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Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de la Santé

Dr Philippe de Chazournes, président de Médocéan

vendredi 3 février 2006


Voici une lettre du docteur Philippe de Chazournes, président de Médocéan, adressée au ministre de la Santé, Xavier Bertrand.


"Je vous remercie de nous avoir reçu il y a quelques jours à la préfecture, lors de votre passage à La Réunion concernant cette épidémie de chikungunya. Je ne reviendrai pas sur les causes et les dysfonctionnements majeurs qui ont fait que celle-ci se développe sur l’île ; il faut penser à l’avenir... en tenant compte néanmoins que d’autres dysfonctionnements dans le système de soins actuels existent et qui pourraient à leur tour être dommageables pour la santé de nos patients. Ces dysfonctionnements avaient justement été mis en avant dans un travail de Médocéan au premier semestre 2005 ayant concerné généralistes, spécialistes, pharmaciens, infirmiers et qui a malheureusement été abandonné faute de financement jugé utile par la Caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, via les Fonds d’aide à la qualité des soins de ville (qui, non utilisés, sont donc repartis en métropole), sous prétexte de l’application de votre nouvelle reforme qui a certainement des points positifs (... et aussi négatifs ?!), mais qui surtout n’éliminera pas tous les dysfonctionnements actuels... et ils sont nombreux.
L’association Médocéan, qui prône la qualité en santé depuis plusieurs années, a déjà publié un certain nombre d’articles dans des revues nationales et internationales notamment dans la “Revue du Praticien” en décembre dernier sur une meilleure prise en charge des patients insuffisants rénaux grâce à la visite de pairs (visite de médecins à des médecins). Médocéan a aussi organisé avec très peu de moyens financiers et logistiques un grand séminaire patients/professionnels le 27 novembre 2004, rassemblant plus de 150 personnes : spécialistes, généralistes, infirmiers, diététiciens, et surtout patients pour échanger sur le diabète : “du diabète à la dialyse... arèt èk sa !”. Ce séminaire, unique dans son genre, a été cité en exemple en Métropole dans les plus hautes autorités de la santé ; il a été magnifiquement ignoré par la plupart de nos instances locales... Ce sont de tels échanges issus du terrain, entre professionnels entre eux et entre professionnels et patients qui sont fructueux et constructifs.
Nous avons besoin d’avoir des outils performants afin de pouvoir faire descendre et remonter les informations ; ces outils ne passent pas forcément pas Internet !! (“trop d’informations tue l’information”). Un des meilleurs modes de communication est l’information directe auprès des différents acteurs (professionnels et patients) et les reminders, c’est-à-dire les rappels (de nombreuses études l’ont démontré). Il faut donc accentuer ces rencontres afin d’être plus réactifs en cas de problème sanitaire majeur ; cela permettrait aussi aux professionnels de ne plus être seulement informés que par les médias !!
Monsieur le Ministre, peut-être tiendrez-vous compte de nos propositions d’études sur le terrain concernant la pertinence et la validité des traitements, en commençant par une étude cas/témoin (vu l’urgence), puis des études de cohortes (étant donné la pérennité probable de la maladie). En interrogeant les patients suivant un protocole d’étude rigoureux aussi bien sur les signes cliniques que sur les médications prises, nous découvririons peut-être des choses étonnantes sur le bienfait de certains médicaments classiques (ou leurs méfaits ?), et de certaines plantes ou techniques locales, et vous savez Monsieur le Ministre, que la tradition réunionnaise est riche dans ce domaine ; ce serait alors une magnifique avancée pour la recherche médicale, dont pourraient en plus profiter les pays de la zone qui n’ont pas les moyens ni de faire une telle recherche, ni de se payer des médicaments onéreux.
Une telle étude aurait deux intérêts pour les patients : celui de mieux les soigner en leur évitant les effets indésirables de certains produits inefficaces, et aussi celui de protéger leur porte monnaie, car des publicités mensongères fleurissent un peu partout et à forts retentissements médiatiques concernant des produits pour lesquels il n’y a eu aucune étude sérieuse, rigoureuse, ni aucune validité scientifique concernant le chikungunya. Certains patients sont près à tout pour soulager leurs douleurs et sont amenés à d’importantes dépenses inutiles ; il est dans notre devoir de leur donner au plus vite des informations fiables et validées.
Je compte sur vous pour qu’un travail en commun entre les différents acteurs institutionnels de l’île aidés de biologistes, botanistes, pharmaciens, médecins, infirmiers, kinés, patients puisse être mis en place au plus vite...
Merci aussi d’avoir bien pris note que le seul moment d’obtenir la participation de ces différents acteurs est d’organiser les réunions en soirée et non en pleine journée, c’est-à-dire en dehors de nos heures de travail consacrées à soigner nos patients.
J’espère également que vous aurez été entendu par les différents responsables locaux en charge de la santé pour la mise en œuvre de moyens et d’outils valides et utilisables facilement (pas forcément onéreux mais facilement appropriables par les professionnels de santé), afin que si une nouvelle menace d’épidémie devait se présenter, les moyens mis en place puissent facilement la stopper.
Espérant que dorénavant, les différentes instances locales prennent plus en compte les nombreux projets venant du terrain visant à améliorer la prise en charge des patients sur différentes pathologies, je vous remercie monsieur le Ministre d’avoir pris la mesure des événements actuels."


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