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par le Dr Raymond Vergès

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De l’importance d’une information claire

Santé en voyage : le chikungunya encore mal appréhendé par les Français

jeudi 22 novembre 2007


Entre sous-estimation et sur-précaution : les Français évaluent mal les risques infectieux en voyage ou « quand croyances populaires et surexposition médiatique déforment la réalité des risques sanitaires ». C’est ce qui ressort du premier baromètre Institut Pasteur-Ifop sur la santé en voyage, paru le 5 novembre.


Ce constat est d’autant plus vrai que sur les 960 sondés de 18 ans et plus, 63% placent le chikungunya en troisième position des risques infectieux en voyage les plus anxiogènes après la tourista (64%) et le paludisme (72%), alors même que le virus chikungunya est absent du “Top 5 des risques infectieux en voyage” de l’Institut Pasteur. Un classement qui, fonction de la gravité et de la probabilité de contracter la maladie, place en première position le paludisme, suivi de l’hépatite A, des IST (Infections sexuellement transmissibles), de la dengue et enfin de la tourista.

« Il suffit souvent de quelques précautions... »

Cette méconnaissance des risques infectieux réels et l’anxiété sanitaire qu’elle génère chez les Français ont un impact sur le choix de leur destination. Le baromètre souligne en effet que « plus d’un Français sur trois (36%) se déclarent prêts à renoncer à une destination dont la situation sanitaire est jugée risquée ! Le pourcentage atteint même 42% parmi les personnes qui n’ont jamais voyagé hors d’Europe et d’Amérique du Nord ». Pourtant, comme le précise l’Institut Pasteur, « il suffit souvent de quelques précautions pour voyager l’esprit tranquille » : consulter un médecin avant de se rendre dans un pays à risque ; contracter une assurance auprès d’une compagnie d’assistance et se doter d’une trousse médicale en cas de déplacements à l’étranger ; vérifier que ses vaccins contre l’hépatite A ou la poliomyélite sont bien à jour. Un dernier point qui, malheureusement, n’est pas suffisamment reconnu par les Français.
En revanche, pour l’Institut Pasteur, « il est néanmoins encourageant de noter que ceux qui déclarent avoir déjà voyagé hors d’Europe et d’Amérique du Nord se montrent mieux informés et semblent cibler plus spécifiquement les risques sanitaires auxquels ils peuvent être exposés. Connaissance du terrain ne rime donc pas avec inconscience pour ces voyageurs ». Si le chikungunya a inéluctablement eu un impact négatif sur la fréquentation touristique, on constate aujourd’hui que la destination repart. Les personnes qui ont de la famille ici ou qui sont déjà venues à La Réunion n’ont pas pour autant rayé notre île de leur carte de voyages. Des gestes élémentaires de protection face aux moustiques, contaminés ou non, doivent être adoptés. Et puis, notre île est dotée d’un système de santé développé et performant qui devrait être à même de rassurer les voyageurs français qui, et beaucoup l’oublient ou le méconnaissent, viennent à La Réunion, en région tropicale certes, mais pas en terre étrangère !
Quels enseignements peut-on alors tirer d’un tel baromètre et de l’expérience réunionnaise ?

1. La responsabilité des médias
La surexposition médiatique impacte sur l’opinion des Français. Le constat porté par l’Institut Pasteur, qui prend justement l’exemple de l’infection à virus chikungunya, ou encore de la fièvre à virus Ebola (qui représente pourtant un risque très faible pour le voyageur), a également été partagé avec douleur par les acteurs touristiques qui ont vécu certaines couvertures médiatiques comme un véritable acharnement à leur égard. Ceux des médias qui font passer leurs propres intérêts financiers avant l’intérêt général, qui confondent information et désinformation, sensé et sensationnel, ont tiré profit de cette épidémie en occultant qu’une “Une” racoleuse engendrait bien souvent l’annulation de plusieurs réservations dans les hôtels. Plutôt que de servir l’image de l’île et des Réunionnais, ils ont continué à l’entacher avec les chiens appâts, les attaques de requins, etc..., tout en montrant du doigt les lacunes de la filière tourisme, le manque de professionnalisme de certains de ses acteurs.

