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La suspension de la parution du journal « le Quotidien » est un véritable tsunami politique

La dernière édition est parue hier en attendant une nouvelle formule par Media Capital

vendredi 5 avril 2024, par Ary Yée Chong Tchi Kan


Il est dommage qu’un événement de cette taille soit traité de manière factuelle et émotionnelle. Le monde des élus est tétanisé et aphone. Bien sûr, il faut penser aux conséquences directes sur l’avenir des travailleurs. J’associe les précédentes vagues de licenciements à nos marques de compassion et de solidarité. Pour la famille fondatrice, c’est presque une délivrance. Il y a eu un repreneur. L’aventure continue mais avec d’autres. La Une du dernier numéro signe un « au revoir », reprenant les codes graphiques et identitaires du journal.


A l’origine, il y a le projet politique.
Il est résumé dans la légende illustrant la photo du fondateur en page 2 de la dernière édition :

« Le 13 septembre 1976, Maximin Chane-Ki-Chune fonde « le Quotidien de La Réunion et de l’Océan Indien ». Dès le départ, sa ligne impartiale et indépendante des pouvoirs politiques et économiques trouve un écho retentissant dans les foyers réunionnais ».

Quarante-sept ans plus tard, il sollicitait le Conseil Régional et l’État pour assurer sa survie. L’indépendance n’assure plus l’intendance.

Que s’est-il donc passé, en 50 ans ?

Nous prenons comme repère 50 ans, car avant la parution proprement dite, il y a eu les études théoriques et le teasing sous forme d’un bulletin de petites annonces gratuites qui a servi de support pour habituer l’opinion à l’événement exceptionnel qui allait bouleverser tous les codes. Il fallait recruter un personnel de qualité et structurer la production, la distribution auprès des revendeurs, le recouvrement, etc. L’aventure a commencé bien avant 1976.

A l’époque, il y avait « Témoignages » et le « Journal de l’île » dont le modèle économique reposaient sur des abonnements. Le journal était distribué par la Poste. « Le Quotidien » était distribué chez les détaillants. Il paraissait tous les jours, y compris les dimanches et jours fériés, sauf le Premier Mai. Vous l’aviez au petit déjeuner, et dans tous les quartiers. Les deux autres dépendaient de l’horaire du passage du facteur qui n’était pas de tournée les dimanches et jours fériés. L’avantage du « Quotidien » était incomparable.

« Témoignages » et « le Journal de l’île » étaient le support éditorial de 2 lignes politiques différentes.
Le premier prônait la solidarité anti-impérialiste et anticolonialiste, l’émancipation des peuples colonisés, et l’Egalité sociale pour les citoyens français de La Réunion. Ses journalistes étaient des militants liés au Parti communiste réunionnais qui réclamait l’autonomie démocratique et populaire. Il était boycotté par les annonceurs économiques.
L’autre avait beaucoup d’annonceurs et soutenait une ligne politique anti-communiste jusqu’à couvrir la fraude et la violence électorales. Pour le socialiste Albert Ramassamy, c’était un mal nécessaire pour empêcher Paul Vergès d’accéder à un mandat « national ». Cela s’est vérifié durant 30 ans, de 1956 à 1986.

« Le Quotidien » s’inscrit dans ce paysage politique comme une troisième force, rejetant la bipolarisation et ses conséquences. Mal lui en a pris, il portait atteinte à l’hégémonie du « Journal de l’île » et son courant politique. Il a failli mourir par asphyxie économique, dès la première année. Témoignages a assuré sa parution en signe de solidarité. Au 40e anniversaire de son journal, Maximin Chane-Ki-Chune explique son projet. Il voulait « Proposer aux Réunionnais un journal qui soit au-dessus des partis et des parti-pris, très nombreux à l’époque. Un quotidien neutre politiquement qui livre une bonne information et ainsi contribue à la paix à La Réunion » (L’info.re/13/09/2016)

Un demi-siècle plus tard, aussi louable et généreuse soit-elle, cette ligne politique n’a pas résisté à l’épreuve des faits. Elle emporte aussi les illusions de ceux et celles qui s’agrippent aux oripeaux d’un système en faillite. Exprimée par son fondateur et reprise par sa fille Carole, cette ligne ne prend pas en compte la crise structurelle profonde qui traverse la société réunionnaise depuis sa naissance.

(à suivre)

Ary Yée-Chong-Tchi-Kan


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