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par le Dr Raymond Vergès

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Le Rectorat lâche les élèves en difficulté ... ... Bombe à retardement enclenchée !

Suppression des classes contrats : les enseignants se fédèrent en Collectif

mercredi 20 février 2008


Suite à la décision arbitraire du Recteur de supprimer le dispositif “classe contrat” destiné aux élèves de 6ème en grandes et très grandes difficultés, les professeurs référents se sont fédérés en Collectif. Ils demandent la remise en place d’un système d’aide « cohérent et réfléchi » capable de soutenir ces jeunes en situation d’échec scolaire et interpellent les élus sur la bombe à retardement que le Recteur vient d’amorcer.


Le 23 janvier, les proviseurs des 64 collèges de l’académie concernés par le dispositif reçoivent un courrier du Rectorat qui les informe de la suppression des “classes contrat” à la rentrée 2008. Parents, enseignants, syndicats, chefs d’établissement : cette décision n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable. C’est la rupture brutale sans sommation et sans alternative.

« Le Recteur veut faire du chiffre »

« Nous n’avons pas été prévenus officiellement, administrativement de la fermeture de ce dispositif dont la deuxième année d’application n’est même pas terminée. Nous l’avons appris par les médias ou par les chefs d’établissement qui ont bien voulu faire suivre l’information », explique Pierre-Antoine Bourgourd, représentant du Collectif pour les relations avec le Rectorat. Pourquoi une telle suppression sans analyse, sans concertation, sans évaluation pertinente du dispositif ? Une seule réponse s’offre à notre interlocuteur : « Le Recteur veut faire du chiffre. Sa priorité n’est pas de répondre aux problèmes spécifiques des élèves à La Réunion, mais bien de mener sa réforme administrative. Dans cette optique, il coupe ici et là pour faire des économies et travailler à flux tendu ». Mais en l’absence de plan B, que va-t-il advenir de ces 1.024 élèves en difficulté (16 par classe) ? Rejoindre ces autres que l’académie feint de ne pas voir et qui, faute d’alternatives éducatives, de prise en charge spécifique, consolident leurs retards, fondus, perdus dans des classes qui suivent le cursus normal pour lequel ils n’ont pas le niveau (voir par ailleurs) ?
Autocrate féru de ping-pong, le Recteur Canioni renvoie, sur dossier encore, la balle très loin en touche. Autonomie accélérée des établissements, il appartiendra désormais aux proviseurs qui le jugeront nécessaire de mettre en place eux-mêmes des actions éducatives adaptées. Mais, comme le précise Pierre-Antoine Bourgourd, « selon les établissements, on retrouve des Principaux qui ont à cœur la pédagogie et d’autres qui ont à cœur la gestion administrative et les chiffres. Pour ces derniers, l’essentiel est d’organiser 1 classe-1 prof après la qualité, ce qu’on fait... ».
Si l’administration soutient que les “classes contrat” mises en place cette année iront au bout des deux ans du dispositif avant sa suppression totale, on murmure déjà dans certains établissements qu’il serait préférable d’en finir au plus tôt. « Il y a déjà des dérapages, confie l’enseignant. Qu’en sera-t-il l’année prochaine ? ».

« Aucun "Plan Marshall" pour les élèves en difficulté »

Il ne fait aucun doute pour le Collectif que ce transfert de responsabilité va conduire à la suppression non seulement de la classes, mais aussi du poste d’enseignant, pourtant formé par l’Académie à cette mission vitale. « Ce n’est pas dramatique pour nous de retourner au Primaire, notre poste n’est pas en jeu, mais les élèves en difficulté n’auront plus d’enseignants formés, poursuit le référent. Je pense aussi que les Principaux de certains collèges, et surtout nos collègues, n’apprécieront pas. Nous leur apportons des éléments de réflexions différents, sommes souvent plus impliqués dans la vie de l’établissement. On connaît mieux les familles pour avoir suivi avant les élèves en classe de lecture, on peut en reprendre certains dans nos groupes quand cela se passe mal dans la classe, on rend de petits services... On est un peu la soupape en cas de problème ». Et sans soupape, la marmite bouillante de l’échec scolaire qui “pouak” trop d’élèves réunionnais ne tardera pas à exploser avec les conséquences sociales dramatiques que l’on connaît. Ce dessein inquiète les enseignants qui, au quotidien, vivent l’ampleur du phénomène. « Parmi les élèves que nous suivons en “classes contrat”, les 3/4 répondent peu aux sollicitations, ne sont pas épanouis, refermés. Le quart restant est beaucoup plus extériorisé ; ce sont des enfants qui présentent d’autres troubles associés. On ne sait plus par quel bout s’y prendre. Les services sociaux, associations gérées par le Conseil général, sont confrontés aux mêmes problèmes que nous : le Département comme l’Académie ne proposent aucun "Plan Marshall" pour les élèves en difficulté ».