2. Autorités et transparence
Le déni des autorités locales à reconnaître l’ampleur de l’épidémie et à agir à temps, en fonction, n’a servi qu’à générer une explosion médiatique incontrôlée sur le plan local mais aussi national. Comme le préconise l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en pareil circonstance, une information claire et transparente doit prédominer si l’on veut pouvoir impliquer la population dans la lutte mais aussi créer un lien de confiance. Bien que cette dernière ait été mise à mal, les autorités ont aujourd’hui opté pour une communication plus régulière des actions engagées par le SPR (Service de Prophylaxie Renforcé) qui devrait atteindre, si les engagements sont tenus, sa vitesse de croisière en 2008, avec son effectif complet de 220 agents. A noter néanmoins que depuis l’épidémie, toutes les administrations de l’Etat doivent avoir l’autorisation de la Préfecture avant d’accorder un entretien à la presse. Une communication qui se veut donc plus transparente, mais sous contrôle !

3. Vigilance et communication toujours
Cette épidémie a permis de sonner un réveil des consciences : La Réunion, au cœur d’un bloc épidémique, n’est pas à l’abri de maladies résurgentes et de nouveaux virus. Pour le chikungunya, la dengue et d’autres maladies infectieuses potentielles, la vigilance individuelle et collective, comme souvent préconisée, reste de mise.
Pour le 1er novembre, l’opération “Fleur des sables” visant à sensibiliser le public à la nécessité de privilégier le sable plutôt que l’eau dans les vases des cimetières a été reconduite. Les associations de quartiers se mobilisent et agissent sur le terrain pour délivrer des messages de prévention à la population. Une dizaine d’entre elles travaillent d’ailleurs en lien avec les autorités sanitaires. Mais si l’on veut changer durablement les comportements, agir sur les mentalités et les habitudes, permettre à chacun de maintenir la vigilance, une communication sur le long terme serait souhaitable à travers des spots télévisés étudiés, des opérations médiatiques répétées. Cela nécessite certes un budget : celui de la prévention.

4. Développer une filière des métiers de l’environnement
Soutenue par les élus de l’Alliance, la professionnalisation des métiers de l’environnement (entretien, restauration de site...) permettrait la création d’une véritable filière capable de générer des emplois et d’impliquer plus en avant les Réunionnais dans la gestion et la protection de leur environnement. La Réunion citée en exemple pour sa politique ambitieuse de développement des énergies renouvelables possède également des atouts incontestables en termes de biodiversité, de sites naturels qui ne sauraient laisser insensibles les touristes, assurément satisfaits de découvrir des sites soignés et entretenus. Cette préconisation aurait aussi un impact positif sur l’image de notre destination qui a encore beaucoup de cartes à jouer, en attendant La Réunion Ile Verte de 2030.

5. L’impact des changements climatiques
La Réunion et la zone sont, comme nous l’avons dit, dans un bloc épidémique. Si les Français ont une appréciation et appréhension parfois faussées des risques infectieux dans les régions tropicales, comme le souligne le présent baromètre, l’hexagone ne sera pas épargné par les effets des changements climatiques et de l’urbanisation, facteurs qui favoriseront l’apparition de nouvelles maladies. A noter que l’Aèdes albopictus, vecteur du chikungunya, est déjà présent dans le Sud de la France et qu’en septembre dernier, 200 personnes de la région de Ravenne, en Italie, ont été touchées par l’épidémie. Faire de La Réunion et de la zone un pôle d’excellence en matière de recherches sur les arboviroses est un autre facteur majeur qui joue en faveur d’une réhabilitation de notre image à l’égard des touristes. De plus, dans un monde qui s’ouvre aux échanges - bien que ceux des marchandises soient privilégiés à ceux des hommes -, une prise en compte accrue des souffrances sanitaires dans les pays sous-développés ou en voie de développement doit s’opérer. La fermeture des frontières à certaines populations ne saurait être une barrière totale à la propagation de virus.


An plis ke sa

Sites pratiques pour la santé en voyage

Parce qu’il est primordial de connaître les bonnes pratiques de santé en voyage, l’Institut Pasteur propose sur son site Internet pasteur.fr des conseils spécifiques à chaque destination. À travers son site dédié santevoyage.org, le grand public pourra également s’informer sur le paludisme, le SIDA, la dengue ou le chikungunya, et tester ses connaissances avant le départ, grâce à un test en ligne.


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