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« Il n’y a jamais d’urgence, il n’y a que des gens pressés »

Pour un traitement biologique du chikungunya

jeudi 9 février 2006


Hier, la Chambre d’agriculture réunissait dans son annexe de Saint-Benoît les responsables d’associations agricoles, amis de la nature et apiculteurs, pour réfléchir ensemble à une lutte plus raisonnée contre l’Aedes albopictus, responsable du virus du chikungunya.


Le constat est atterrant. Le traitement chimique choisi par la Préfecture est nocif pour la biodiversité de l’île, mais surtout pour les Réunionnais eux-mêmes. D’une voix unitaire, apiculteurs, bio-agriculteurs, amis de la nature, techniciens de la Chambre verte, s’insurgent contre le traitement à outrance des terres réunionnaises. « On s’élève contre cette lutte chimique, qui est en train de se mettre en place à La Réunion, sans observer les conséquences sur la flore et la faune. Nous le disons, je le dis, ce sont des centaines de tonnes d’insecticides que l’on déverse sur nos terres, sans réfléchir aux conséquences sur la biodiversité réunionnaise », déclare en introduction Guy Dérand, président de la Chambre d’agriculture.
Autour de lui, nous retrouvons Camille Perrault, président de la Coopémiel ; Raymond Lucas, président des amis des plantes et de la nature (APN) ; François Tibère, président du Collectif des agriculteurs partenaires pour l’aménagement du terroir et gestion de l’eau (CAPTAGE) ; Pierre Dijoux du Groupement de défense sanitaire apicole de La Réunion ; François Payet, vice-président du syndicat des apiculteurs de La Réunion ; Jacques Rochat, directeur de l’insectarium et de nombreux apiculteurs.
Tous exigent une lutte plus raisonnée contre l’Aedes albopictus. Oui, freinons la prolifération du moustique à La Réunion, mais attention à ne pas détruire tous nos écosystèmes, nos animaux les plus utiles. Savions-nous par exemple qu’un crapaud mange 5 kilos d’insectes par an, que l’endormi gobe 150 grammes d’insectes par jour ? Or, l’usage du Fenitrothion en milieu agricole cause la destruction de ces espèces animales, mangeuses de moustiques. Tous tirent la sonnette d’alarme. Depuis le début du traitement chimique autour de leur zone de travail, ils observent la mort d’abeilles, de zoizo blan, de cardinaux, de guêpes et de nombreux insectes, peut-être même les plus rares.

Filière et écologie menacées

La Chambre verte souhaite que le traitement chimique soit réservé au milieu purement urbain. Pour ce qui concerne les régions périurbaines et rurales, elle encourage d’autres traitements, naturels, à base de plantes péi ou de techniques biologiques, « afin de ne pas porter préjudice aux activités agricoles et apicoles ». Car tuer l’abeille, c’est tuer une sentinelle de l’environnement, sans qui rien ne vit. « Lorsqu’une colonie d’abeilles meurt, c’est qu’il y a un grave problème écologique », lance un apiculteur. « La santé de nos abeilles est menacée », continue Pierre Dijoux.
Les journalistes écoutent passionnément. Et Camille Perrault de s’inquiéter pour les prochains miellés, de forêt (novembre à janvier), de letchis (août à septembre), de baies roses (mars et avril, qui arrivent à grand pas). Les apiculteurs craignent de ne pouvoir assurer la transhumance, de déplacer leurs ruches. « Lorsqu’un apiculteur fait 1,50 euro de miel, il génère 30 euros pour l’économie », poursuit Pierre Dijoux. Outre la production du miel, la fécondation naturelle des fruits et légumes due au butinage des abeilles ne peut se faire si elles meurent. Plus que cela, notre patrimoine naturel d’intérêt international risque de s’amoindrir, pour peut-être disparaître. Pourquoi recommencer les erreurs du passé ? Attention, n’oublions pas que « La Réunion fait partie des zones regroupant le plus de biodiversité », fait observer Jacques Rochat, qui précise que nous comptons de nombreuses espèces « uniques au monde ».

Un plan ORSEC moustiques

Le groupe de réflexion demande l’arrêt du traitement sauvage et la mise en place d’un plan ORSEC pour le contrôle raisonné des moustiques à La Réunion. Nous ne pouvons certes les éradiquer. Mais nous pouvons nous en prémunir. François Tibère, bio-agriculteur, psalmodie les mérites de plantes, qui soignent le chikungunya. Chose attestée par les docteurs Patrick Blanc et Jean-Loup Carré, qui signent avec le bio-agriculteur une lettre datée du 3 février 2006, faxée à l’adresse des présidents de la Région Réunion et du Conseil général.
« Nous avons les plantes chez nous », insiste-t-il, en nous montrant tisanes, huiles essentielles et miel. Par ailleurs, il précise que le métabolisme des Réunionnais s’affaiblit, dû notamment à une mauvaise alimentation. « Il s’agit de mettre à la disposition de la population des remèdes ancestraux pour aider à lutter contre le chikungunya », déclare aussi Guy Dérand.
Par ailleurs, pour réduire la présence des moustiques, Jean Hily, apiculteur, qui a étudié le cycle de vie des moustiques, a fabriqué (coût d’achat : 15 à 20 euros) un système mécanique, biologique, qui piège et tue le moustique. Encore faut-il nettoyer son jardin, vider les pots où l’eau stagne ! La population doit s’impliquer elle aussi. Cependant, attention de faire du « contrôle de dernier recours » en utilisant un insecticide, le fénitrothion, nuisible à l’environnement et à l’Homme. Le groupe de réflexion recommande des jeunes chercheurs réunionnais qui connaissent bien les insectes, et qui peuvent étudier avec plus de profondeur les moustiques, leur cycle de vie, pour savoir comment les contrôler. « Il n’y a jamais d’urgence, il n’y a que des gens pressés », déclare joliment Éric Metas, apiculteur. Il précise que les heures d’intervention choisies par l’armée sont inappropriées. À quand une table ronde réfléchie sur le dossier chikungunya et aedes de tout genre ?

Bbj


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