10 décembre 1967 à Saint-André : la démocratie a la sauce coloniale dans toute sa splendeur
Hommage demain à 10 heures au cimetière du centre-ville
samedi 9 décembre 2017, par
Depuis quelques jours, les lecteurs du site de “Témoignages” ont été alertés sur la commémoration de la date du 10 décembre 1967 à Saint-André. 50 ans ! Que s’est-il donc passé il y a 50 ans à Saint-André, pour que les militants saint-andréens du PCR se manifestent chaque année, régulièrement, à cette date ?
Notre camarade, Paul Dennemont, l’a rappelé tous ces derniers jours avec clarté et sobriété : le 10 décembre 1967 a été l’illustration chimiquement pure de la pratique de la démocratie coloniale et tropicale selon les recettes éprouvées de ce bon Monsieur Michel Debré. En toute bonne démocratie revue à la sauce coloniale, chaque élection se devait de proposer aux suffrages des électeurs réunionnais le choix entre un candidat “national”, fût-il un voleur patenté, dûment consacré par l’intervention officielle et préfectorale sur les ondes radio-télévisées, et un méchant candidat communiste - séparatiste, comme savait si bien le débiter, sans la moindre contradiction possible, cet autre illustre militant du pluralisme audio-visuel, Monsieur Jean Vincent-Dolor.
Journée de violences
Le 10 décembre I967, après l’échec dans des conditions très significatives des pratiques de l’époque, le 24 septembre 1967, de la tentative de maintenir, envers et contre tout, l’ancien édile, « Gros-Jean » Ramassamy, l’administration préfectorale revint à la charge, abandonnant l’ancien, trop compromis par ses pratiques d’utilisation de nervis familiaux, pour se rabattre sur le nouveau chouchou de la cause “nationale”, le Docteur Dubard. Et, comme en face se dressait la menace ’ séparatiste ’, incarnée par Paul Vergès, tous les moyens furent bons : menaces, pressions puis expulsion des mandataires de la liste communiste, comme nous l’a maintes fois raconté notre regretté camarade Adrien Larivière, dès le milieu de la matinée du 10 décembre. Plusieurs militants furent poursuivis et frappés, comme Clovis Janac ; mais le plus dramatique se produisit, lorsqu’un groupe de nervis dits “nationaux“- qu’ est-ce que l’on n’a pas fait dans les plis du drapeau tricolore !! - avisa Edouard Savigny, modeste journalier agricole qui avait eu, selon eux, « le tort » de prêter sa cour pour une réunion avec Paul Vergès. Rapidement rattrapé, il fut roué de coups à l’angle de la rue du Cimetière, s’écroula, puis fut transporté dans des conditions innommables jusqu’à sa modeste case de la Cité des Figues, à Mille-Roches, où il s’éteignit dans la soirée.
Impunité des coupables
Ce qui est aussi remarquable, c’est que, ainsi que nous l’avions montré il y a déjà plusieurs années, la presse de l’époque, à l’exception de “Témoignages“, ne vit rien ; la “Justice“, pas grand-chose, prononçant en 1968, à l’égard des auteurs de l’agression meurtrière contre Edouard Savigny, des peines d’une scandaleuse indulgence.
C’est à ce souvenir, dont certains se montrent aujourd’hui bien oublieux, que la section de Saint-André du PCR invite, en ce 10 décembre 2017.
Jean-Paul Ciret