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Enfants de la Creuse : épisode le plus extrême du BUMIDOM

Comment Paris gérait la démographie de La Réunion

mardi 10 avril 2018, par Manuel Marchal


Le 19 mars 1946, La Réunion n’est plus une colonie. Les luttes des progressistes de La Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane avaient permis d’obtenir la création du statut de département pour sortir de la colonisation.


En 1968, Témoignages révélait le scandale d’Etat.

C’était une revendication portée par le mouvement syndical. À La Réunion, ces syndicats avaient construit une organisation politique, le CRADS, qui rassemblait au-delà de l’électorat dit de gauche. Cela avait donné à ce rassemblement une large victoire dans toutes les élections qui ont suivi la Seconde guerre mondiale.

L’objectif du département était de faire bénéficier à tous les Réunionnais des conquêtes sociales obtenues par le Front populaire et l’application du programme du Conseil National de la Résistance. Cela signifiait notamment la Sécurité sociale. Du jour au lendemain, il était possible pour les Réunionnais de se soigner gratuitement. C’était une révolution dans un des pays qui avait à l’époque une des espérances de vie les plus faibles au monde, et un taux de mortalité infantile de plus de 180 pour 1.000. Les pères de ce nouveau statut comptaient également sur l’abolition du statut colonial pour remettre en cause la structure de la société coloniale. Elle était marquée par de très fortes inégalités, et la domination d’une aristocratie du sucre qui s’enrichissait grâce à l’exploitation de tout un peuple.

L’arrivée de la Sécurité sociale allait entraîner le début d’une période dénommée transition démographique. C’est une époque durant laquelle le taux de natalité reste aussi important qu’avant, alors que le taux de mortalité diminue. La conséquence est un accroissement rapide et durable de la population.

L’Europe avait déjà connu cette période. La question démographique fut réglée par la création de colonies de peuplement dans les Amériques et en Australie. Ainsi, les États-Unis étaient un pays composé majoritairement d’Européens qui ont quasiment exterminés les peuples déjà présents sur ce territoire.

À La Réunion, la transition démographique commença à faire pleinement effet à partir des années 1960. Plutôt que d’accompagner ce phénomène en développant La Réunion pour que ces nouveaux jeunes puissent y avoir un travail et un avenir, les gouvernements de l’époque ont imposé une politique opposée. Il s’agissait de vider La Réunion de sa jeunesse pour l’envoyer en France en tant que main d’oeuvre immigrée destinée à occuper les emplois que les autochtones avaient du mal à pourvoir. Ce projet avait aussi pour but de faire taire les luttes en déplaçant en France la frange la plus dynamique du mouvement social, qui était susceptible d’être conquise par les idées du PCR.

Pour cela, la France créa le BUMIDOM. Chaque année, des milliers de jeunes partaient.

Mais Michel Debré, alors député de La Réunion et membre du gouvernement, voyait un autre rôle à cette immigration : aider la France à régler son problème démographique. Car les campagnes se dépeuplaient. D’où l’idée d’enlever des enfants à leur famille à La Réunion, pour qu’ils soient ensuite envoyés dans des départements ruraux. C’est de ce crime dont il est question aujourd’hui.

M.M.


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