« C’est l’avenir de ces jeunes qui est en jeu »

Réunis le 5 février au Port, les enseignants de “classes contrat” ont rédigé une motion à l’attention de l’administration académique lui redemandant l’ouverture d’une concertation afin d’établir et de proposer de nouveaux outils aux élèves en difficulté. « C’est quand même fantastique de voir que nous sommes obligés de passer par des voies détournées pour demander le dialogue, déplore Pierre-Antoine Bourgourd. Nous avons déjà proposé au Rectorat d’engager un travail durant les heures de concertation traditionnelles pour formuler des propositions, mais il a refusé. Nous sommes donc obligés de passer par un Collectif pour défendre la cause des élèves en difficulté, car rappelons qu’ici, nous ne jouons pas nos postes, mais c’est l’avenir de ces jeunes qui est en jeu ».
Cette réunion a également été l’occasion de dresser le bilan de la politique académique à l’égard des élèves en difficulté et de rédiger une note d’information très instructive que le Collectif a transmise aux médias comme aux personnalités politiques. Pour l’instant, seule Huguette Bello a répondu présente, Didier Robert réceptif. « On pense jouer sur la période électorale pour que les élus prennent position sur ce dossier, mais soit le sujet n’est électoralement pas porteur, soit ils n’ont pas conscience de la gravité de la situation, du gros pourcentage d’enfants en difficulté dans notre académie », explique l’enseignant. L’enjeu est portant de taille.
Le Collectif attend la réponse de l’Inspecteur académique à qui le Recteur a délégué la gestion du dossier : courage, fuyons ! Si ce dernier ne s’est pas manifesté d’ici à mardi prochain, les enseignants et tous leurs collègues qui voudront bien les soutenir se retrouveront devant les grilles du Rectorat, très fréquentées ces derniers temps. Et ça n’interpelle personne ?

Stéphanie Longeras


Classes contrats, c’est quoi ?
Créées en 2006, les “classes contrat” (classes fermées) accueillent 16 élèves en très grande difficulté, non lecteurs ou petits lecteurs, sélectionnés à partir des évaluations nationales. Ce dispositif, spécifique à l’Académie de La Réunion, offre aujourd’hui à 64 collèges une remédiation, un programme adapté qui doit permettre aux élèves d’accéder sur 2 ans à la classe de 5ème. La première année, la part du français et des mathématiques est augmentée et les matières dites « d’éveil » sont traitées en termes de projets (Sciences et Vie de la Terre, Histoire, Géographie, Anglais, EPS). En 2ème année, la classe suit un programme habituel de 6ème, bénéficiant d’un suivi particulier de la part des professeurs dans une classe appelée “Aide et progrès”. Les élèves de “classe contrat” reçoivent une aide visant la maîtrise des apprentissages fondamentaux.

70% des élèves de 6ème en difficulté
Au collège, les sections spécialisées pour les élèves en grande ou très grande difficulté se résument aux SEGPA, aux dispositifs ambition-réussite et aux “classes contrat”. Certains collèges cumulent 2 à 3 dispositifs. Selon le Collectif, « à La Réunion, les résultats aux évaluations nationales devraient conduire à classer tous les collèges (sauf 2) en ambition-réussite ». Beaucoup des initiatives engagées tiennent avant tout à l’implication des enseignants, et l’on peut se demander quel est le rôle des autorités académiques ? Si elles avaient de l’ambition, peut-être pourraient-elles ouvrir de nouvelles SEGPA. Quoi qu’il en soit, la nécessité d’un programme ambitieux n’est plus, pour le Collectif, à démontrer sachant que sur un effectif moyen de 250 élèves de 6ème pour un collège, environ 20% sont en très grande difficulté, 30% pour les collèges les plus démunis. De ce fait, 16 élèves de “classe contrat” ne représentent que 32% des 50 à 60 élèves qui ne sauraient se priver d’un soutien éducatif adapté pour espérer poursuivre leur cursus. « D’après notre expérience au collège, nous estimons entre collègues que 30% seulement des élèves à l’entrée en 6ème peuvent suivre les programmes officiels (depuis les très bons, jusqu’aux moyens qui s’en sortiront, sauf accident). Il y a donc entre 50 et 40% d’élèves en difficulté "moyenne" qui n’ont pas de prise en charge particulière. Cumulés, les élèves en difficulté à La Réunion représentent donc en moyenne 60 à 70% des effectifs de 6ème, soit 11.000 élèves sur 16.000 (privé et SEGPA inclus) ! ». Cette analyse du Collectif n’invite-t-elle pas à la réflexion, à l’action ?


