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par le Dr Raymond Vergès

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Comprendre l’inconnue et la maîtriser

CHIKUNGUNYA : Mobilisation du monde de la santé

mercredi 8 février 2006


Lundi soir, les professionnels de santé (médecins, infirmières, sages-femmes, kinésithérapeutes, dentistes, infirmière médicale de l’éducation nationale...) se sont rencontrés pour recouper leurs informations et partager leur questionnement. L’ARH rendait compte de cette réunion à la presse hier.


Le corps médical se mobilise jusqu’à épuisement, il n’y a qu’à voir les traits de fatigue du visage d’Antoine Perrin pour s’en persuader lorsqu’il déclare : "Je constate qu’il y a une demande d’information très forte, c’est pourquoi nous voulons communiquer clair et bien. Sur certains sujets, nous pouvons apporter des réponses, sur d’autres on ne sait pas alors on dit qu’on ne sait pas. C’est vrai que c’est la première fois que le chikungunya touche un pays qui a des moyens d’investigation. Aujourd’hui l’épidémie a pris une telle importance qu’elle est analysable" mais le domaine est vaste. Une chose est sûre : "Plus il y aura de malades, plus il y aura de formes rares. Plus ça ira, plus il y aura de cas particuliers."

Meure-t-on du chikungunya ?
"On sait qu’on ne sait pas"

Le chikungunya a-t-il muté, est il devenu mortel ? Le cas de l’enfant de dix ans (voir encadré) est pour le docteur Bernard-Alex Gaüzère "un cas sentinelle" qui demande de renforcer l’attention. Si les études sur le génome viral manquent, elles sont en cours à Lyon, et rien ne permet pour l’heure d’affirmer qu’il y a eu ou non mutation du virus. Cependant, si on n’a pas de preuve permettant d’imputer le chikungunya comme cause directe de certains décès, ses effets collatéraux peuvent sur des personnes à santé fragile mener à un décès. Qu’est-ce à dire ? "La Réunion connaît beaucoup d’insuffisants rénaux et un problème hépatique, après le chikungunya, lorsque le patient décompense, on peut le retrouver dans un service de néphrologie ou de réanimation, mais le lien avec le chikungunya reste en ce cas indirect", explique le docteur Gaüzère. Le chikungunya peut-il être mortel ? Au pire le docteur avouera : "On sait qu’on ne sait pas." Qui peut dire dans ce cas connaître mieux que les professionnels de la santé les liens de causalité entre décès et chikungunya ? L’hypothèse d’un chikungunya mortel n’est pas écartée, ni retenue, elle n’est ni validée, ni invalidée.
"Ce que l’on sait c’est que lors d’une épidémie il y a différents degrés de maladie, avec des populations fragiles - des personnes à la santé déjà fragilisée par une maladie chronique - mais aussi avec des porteurs sains qui ont développé des anticorps."

Des porteurs sains

Le docteur Gaüzère fait état d’une étude très récente menée sur une famille réunionnaise de douze personnes dont seuls sept disaient avoir eu la maladie et qui présentaient un panel de symptômes plus ou moins invalidants, cinq pensaient ne pas avoir été atteints. L’étude démontre qu’en fait, les douze membres de la famille ont été infectés par le chikungunya, cinq d’entre eux avaient produit des anticorps. L’existence de porteurs sains est donc désormais avérée, sans qu’on sache si leur proportion est d’un porteur sain pour trois ou cinq malades. D’autres études montrent également la présence d’autres virus qui heureusement ne se sont pas propagés.

Et les femmes enceintes ?

