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Coup d’arrêt au chantier de la route en mer dite NRL de La Réunion

Travaux de la digue suspendus faute de matériaux

mercredi 24 août 2016, par Manuel Marchal


Hier en conférence de presse, le secrétaire général de la CGTR-BTP a annoncé l’arrêt du chantier de la digue de la route en mer, dite NRL, à cause d’un problème d’approvisionnement en matériaux. Les promoteurs de l’ouvrage sont dans l’attente de l’ouverture de nouvelles carrières à La Réunion. Le chantier de la route de Didier Robert a été lancé sans que les matériaux nécessaires à son achèvement ne soient garantis. Ce qui devait donc arriver arriva. Le scandale de la NRL s’amplifie encore.


Le manque de matériaux oblige à suspendre les travaux de la digue de la route de Didier Robert. Comment réagiront les transporteurs, qui ont investi dans de coûteux camions pour ce projet, en apprenant la nouvelle ?

Un nouveau scandale frappe le chantier de la route en mer, dite NRL. Il a fait l’objet hier matin d’une conférence de presse de la CGTR-BTP. Le syndicat constate l’arrêt des travaux entre La Grande Chaloupe et La Possession faute d’approvisionnement en matériaux. Voici ce qu’a dit en substance aux journalistes Jacky Balmine, secrétaire général du syndicat : « Ils attendent l’ouverture d’une carrière à Bois-Blanc pour la digue qui va de la Grande Chaloupe à La Possession. On a des gens qui vont être licenciés, qui sont licenciés d’abord aujourd’hui, des élingueurs, peut être même des conducteurs d’engin, il y en a qui sont arrêtés aujourd’hui. On veut savoir ce que vont devenir ces gens là. Quelle garantie avons-nous demain si le chantier reprend, s’il reprend parce qu’à mon avis c’est mal parti. Dans le meilleur des cas avec l’enquête publique on entend parler pour la carrière de fin 2017 début 2018. Le chantier c’est aujourd’hui, les gens vont faire quoi ? »

La vérité éclate

À la catastrophe environnementale s’ajoute donc la catastrophe sociale. La route en mer est donc un fiasco qui coûte cher aux Réunionnais. Présentée comme une nouvelle route du littoral, NRL, c’est en réalité une autoroute à 6 voies au large des côtes et donc dans l’océan Indien. Pour donner satisfaction aux camionneurs, la Région Réunion a choisi de faire construire des digues sur une grande partie des 12 kilomètres de route en mer. Cela nécessite donc un volume considérable de matériaux. À cet endroit, le littoral réunionnais est dominé par une falaise ce qui signifie que les fonds sont profonds tout de suite. Il faut donc suffisamment de galets pour faire surface et en plus construire une plate-forme plus élevée que la route du littoral actuelle.

Dès le départ, ce projet faisait l’objet d’importantes critiques sur ce point. Car dans l’état actuel des carrières, La Réunion ne suffit pas à elle seule pour alimenter le chantier. C’est pourquoi différents expédiants ont été utilisés pour faire avancer coûte que coûte la route de Didier Robert. Des tonnes de galets ont été extraits des bordures des champs de canne alors que ces pierres peuvent constituer un moyen de lutter contre l’érosion.

L’État a donné son accord à cette fuite en avant. Il a autorisé des dérogations à la protection de l’environnement pour le démarrage du chantier. Il est également allé contre l’avis unanime du Conseil national de la protection de la nature qui a désapprouvé le projet de la Région Réunion. Enfin, il a mis en place un nouveau plan départemental des carrières pour tenter d’apporter à la route en mer les matériaux dont elle manque cruellement. C’est de cet entêtement que vient le projet de la carrière de Bois-Blanc.

La carrière de Bois-Blanc ne passera pas

Dernier espoir des promoteurs de la route en mer, la carrière de Bois-Blanc fait l’objet d’une vive opposition. À l’annonce du projet, les trois maires des communes concernées sont allées dans le sens de l’opinion. L’enquête publique a débouché sur un avis défavorable. Ce projet est aussi à l’origine de la plus grande manifestation organisée contre un chantier à La Réunion : plusieurs milliers de personnes avaient fait une chaîne humaine pour s’opposer à une carrière de 50 hectares, profondes de plusieurs dizaines de mètres et qui prévoit des trous près de la route des Tamarins. Puis, le maire de Saint-Leu a organisé une consultation qui a débouché sur une large victoire des opposants à la carrière, à plus de 80 % des suffrages exprimés. Du coup, les partisans de la route en mer ont relancé une seconde enquête publique.

Invité lundi dernier par Réunion Première, Didier Robert, président de la Région Réunion, a affirmé qu’il refusait de consulter les Réunionnais sur les projets d’ouverture de nouvelles carrières. C’est un choix qui montre bien qu’il a peur du verdict des urnes sur ce sujet. C’est l’aveu d’une défaite prévisible.

Madagascar, les viaducs ou la raison ?

Que faire pour continuer ? Peut-on faire venir la totalité des matériaux manquants de Madagascar ? Le Quotidien avait estimé que pareille éventualité allait prolonger le chantier d’une vingtaine d’années. Il est clair que d’ici là, la montée du niveau de la mer amènera à réviser tous les calculs et donc à alourdir une note déjà excessive pour les Réunionnais.

Remplacer les digues par des viaducs ? Cela ne manquerait pas de mettre en colère les transporteurs qui ont soutenu Didier Robert en croyant à ses promesses lors de la dernière campagne des élections régionales. Cela mettrait aussi en difficulté en pleine année électorale les présidents de la Chambre de commerce et de la Chambre des métiers qui sont conseillers régionaux de la majorité régionale et qui ont justifié leur choix par le fait que le président de Région serait un grand entrepreneur et un créateur d’emplois à La Réunion.

La solution viaducs nécessite en effet beaucoup moins de travailleurs, et en plus elle oblige à recourir à des compétences qui sont très rares pour ne pas dire introuvables à La Réunion. En effet, quelle société réunionnaise est capable de monter les piles et le tablier d’un viaduc en plein océan Indien ?

Enfin, cette solution est une redéfinition du projet. Cela signifie de repasser par la phase de l’enquête publique, puis par celle de l’attribution des marchés, tout en sachant que ce type d’ouvrage d’art est bien plus onéreux qu’une digue. Dans cette période d’austérité budgétaire, il va sans dire que l’État et surtout l’Europe ne manqueront pas de rediscuter de leur soutien financier à ce projet pharaonique qui verra alors son coût exploser encore plus fortement qu’aujourd’hui. À ces aléas temporels et financiers s’ajoutent l’enquête menées sur l’attribution des marchés par le Parquet national, et l’intérêt de l’Office européen de lutte contre les fraudes au sujet de l’utilisation des fonds européens dans ce chantier. Autant de déboires qui auraient pu être évités si ce chantier avait bénéficié d’une mission d’expertise économique et financière demandée par l’Alliance et toujours refusée par la Région Réunion et le gouvernement.

L’heure du train est arrivée

Le chantier de la route en mer est donc dans une impasse. Plus que jamais, un retour à la raison s’impose. Alors que Didier Robert, Huguette Bello et Gilbert Annette soutiennent un projet manifestement lancé avec légèreté, l’urgence est de remettre les choses à plat. D’autres priorités existent à La Réunion. C’est notamment le cas du chemin de fer. À la différence de la route Didier Robert, pas besoin d’aller sur la mer. Asphyxiés par l’arrivée chaque année de plus de 20.000 voitures neuves par an, les Réunionnais ont besoin d’un moyen de transport moderne, pas cher et écologique. L’heure de la relance du train est venue.

M.M.


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