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par le Dr Raymond Vergès

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Jean-Claude Legros, au rythme des maloyas du monde...

vendredi 13 janvier 2006

De 1960 à maintenant, vous pouvez le vérifier, il s’est écoulé un peu plus de quarante ans. Quarante ans, c’est le temps sur les vagues desquelles, plongeantes ou bondissantes, la plume et la sensibilité de Jean-Claude Legros ont porté sur notre île, qu’elle se bâtissait ici ou qu’elle tâtonnait à se chercher à Paris, le regard du poète. D’où un recueil tout récemment édité.

“Ou sa ou sava mon fra” virevolte d’une rive à l’autre de notre unicité culturelle pour poser au creux de notre main offerte les graines multiples de notre origine. Et quand Jean-Claude y porte, depuis là-bas, depuis ici, en un peu plus de quarante ans, la force du souffle de l’homme qui grandit à Saint-Denis, à l’ombre des géants du Jardin de l’État avant de monter à Paris pour descendre en Sorbonne et se tremper dans les révoltes que l’Union générale des étudiants créoles de La Réunion exprimait devant son “Rideau de cannes” , alors vous adhérez, sans vous poser de question, à ce “Zenfant Bourbon” dont il dit sans joie ni tristesse que "Na un peu i sorte Zanzibar, Deux trois i sorte Madagascar, Un peu i sorte pays Malbar, Na in peu i sorte en Asie, Deux trois i sorte en Normandie, Un peu i sorte en Malaisie, Et comme i dirait Madoré, Deux trois i sorte dann Fantaisie, Un peu zenfant sénégalais, Moin mi sorte dann pays Bourbon, Amoin zenfant la Réunion..."

Prophète pour son pays, dès 1991, il croit imaginer qu’un jour quelqu’un de bien petit voudra s’essayer à nettoyer - au kärcher, vous en doutiez ? - les banlieues de Paris. Est-ce donc pourquoi ses “paroles pays” se plaquent alors au bout de sa révolte pour déjà répondre, en colère, en écho : "Je vous salue frères de la racaille, Nous sommes tous racaille, En pays de racaillerie, Ti cousin Vincent mon li vente i fait mal, Choucroute garnie avance, Rougail saucisse recule...". Ou bien a-t-il voulu souffler à un Chirac futur président, la juste réplique à lancer à ceux qui voudraient que la loi et ses décrets nous dictent notre Histoire alors, qu’écrit-il, "Je suis le vieux Chinois machonneur d’allumettes, En galoches assis sur sa balle de riz, Du fond de sa boutique étranger incompris, Parmi le boucané, les grains, les savonnettes...", qu’alors, poursuit-il encore, "Régnant sur l’organdi et la soie des corsages, Les coupons de tissus venus du Pakistan, Je suis le vieux zarabe altier ventripotent, Le plumeau à la main le long des étalages..." ?

Vous qui aimez peut-être un peu de ces autres qui savent manier des mots qui signifient aussi mille et une autres choses, je vous le conseille : “ou sa ou sava mon fra” saura vous emmener jusque vos origines en empruntant vos rêves soudain tirés de votre gros sommeil... En préface, Georges-Marie Lépinay a beau insister, avec tout le talent qu’on lui connaît, pour que vous sachiez que Jean-Claude cassa aussi la dalle en courant les pavés d’un Paris qu’il découvrait, et que "même Jean Perreau-Pradier, un jour abordé par hasard dans un café" dut affronter "la charge par Jean-Claude menée", vous aimerez surtout, je vous le dis, ces lignes "à une petite fille de cinq ans" par lui adressées et pour qui un jour il écrivit "des maloyas du monde, Des îles du Cap Vert aux îles de la Sonde, Du Brésil moringueur à l’aube renaîtra sur la chanson d’Orphée la voix d’Isaora".

R. Lauret


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