Au sein de la population à risque, plusieurs réponses commencent à se dessiner en direction des femmes enceintes. L’observation est fragile, mais il semble que si lorsque le chikungunya atteint une femme dans les premiers temps de sa grossesse, cela n’a pas entraîné de malformation fœtale, cependant la médecine sait que toute forte fièvre est tératogène, c’est-à-dire que lors des premières semaines, elle peut entraîner des malformations.
En fin de grossesse, la transmission du chikungunya est possible si la mère tombe malade dans les 48 heures qui précèdent l’accouchement, auquel cas on tente autant que faire se peut de freiner l’arrivée du bébé au-delà de la période d’incubation du virus, mais ce n’est pas toujours possible. Le risque de contamination reste faible. On ne sait pas si la transmission a lieu dans le placenta où à la naissance, mais la deuxième solution serait plus probable et les actes invasifs comme les césariennes, occasionnant le contact sang à sang de la mère et de l’enfant sont déconseillés.

Principe de précaution

Il n’existe aucune preuve de la transmission de la mère au nouveau-né par le lait maternel lors de la tétée. Si cette transmission existait, elle ne serait possible que lorsque le virus est dans le sang maternel, donc pendant la semaine qui suit les premiers signes. Par précaution en cas d’allaitement maternel, les médecins préconisent un principe de précaution pendant la semaine d’incubation : tirer le lait, le porter à ébullition et le laisser refroidir avant de le donner au bébé.
Enfin, conformément aux engagements du ministre de la santé, le programme hospitalier de recherche clinique recueille en ce moment les différents sujets à étudier pour une meilleure compréhension de la maladie et une meilleure prise en charge des malades. Début mars, nous saurons à quels fronts la médecine a décidé de s’attaquer.

Eiffel


Il tue, il ne tue pas ?

Directement non, indirectement oui

Demandant aux journalistes de ne pas prendre les hypothèses issues de discussions médicales pour des révélations éprouvées, Antoine Perrin a été pris à partie par le journaliste du “JIR”. Un échange s’est engagé sur des déclarations prématurées de décès imputés au chikungunya. Antoine Perrin cherche toujours le cas de ce bébé qui selon le “JIR” serait mort à Sainte-Suzanne et sur les deux morts supplémentaires annoncés par le même organe de presse.
Les interventions du “JIR” ont ponctué la conférence de presse, sommant le directeur de l’Agence réunionnaise d’hospitalisation d’avouer que le chikungunya serait mortel. Une instigation qui se résume dans une parabole : quand je tire sur vous, est-ce moi ou la balle qui vous tue ? Le “JIR” pose la question de savoir si les patients hospitalisés seraient morts sans les soins qui leur ont été apportés et obtenant une réponse positive, a ainsi, pour lui, démontré que le chikungunya est mortel et que le corps médical se refuse à déclarer la vérité. À quoi l’ARH répond qu’on ne saurait dire qu’un virus est mortel que si on n’a pas les moyens d’en soigner les symptômes et que, en France, la médecine a les moyens d’apporter des soins sans lesquels effectivement la personne ne survivrait pas. Une simple fièvre dans un pays sans soins médicaux peut amener à la mort d’un enfant, la fièvre n’est pourtant plus mortelle dans les pays qui savent la soigner.
Antoine Perrin répondra que la présomption d’un décès en lien direct avec le chikungunya porte sur le cas de Dylan, mais qu’en absence d’autopsie, ce n’était qu’un diagnostic par défaut, l’enfant ne présentant pas d’autres troubles. Le docteur Gaüzère poursuivait en relevant que si le chikungunya tuait les enfants en bonne santé, le cas de Dylan ne serait pas isolé, partout les enfants tomberaient. Or, s’il y a bien eu plus de 70 enfants aux urgences ce week-end, aucune mort n’est intervenue. À croire que le “JIR” attend impatiemment que des morts supplémentaires se déclarent pour corroborer ses unes fracassantes.


D’où vient le chikungunya ?

Le réseau épidémiologique de La Réunion a pu suivre très nettement le parcours du chikungunya qui est parti de Tanzanie, est passé par la Grande Comore, Anjouan, Mayotte avant d’arriver à La Réunion d’où il s’est propagé à Madagascar comme à Maurice.


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