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par le Dr Raymond Vergès

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Une réforme inopérante pour La Réunion

Un Conseiller territorial commun à la Région et au Département

mercredi 30 juin 2010


Avant-hier, le Sénat a entamé, en séance publique, le débat relatif à la Réforme des Collectivités locales. La sénatrice Gélita Hoarau est intervenue hier en rappelant que dans le contexte actuel, à savoir la situation sociale extrêmement préoccupante à La Réunion (52% de la population au dessous du seuil de pauvreté ; 30% de la population active privés d’emploi ; 30.000 foyers en attente d’un logement social…), ajouté à cela le gel annoncé des dotations de l’Etat aux collectivités « qui va avoir des conséquences aggravées pour les collectivités d’Outre-mer », les motivations de la réforme envisagée sur le plan de la métropole seront « inopérantes pour l’Outre-mer, et singulièrement pour La Réunion ». Voici le texte de son intervention avec des intertitres de ’Témoignages’.


« Il n’est pas possible d’aborder ce débat sur la réforme des Collectivités locales sans tenir compte du contexte dans lequel il s’inscrit.
Nous avons bien conscience que nous entrons dans une période de “rigueur” budgétaire et que dans le cadre des choix opérés par le Gouvernement, les collectivités locales sont mises à contribution, alors qu’elles subissent déjà elles-mêmes l’impact de la crise.
Ainsi, le gel annoncé des dotations de l’Etat aux collectivités va avoir des conséquences aggravées pour les collectivités d’Outre-mer, alors qu’elles ont à faire face au rattrapage des retards accumulés et aux besoins sans cesse croissants générés par la progression démographique… sans parler des déficits de moyens liés à des transferts de compétences insuffisamment compensés. La situation sociale et économique dans nos régions est très grave : les mouvements sociaux l’an dernier aux Antilles et à La Réunion l’ont rappelée. Nous devons toujours avoir en tête les chiffres de cette situation sociale extrêmement préoccupante : à La Réunion, 52% de la population sont au dessous du seuil de pauvreté ; 30% de la population active sont privés d’emploi ; 30.000 foyers sont en attente d’un logement social…
Les Collectivités locales sont confrontées à cette situation sociale, et — dans les faits — supportent des dépenses de fonctionnement aussi indues qu’elles sont élevées alors même que les besoins en infrastructures et en équipements sont colossaux, qu’il s’agisse du traitement de l’eau, des déchets, des déplacements, du bâti scolaire, etc.

« Un cadre totalement différent »

C’est pourquoi nous ne devons entretenir aucune illusion : si les moyens financiers du développement font défaut, si les finances des collectivités sont mises à mal, aucune réforme administrative ne permettra de régler les problèmes fondamentaux du développement. Le débat décisif, ce n’est pas une, deux ou trois assemblées, mais quels moyens mis au service de quelles compétences.
Dans un tel contexte, nous considérons que les motivations de la réforme envisagée sur le plan de la métropole seront inopérantes pour l’Outre-mer, et singulièrement pour La Réunion.
En Métropole, la création du Conseiller territorial commun à la Région et au Département semble vouloir répondre à un besoin de davantage de proximité et d’ancrage territorial.
A La Réunion, cette question s’inscrit dans un cadre totalement différent puisque notre île est une région monodépartementale, avec un Conseil régional et un Conseil général couvrant le même territoire. Elle compte 24 communes et chacune d’elle contient un ou plusieurs cantons ; la totalité du territoire est couverte par 5 (bientôt ramenés à 4) établissements intercommunaux.
La combinaison des compétences du Conseil général, des Communes et des EPCI sur l’ensemble du territoire permet de prendre en compte les besoins de proximité, et notamment l’action sociale pour le Département et les communes.

« Une telle conception apparaît totalement inopérante »

Parallèlement, le Conseil régional doit se projeter dans l’avenir en assumant les compétences liées aux enjeux fondamentaux du développement (aménagement, développement économique, routes nationales, formation, coopération régionale..).
Cette répartition de compétences est en adéquation avec les modes d’élection (les cantons pour la proximité, le scrutin proportionnel à l’échelle régionale pour l’approche globale du développement).
Il convient également de souligner que la répartition des compétences entre les Régions et les Départements outre-mer n’est pas la même qu’en Métropole : (par exemple, ce sont les Régions qui sont compétentes pour les routes nationales alors qu’en métropole, ce sont les Départements) ; de même que les prérogatives fiscales des Régions d’Outre-mer sont tout à fait spécifiques : taxe spéciale sur la consommation des carburants alimentant le fonds d’investissements des routes et des transports, octroi de mer, etc.

Certes, le schéma actuel n’est pas parfait, mais il correspond à une certaine logique.
Appliquer mécaniquement à la situation de région-monodépartementale de La Réunion le droit commun envisagé sur le plan national, et élire sur un même territoire des conseillers territoriaux au scrutin cantonal aboutirait à une caricature d’assemblée unique et se traduirait — dans les faits — par des aberrations : ainsi, il nous paraît inconcevable que ce soit strictement la même assemblée unique de conseillers territoriaux qui élirait deux présidents d’assemblées, deux commissions permanentes, et siègerait un jour à la Région, un jour au Département. Par delà les obstacles juridiques d’ordre constitutionnel qui mettent en cause cette solution, une telle conception apparaît — dans les faits — totalement inopérante. On voudrait discréditer la solution d’une réelle assemblée unique qu’on ne s’y prendrait pas autrement ! De plus, cela porterait gravement atteinte au principe de la parité, déjà mis à mal par ailleurs.

« Toute solution le fruit d’une réelle concertation »

Nous prenons acte que, lors du vote du projet de loi à l’Assemblée nationale, le gouvernement a renoncé à ce schéma.
Nous prenons également acte que la totalité de la représentation réunionnaise à l’Assemblée nationale a condamné l’application mécanique du droit commun national à la situation réunionnaise, et s’est prononcé, en l’état actuel du débat, pour le maintien du statu quo, le temps d’approfondir la réflexion.
Le gouvernement s’est donné un délai de 18 mois pour faire émerger une solution pour La Réunion et la Guadeloupe. Il est évident que toute solution devra être le fruit d’une réelle concertation avec l’ensemble des élus de nos départements. C’est pourquoi, nous considérons qu’il appartiendra à la représentation nationale de se saisir de ce débat et qu’il ne serait pas opportun, compte tenu de sa complexité et de son importance, que le gouvernement légifère par ordonnance pour les Départements d’Outre-mer comme le prévoit l’article 40 du projet de loi modifié.
Vous comprendrez donc que c’est sans réserve aucune que je soutiens l’amendement présenté par notre collègue Jacques Gillot.
Tant pour des raisons de forme que de fond, nous ne pouvons, en l’état actuel du texte, que nous opposer au projet de loi soumis à notre examen. »


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