommes fiers de notre qualité de Réunionnaiset nous exigerons que notre dignité soit respectée dans notre pays ».

Cet extrait du discours de Paul Vergès conclut le film Sucre Amer sorti en 1963. Il rappelle un acquis considérable des luttes de Paul Vergès et de son parti, le PCR : la prise de conscience qu’il existe un peuple réunionnais. Un peuple qui se constitue à partir des apports des immigrés qui n’ont cessé de venir à La Réunion depuis le début de son peuplement voici 350 ans.

Avant le PCR : une société cloisonnée

Cette prise de conscience n’allait pas de soi. À l’époque du régime colonial, la société était plus cloisonnée qu’aujourd’hui. Les nouveaux arrivants étaient également la cible du racisme. Cela concernait notamment les immigrants venus d’Inde et de Chine. Quant à ceux qui venaient de Madagascar, ils étaient tout aussi déconsidérés, car la classe dominante à La Réunion avait organisé la colonisation de Madagascar, ce qui suppose que pour elle, les Malgaches étaient des sous-hommes.

C’est dans ce contexte que le mérite des communistes a été tout d’abord d’unir la population sur la base de revendications sociales. C’était la lutte derrière le mot d’ordre de Réunion département français. Elle s’appuyait sur une classe ouvrière très nombreuse, allant des dockers aux journaliers agricoles en passant par les cheminots et les ouvriers d’usine. Cette union sur le social faisait passer au second plan les revendications identitaires.

La conscience réunionnaise née grâce au PCR

Puis la création du Parti communiste réunionnais amena ensuite à la prise de conscience que tous ces descendants d’immigrés d’origine diverses qui vivaient à La Réunion était des membres d’un seul peuple. C’est ce qu’a rappelé Elie Hoarau, président du PCR, lors des obsèques de Paul Vergès le 15 novembre 2016 au Port :

« Je retiendrai d’abord de son action le fait qu’il ait été le premier à donner une conscience réunionnaise aux habitants de cette île.

Ces habitants venus de tous les coins du monde, soumis pendant des siècles à l’esclavage, à l’engagisme, à la répression coloniale ne savaient plus qui ils étaient. Paul Vergès a été le premier à leur dire « vous êtes Réunionnais et soyez fiers de l’être sans renier les origines de vos ancêtres ».

Cette déclaration de Paul Vergès a été l’acte fondateur de l’unité du peuple Réunionnais.

Tout le temps, y compris lors de la constitution du Parti Communiste Réunionnais, Paul Vergès a œuvré au rassemblement des Réunionnais et des Réunionnaises. Cette volonté de rassembler a permis d’apaiser le climat de guerre civile qui régnait tant au Conseil Général qu’au Conseil Régional que dans les mairies ».

Tous des immigrés

Le peuple réunionnais a une singularité, il est composé uniquement des descendants d’immigrés. Cela signifie que tous les membres de ce peuple ont au moins un ancêtre qui s’est trouvé dans la situation des immigrés qui arrivent à La Réunion aujourd’hui. Il a fallu qu’il s’intègre dans une société nouvelle pour lui, dans des conditions difficiles car la violence découlant de la situation économique a toujours été présente à La Réunion. À l’esclavage a succédé l’exploitation capitaliste dans les usines de la période coloniale, puis le chômage de masse.

Le mérite du PCR a été de faciliter cette intégration en orientant le débat sur deux fronts. Il cherche à rassembler la population sur des luttes qui concernent toute la population. C’est ce combat que poursuit aujourd’hui le Parti communiste réunionnais en menant la bataille pour la responsabilité. Le PCR œuvre également à rappeler constamment que les habitants de notre île constituent le peuple réunionnais, dont la caractéristique principale est que tous ces membres sont ou descendent d’immigrés. Cela amène donc à ne regarder personne comme un étranger.

La traduction politique de ce travail du PCR a été les scores très bas de l’extrême droite à La Réunion. Le Front national n’arrivait pas à importer dans notre île sa progression en France. En 2002, quand son candidat est arrivé en seconde position au premier tour de la présidentielle, son résultat était faible à La Réunion : moins de 4 %. À l’annonce de la présence d’un candidat d’extrême droite au second tour, une forte mobilisation s’était mise en route. Ce mouvement unanime avait abouti à l’écrasement de Le Pen.

Glissement vers le vote d’extrême droite

Témoignages d’hier a montré la responsabilité de ceux qui ont affaibli le PCR dans le score de l’extrême droite dimanche : Marine Le Pen a même obtenu à La Réunion un pourcentage plus important qu’en France. Une grande partie du vote protestataire contre le système a glissé vers l’extrême droite alors qu’auparavant, le PCR était un rempart à ce phénomène. Le risque est de voir cette protestation se transformer en adhésion. En effet, des victimes du système stigmatisent les immigrés les plus pauvres, ceux qui viennent des États voisins ruinés par l’exploitation coloniale de pays européens. Si le Front national arrive à s’organiser à La Réunion, la cohésion du peuple réunionnais est menacée car son idéologie repose justement sur la division.

En cherchant à affaiblir le PCR plutôt que de se préoccuper de répondre aux attentes de la population, les responsables du vote Le Pen à La Réunion ont joué avec le feu. Ils mettent en danger la cohésion du peuple réunionnais. Des dizaines d’années de combats sont remises en cause.

M.M.


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