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par le Dr Raymond Vergès

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« Qui tire profit des cultures génétiquement modifiées ? »

jeudi 21 février 2008


À la question « qui tire profit des cultures génétiquement modifiées », nous avons tenté d’y répondre à travers l’analyse d’une étude menée par “Les amis de la Terre” (le plus grand réseau mondial d’organisations environnementales) sur l’utilisation accrue des pesticides. Est-ce naïf de croire que les cultures dites GM aient été conçues pour éradiquer la faim et la pauvreté dans le monde ? Voici quelques éléments de réponse.


Les cultures GM au profit des pays riches

La majorité de la production des cultures GM (Génétiquement Modifiées) se situe dans une « poignée de pays où les secteurs agricoles sont fortement industrialisés et axés sur l’exportation », selon cette étude. En effet, les Etats-Unis, le Canada, le Brésil, l’Argentine et le Paraguay concentrent à eux seuls 90% de cette production sur leurs terres. Les 4 principaux produits de ces cultures sont le soja, le maïs, le coton - qui, à eux trois, représentent 95% de la superficie plantée de GM au monde - et le colza qui représente les 5% restants. La plupart de ces produits agricoles servent à nourrir les animaux, à produire des biocarburants et à fabriquer des produits alimentaires élaborés, surtout consommés dans les pays riches. Pour exemple, l’Argentine exporte la plupart de son soja GM pour nourrir le bétail européen et les Etats-Unis réservent 20% de sa récolte de maïs à la production d’éthanol. Aucune des variétés commercialisées n’a été modifiée pour en augmenter le rendement, et les recherches se concentrent exclusivement sur celles qui tolèrent l’application d’un ou plusieurs herbicides.

« Tout comme les bactéries deviennent résistantes aux antibiotiques, les mauvaises herbes deviennent résistantes aux herbicides »

Pour les agriculteurs, « les variétés résistantes aux herbicides ont été conçues pour permettre une application illimitée de produits qui tuent les mauvaises herbes sans tuer les cultures elles-mêmes ». Ainsi, ils s’en sont donné à cœur joie, pulvérisant par-ci par-là ces pesticides pourtant réputés néfastes pour l’environnement et la santé. Le but étant bien évidemment pour ces exploitants fortunés de cultiver des surfaces plus grandes en en faisant le moins, favorisant ainsi l’élargissement des exploitations de type industriel, au détriment des plus petits exploitants. Malheureusement, ces pratiques ont favorisé le développement de mauvaises herbes résistantes aux herbicides, ce qui a entraîné de fait une augmentation de l’utilisation de ces produits chimiques. Ce n’est donc pas par hasard que les industries agro-biotechnologiques, qui vendent ces pesticides, concentrent leurs efforts sur le développement des cultures GM.

L’exemple du soja

Prenons le cas du soja Roundup Ready de Monsato, manipulé pour résister à l’herbicide glyphosate. Entre 1994 et 2006, l’application du glyphosate au soja a été multipliée par 19 aux Etats-Unis. L’expansion de ce type de cultures sur le territoire américain n’explique pas à elle seule cette augmentation spectaculaire. En effet, l’utilisation de cet herbicide a déclenché une épidémie de mauvaises herbes résistantes qui a fait passer le volume de glyphosate appliqué par acre de soja de 0,52 à 1,33 livre par acre et par an, soit une augmentation de plus de 150%. Ce phénomène a également été observé en Argentine et au Brésil. Les autorités brésiliennes ont même reconnu que les mauvaises herbes résistantes au glyphosate représentaient une menace pour leur agriculture. Une autre conséquence notable de l’utilisation de ce pesticide est la baisse de rendement. Des recherches récentes ont en effet révélé que le glyphosate empêchait le soja Roundup Ready d’absorber des nutriments essentiels comme le manganèse, diminuant ainsi son rendement et le rendant plus vulnérable aux maladies.

Quel est donc l’intérêt socio-économique de ces cultures très coûteuses en herbicide et dont le rendement est moindre que les cultures conventionnelles ? D’autant plus que « les prix des semences ont considérablement augmenté aux Etats-Unis depuis que les entreprises tentent d’imposer des semences biotechnologiques chères pour maximiser leurs profits ». En éliminant progressivement les semences conventionnelles « plus abordables », ils offrent de moins en moins de possibilités aux agriculteurs. Se pose alors la question de savoir si les décideurs devraient continuer de faire confiance aux informations fournies par des organisations comme l’ISAAA (Service international pour l’acquisition des applications d’agro-biotechnologie) qui, financé par l’industrie biotechnologique, a tout intérêt à promouvoir les produits de ses sponsors. L’analyse des performances et des avantages des cultures GM est très complexe : elle nécessite des recherches scientifiques indépendantes effectuées en toute objectivité.


“Les amis de la Terre” ou Friends of the Earth International (FoEI) rassemblent 70 groupes de militants locaux dans tous les continents. Avec environ 1,5 million de membres et de sympathisants de par le monde, ils mènent des campagnes sur les problèmes sociaux et environnementaux qui sont aujourd’hui les plus urgents. Ils mettent en question le modèle actuel de mondialisation économique et commerciale et font la promotion de solutions favorables à la création de sociétés respectueuses de l’environnement et socialement justes.
« Nous avons la vision d’un monde pacifique et durable, où les sociétés sont en harmonie avec la Nature. Nous imaginons une société de personnes interdépendantes qui vivent dans la dignité, la complétude et l’épanouissement, où l’égalité et les droits des personnes et des peuples sont une réalité ». Contact : info@foei.org.

Rebecca Pleignet


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