Commentaire

La priorité absolue de ce gouvernement n’aura échappé à personne : faire des économies, coûte que coûte. Dévoué, zélé même, le Recteur de La Réunion s’emploie sans compter à appliquer cette prérogative nationale au plan local, et ce, en dépit des besoins et spécificités de notre système éducatif. Finalement, qu’importe son secteur de compétences, qu’il ait à gérer des élèves ou des petits pois, c’est le résultat qui compte : dépenser moins. On l’a vu avec les emplois précaires et on le voit encore aujourd’hui avec les élèves en grande et très grande difficulté que de la 6ème à la Terminale rencontrent chaque jour, des professeurs, accablés par le constat non pas de l’échec de ces jeunes, mais du système éducatif qui n’a pas su les aider. Pourtant ! Pourtant ! Lors de son discours de rentrée scolaire 2007, le Recteur semblait si volontariste. Oui, les classes sont surchargées, oui, les élèves en difficulté sont plus nombreux qu’en Métropole, mais grâce aux “classes contrat” (2 au minimum pour chaque collège) et à des enseignants volontaires et impliqués, l’Académie parviendra à son objectif : la réussite scolaire pour tous. Fadaise ! N’est-ce pas ? Foutaise encore ? Tout le monde sait ou presque que nos marmay rament et s’enlisent dans les études, non qu’ils soient plus sots que les autres, mais que les autorités académiques se confortent dans le minimalisme éducatif, alors que l’ecclecticité du public scolaire (social, culturel) devrait conduire à des adaptations qui vont de soi. Mais de vous à nous, dans un pays qui prône l’identité nationale, la diversité et l’originalité des méthodes ne vont pas de soi. Pourtant, comment cette même République qui incite au développement endogène de notre île peut-elle mettre aussi rapidement ses acteurs sur le banc de touche ? Entre les paroles et les actes, l’entreprise de néantisation se heurte à la réalité.

SL


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Messages

  • la réaction des syndicats enseignants relative aux nouvelles dates d’examen est révélatrice (billets d’avion déjà réservé).
    si l’on veut que la jeunesse réunionnaise y gagne, arrêtons l’import de profs zoreils pressés d’aller découvrir la zone ocean indien ou de retourner en "Zoreillie"..que des profs créoles volontaires au profit des réunionnais, ouverture pendant les vacances des écoles, avec des élèves stagiaires IUFM pour faire du soutien scolaire (gratuitement) ou développer des actions d’éducation à destination des parents (comment surveiller les devoirs des marmay, par exemple)..quitte à avoir une action forte, autant le faire entre réunionnais !

    • Attention au dérapage ! Il y va des profs zorey comme des profs kreol, on y trouve le militant comme la souris dans le fromage, comme aussi celui ou celle qui fait honnêtement ce qu’il peut. Les réactions les plus épidermiques pour s’occuper des élèves en difficulté en tenant compte de la diglossie viennent ... souvent des "kreol" ! On peut y chercher les explications qu’on veut, pour moi la Réunion a passé les étapes de la société française à toute vitesse, avec des succès incontestables pour certains, et un retard de vue et de mentalité pour d’autres, il y a de tout, et partout ! Et même un zeste de colonialisme partagé diversement, des politiques jusqu’à l’électeur, et bien sûr du fonctionnaire fraîchement nommé ...
      On ne réussira à relever ces défis énormes que dans la solidarité, dans le cas contraire, en route pour le Kenya ! charmante destination de l’Océan Indien pour en revenir à la découverte des alentours !
      A propos : les zorey font partie de l’histoire de la Réunion comme les autres !

  • Le problème exposé içi n’est zoreil créol.
    Le problème vient du fait qu’une bande de technocrates a décidé d’appliquer à la réunion des recettes qui ne fonctionnet même pas en métropole. PPRE pédagogie différenciée et autres fariboles.
    Etpour répondre à Nicolas de l’ouest il est sûr que les créoles doivent prendrent en main leur avenir.
    Mais moi le zoreil qui me bat depuis 15 ans pour les marmay en difficulté je ne vois pas beaucoup de vos compatriotes réagir.
    Le monsieur Blanc a dit : Il a raison.
    Combien de principaux créoles se sont élevés contre cette mesure du Rectorat.
    Pour eux aussi la soupe est bonne !!
    Alors zoreil creol allons mettre ensemble notre énergie au service des marmay.

  • Camarades, comment ne pas réagir et surtout s’inquiéter quand on sait que l’avenir de nos enfants aujourd’hui est sévèrement menacé ?
    Depuis cette année 2008, l’éducation à la Réunion subit un vrai cyclone, les dégâts sont énormes :
    - plus de 600 ATOS licenciés inhumainement
    - de nombreux postes supprimés
    - les classes de 6 contrat et de 3 d’insertion non reconduites.
    Ce gouvernement veut faire des économies, c’est fini les plans Marshall.C’est fini la solidarité.
    Nos enfants en difficultés seront scolarisés dans des classes normales, il seront dés la rentrée isolés et leurs difficultés grandiront davantage.Que faire ?
    Il faut se mobiliser et faire entendre nos revendications,allons nous mobiliser pour un grenelle de l’éducation à la Réunion, une éducation qui répond à nos attentes, une éducation adaptée à nos élèves, une éducation avec des enseignants recrutés aussi localement.A quand le moratoire ? Aline Hoarau, Ste Suzanne


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